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Rien n’est entendu jusqu’à ce que tout soit entendu

Indécence

Rien n’est entendu jusqu’à ce que tout soit entendu(info # 010304/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa© MetulaNewsAgency

 

En novembre 2013, Barack Obama, assisté en cela par les chefs d’Etat des autres pays du 5+1, avait ouvertement menti à l’opinion publique mondiale, lorsque, brandissant une feuille d’information rédigée  par les conseillers du Département d’Etat, il l’avait présentée comme un traité signé avec la "République" Islamique d’Iran.

 

La Ména avait alors créé le buzz en dévoilant qu’aucun texte d’accord n’avait été approuvé, et encore moins signé, entre les 5+1 et Téhéran, et que le seul écrit existant consistait en un document préconisant les "premières mesures" qui pourraient éventuellement être prises par les parties, en vue d’aboutir à une entente.

 

L’analyse de la Ména était à ce point pertinente, que, quelques jours plus tard, elle avait été publiée par le site de la Maison Blanche, qui fut ainsi contrainte de reconnaitre la réalité de ce que nous exposions.

 

Le vrai document contraignant fut signé début janvier 2014, suite à d’énormes pressions, y compris des menaces d’intervention militaire, exercées par Washington sur la théocratie chiite.

 

Hier, en prenant la parole dans le Jardin des Roses de la White House, le président américain a un peu moins menti. On navigue toutefois dans le show médiatique, dans une dynamique d’optimisme forcené, qui, comme l’ont souligné des officiers du Mossad, reste largement "déconnecté de la réalité".

 

A nouveau, la nuit dernière, Barack Obama a articulé son intervention sur la base d’une feuille d’information made in USA, confectionnée par les mêmes conseillers qu’en novembre 2013. Les Iraniens n’ont pas participé à sa composition et n’y adhèrent pas.

 

Ce qui résulte de plusieurs semaines de négociations acharnées entre les ministres des Affaires Etrangères des 5+1 et la junte théocratique persane se limite à une "liste de paramètres clés", qui "pourraient servir" à l’élaboration d’un "plan d’action global" (Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA)) relatif au programme nucléaire de la "République" Islamique iranienne.

 

Il faudrait encore – c’est le Département d’Etat US qui le précise –, entre maintenant et le 30 juin, écrire ledit JCPOA, se mettre d’accord avec Zarif sur tout son contenu, y compris les détails, et ensuite, passer à la rédaction du traité proprement dit et à son approbation officielle.

 

Et comme la délégation iranienne a à nouveau insisté pour que cela soit mentionné noir sur blanc : "Nothing is agreed until everything is agreed", "rien n’est entendu jusqu’à ce que tout soit entendu", il n’y a, formellement, aucun engagement de la part de l’Iran sur quoi que ce soit de ce qui a été discuté ces derniers jours à Lausanne.

 

La différence la plus évidente entre la nuit dernière et le 24 novembre 2013, est que Monsieur Obama n’a pas déclaré fallacieusement qu’un accord avait été signé, et que le préambule du factsheet distribué par le Département d’Etat mentionne correctement, cette fois, la situation juridique dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

 

Reste que les "paramètres" ne sont pas signés, que Zarif en a fait, en farsi et sur les media de la junte, une description très différente de celle présentée par Monsieur Obama, ce qui a participé à jeter des milliers de ses compatriotes extatiques dans les rues de leur capitale, pour fêter la victoire de leurs diplomates sur ceux du monde entier.

 

Ces manifestations contradictoires se situent à l’opposé de celles qui illustrent traditionnellement la signature d’un authentique traité.

 

Il demeure que les résultats du travail effectué à Genève sont de meilleure qualité qu’en 2013 ; preuve en est que les "paramètres" n’apparaissent pas au mode conditionnel, et que les chefs de délégations ont, cette fois-ci, participé à une conférence de presse commune organisée à l’Ecole Polytechnique Fédérale de la capitale du canton de Vaud.

 

D’ailleurs, les sourires et les embrassades des Occidentaux avec les Perses revêtaient quelque chose d’indécent à notre avis. Premièrement, parce qu’aucun traité n’a été atteint ; ensuite, parce que Zarif et ses compères sont les ministres d’un régime dictatorial, qui œuvre ouvertement à la destruction de l’Etat d’Israël, dont la "justice" multiplie les pendaisons d’homosexuels au faîte des grues, assassine les opposants politiques et les renégats à l’Islam, martyrise les minorités et ordonne la lapidation des femmes soi-disant infidèles.

 

Cette junte a également porté la guerre au Yémen, elle est en train de s’accaparer d’énormes portions du territoire irakien, elle s’oppose, en Syrie, aux islamistes et à ceux qui s’emploient à instaurer la démocratie, elle masse des troupes à proximité de la frontière israélienne du Golan, elle arme et encadre la milice du Hezbollah au Liban, dont elle a totalement oblitéré la cohésion intercommunautaire.

 

La moindre des choses, à nos yeux, oblige de conserver ses distances avec des individus de ce type et à éviter de se taper sur l’épaule. C’est d’ailleurs là la première victoire de Khamenei : avant même d’avoir concédé quoi que ce soit, il a fait de son régime infréquentable un membre de la communauté internationale, dont le drapeau trône, dans l’EPFL, au milieu de ceux des grandes puissances de la planète.

 

Même si le Département d’Etat a, cette fois-ci, correctement indiqué que les festivités ne s’appliquaient qu’à l’énonciation des "paramètres" en vue d’un "plan d’action global", cela n’empeche guère la plupart de nos confrères, même les plus sérieux d’entre eux, de parler d’un accord, d’un accord préliminaire ou d’un accord temporaire. Au temps pour eux !

 

Il est vrai que le "Département" fait tout ce qui est en son pouvoir, dans sa feuille d’information, pour la présenter comme s’il s’agissait d’un contrat. Les phrases se multiplient, qui commencent par : "L’Iran s’est engagé indéfiniment à… ", "L’Iran a accepté de…", "L’Iran procédera à la réalisation de…", "L’Iran n’aura pas de …", etc. L’Iran s’est engagé ? Bollocks! (± mon œil). Il s’agit évidemment de contrevérités destinées à fausser la compréhension de l’opinion publique en général, de l’américaine, en particulier.

 

Le président Obama a, bien entendu, lui-aussi multiplié les exagérations de ce genre, confondant intentionnellement un "cadre de négociations" a minima, avec un "bon accord" (a good deal). Il ne dit pas non plus la vérité, lorsqu’il affirme que les négociations ont "réussi exactement comme nous l’attendions". Car ce que son gouvernement avait annoncé préalablement était que ces négociations devaient se conclure jusqu’au 31 mars dernier par la signature de l’accord-cadre, dont c’était uniquement les détails qui devaient être rédigés jusqu’au 30 juin. On en est très loin.

 

Barack Obama n’hésite pas non plus à décrire les résultats de Lausanne, plusieurs fois dans son intervention, comme un "accord international". Un accord qu’il qualifie d’ailleurs d’"historique".

 

Conscient, toutefois, que le fruit de la pêche de Kerry dans les eaux du Léman est insuffisant pour convaincre le Congrès, et que va s’engager avec lui un "débat vigoureux" (a robust debate), le pensionnaire de la Maison Blanche n’hésite pas à menacer les élus de son pays. Entrevoyant la possibilité que le Congrès, auquel il avait promis un traité signé, ne se satisfasse pas d’un plan de discussions non contraignant, et que cela le rende enclin à rejeter la manière dont l’Administration gère ces négociations, et à imposer de nouvelles sanctions contre la "République" Islamique, Obama avertit : "Si le Congrès tue cet agrément, [d’une manière qui] ne se base pas sur une analyse d’experts et sans offrir une alternative raisonnable, ensuite… l’unité internationale va s’écrouler".

 

A plusieurs reprises, lors de son speech, Obama a fait référence à l’accord dont il est convaincu qu’il se réalisera, dans les termes de "Best option", la meilleure option possible.

 

Nous, d’admettre volontiers que si tous les paramètres envisagés se réalisent de la manière la plus favorable aux 5+1, sur les points en suspens qu’il reste à négocier, et qu’un traité est signé le 1er juillet, la question de savoir s’il représente ou non la meilleure option dans la gestion du nucléaire iranien se poserait effectivement.

 

En intégrant toutes les conditions que nous avons évoquées au début de cette analyse, et donc sous les plus strictes réserves journalistiques en vigueur à la Ména, nous avons considéré les paramètres retenus par les négociateurs.

 

Ce que nous pouvons globalement en dire est que, s’ils sont intégralement respectés, l’Iran ne construira pas de bombes atomiques dans la décennie à venir. Nous pouvons également assurer nos lecteurs qu’il ne sera pas plus proche de la bombe au terme de cette hypothétique agrément qu’il ne l’est aujourd’hui, et même, sur une base objective, qu’il en serait un peu plus éloigné.

 

Ajoutons à ces considérations générales, que si l’éventuel accord était parfaitement appliqué, le breakout time – le temps nécessaire à Téhéran pour réunir les conditions indispensables à la fabrication d’une bombe atomique après avoir rompu ses engagements – serait plus long qu’il ne l’est aujourd’hui. Il serait aussi bien plus long qu’il ne l’était à la fin de 2013, lorsqu’on l’évaluait, dans nos colonnes, à "quelques semaines".

 

Il est difficile de chiffrer précisément ce laps de temps, mais on peut raisonnablement en dire qu’il se situerait "au moins entre 6 et 8 mois", ce qui procurerait aux puissances et à Israël le temps suffisant afin de rebondir et d’envisager des solutions de remplacement.

 

Il est intéressant de remarquer que les "paramètres" mentionnent spécifiquement le breakout time, prescrivant qu’il doit être d’un an au moins. A partir de cette annotation, si les négociations à suivre se déroulent bona fide, on pourra prendre cette durée de 12 mois comme base de référence afin de régler d’éventuelles divergeances entre les interprétations.

 

Au niveau du détail des paramètres envisagés, ceux de nos lecteurs qui pratiquent l’anglais pourront le consulter dans le document original publié par le Département d’Etat.

 

Les points principaux que nous avons retenus, sous les mêmes réserves que précédemment, concernent la réduction du nombre des centrifugeuses. Elles passeraient de 19 000, aujourd’hui, à 6 104 pendant 10 ans ; toutes appartenant à la première génération de centrifugeuses produites par l’Iran, IR-1. De plus 1 044 des 6 104 centrifugeuses restantes ne participeraient pas à l’enrichissement de l’uranium.

 

L’Iran accepterait en outre de limiter la pureté de son minerai à 3,67% durant 15 ans, et à ne conserver que 300 kilos des stocks totalisant 10 000 kilos actuellement en sa possession.

 

Le site souterrain de Fodow ne serait plus utilisé pour enrichir de l’uranium pendant une quinzaine d’années, et serait transformé en site de recherche dans divers domaines scientifiques. Les deux tiers des centrifugeuses qui s’y trouvent en seraient retirés et placés sous la garde de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA).

 

Les 5 060 centrifugeuses restantes, à l’exclusion des modèles plus récents, IR-2, IR-4, IR-5, IR-6, et IR-8, seraient concentrées uniquement dans les installations de surface de Natanz. 1 000 centrifugeuses IR-2M en seraient par ailleurs retirées et passeraient elles aussi sous le contrôle de l’AIEA.

 

Les inspecteurs de l’agence de Vienne obtiendraient la possibilité de vérifier les activités des sites d’enrichissement, mais également des mines, des lieux transport et d’entreposage, ainsi que de s’assurer que l’Iran ne produit pas de nouvelles centrifugeuses.

 

Au chapitre des inspections de l’AIEA et de la transparence, il est évident que des divergences majeures persistent entre les protagonistes, car rien n’indique, dans les "paramètres", que les commissaires pourraient inspecter les emplacements militaires suspects, comme celui de Perchin, pas plus qu’ils ne seraient autorisés à effectuer des visites surprises, là où bon leur semble.

 

A propos des sanctions, il semble que les 5+1 aient partiellement adopté la position de Téhéran : celles-ci seraient rapidement levées après que l’AIEA aura vérifié qu’il avait tenu tous ses engagements.

 

En revanche, "l’architecture" des sanctions resterait en place, ce qui permettrait leur réinstauration rapide, sitôt qu’il aurait été démontré que la théocratie chiite contrevient, ne serait-ce qu’à un seul de ses engagements majeurs.

 

Les autres sanctions et restrictions américaines existantes, notamment celles concernant le terrorisme, les infractions aux droits de l’homme et la production de missiles balistique resteraient en vigueur.

 

Il apparait, de plus, que les négociateurs ne sont pas parvenus à s’entendre à propos des activités de recherche que les Perses seraient autorisés à poursuivre. Cette question demeure l’un des points épineux restant à aborder.

 

Force est de constater que les négociateurs des 5+1 ont réellement produit un effort consciencieux à l’hôtel Beau Rivage. Avec les réserves que nous avons formulées, particulièrement le fait qu’aucun engagement n’avait été pris par les Iraniens, on doit tout de même retenir que l’ensemble des mesures proposées par les 5+1 préfigurent d’un système rationnel, qui, faute de priver les ayatollahs des instruments servant à produire une bombe, bouche tout de même tous les accès envisageables pour une telle réalisation, et pendant une période allant de 10 à 15 ans.

 

Au cas où ces "paramètres" aboutiraient effectivement à un traité, il y aurait lieu de se demander si toute autre solution, à l’exclusion d’une intervention militaire, pourrait être de nature à mieux isoler le danger nucléaire iranien que les clauses dudit traité.

 

On doit aussi s’interroger sur l’efficacité d’une campagne militaire qui viserait les infrastructures nucléaires de la junte chiite. On doit le faire en considérant les dégâts directs qui pourraient être occasionnés, et la nécessité de "frappes d’entretien", essentielles afin d’empêcher l’ennemi de reconstruire ses installations détruites. Il faudrait envisager l’implication économique d’un conflit à long terme contre la "République" Islamique, de même que les pertes humaines et la déstabilisation régionale et planétaire qui en résulterait.

 

Dans cette équation, et si un tel traité était effectivement conclu, Barack Obama disposerait d’arguments concrets face à l’opposition systématique de Binyamin Netanyahu ainsi que des Républicains au Congrès.

 

Concrets ou probants ? Il est difficile de répondre à ce questionnement, car, outre les aspects négatifs de la conservation de l’infrastructure nucléaire persane et de la réintégration de Téhéran parmi la communauté des nations, ainsi que de la réhabilitation de son économie, il n’est pas permis d’oublier que l’accord envisagé va entériner l’agressivité de l’Iran dans la sphère moyen-orientale.

 

On retrouverait des ayatollahs plus riches, autorisés à faire le commerce de ce qui leur est nécessaire pour construire des armes, capables de lever plus d’armées et de soutenir davantage d’organisations terroristes. L’accord final envisagé possède également des aspects de blanc-seing donné aux ayatollahs pour étendre leur empire au détriment des Etats arabes sunnites, des minorités chrétiennes et d’Israël.

 

De plus on a déjà remarqué que Barack Obama avait octroyé aux soldats de Téhéran ainsi qu’à leurs alliés et à leurs supplétifs terroristes une immunité militaire quasi parfaite, et ce, avant même la conclusion des négociations. Or, en frappant les ennemis des Iraniens en Irak et en Syrie, il est évident que la Maison Blanche favorise l’avancée des mollahs dans l’univers arabo-musulman. Cette constatation suffit aux chefs d’Etat sunnites ainsi qu’à Monsieur Netanyahu pour déterminer que l’Iran khomeyniste constitue un ennemi irréductible, avec lequel, par sa faute, aucun dialogue n’est possible.

 

A l’inverse, les 5+1 entendent vendre des automobiles et des avions aux soixante-dix millions d’Iraniens, aussi ne partagent-ils pas les craintes que nourrissent les Arabes et des Israéliens, même face à un Iran qui serait, plus de dix ans durant, privé de l’arme suprême.

 

Les deux points de vues ne sont pas dénués de sens ; l’adhésion à l’un ou l’autre dépend fortement de l’endroit où l’on vit et si l’on fait partie ou non des peuples que Téhéran déclare itérativement vouloir anéantir.

 

Il reste objectivement injuste de prétendre que cet accord, s’il prend forme, sera l’outil qui permettra à Khamenei de construire sa bombe atomique. En revanche, il est clair que l’on est en train d’assister à une fracture entre l’Europe et l’Amérique, d’une part, et le monde Arabe et Israël, de l’autre. Ces derniers, obligés, contre leur gré, à assister au rapprochement entre l’Occident et leur ennemi iranien, sont en train d’apprendre à faire cause commune, et à protéger leurs intérêts et leur sécurité en se passant de demander la permission à Washington, ou, éventuellement, à Bruxelles.

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