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Souk des Livournais, Tunis 1905 - Mes racines ! Par Felix Perez

Souk des Livournais, Tunis 1905 - Mes racines !

 

 

J’ai collectionné une cinquantaine de cartes postales identiques et quelques documents qui me rappellent mes racines et mon histoire familiales. Peu de gens ont un tel privilège et je souhaitais partager avec vous les sentiments que de tels témoignages si anciens me font éprouver.

 

La carte postale de 1905

 

Je démarrerai par cette carte de 1905, assez connue et qui met en avant un magasin situé au 132 Souk El Ghrana (des Livournais) donnant sur la rue du Sergent Bismuth.

Celui-ci s’appelle « A LA VILLE de THIERS. FELIX PEREZ ». Les noms et prénoms y figurent en français, hébreu et arabe !

Posant à son entrée, un jeune homme de 15 ans en casquette, songeur. Il s’agit de mon grand-père né en 1890, et à qui je ressemblais beaucoup au même âge.

Cette carte éveille en moi des souvenirs émus, car j’ai fréquenté ce magasin des dizaines de fois et elle m’en rappelle toute l’histoire et la réussite. Mon père et son frère (de mémoires bénies) y ont travaillé jusqu’à notre départ de Tunisie pour Paris, en septembre 1967, juste après la Guerre des 6 Jours.

Ce magasin est tout d’abord le seul souvenir dont je dispose du grand-père de mon grand-père qui l’a créé en 1902 en lui donnant son propre nom Félix Perez, quand mon grand-père avait 12 ans. Ce nom est également celui de mon grand-père et le mien. 

 

A quoi penses-tu donc grand-père ?

A quoi penses-tu donc sur cette carte, grand-père chéri, que je n’ai jamais connu mais dont je porte le nom ?

A ton mariage une dizaine d’années plus tard et à tes 4 enfants, dont mon père ? Au formidable développement commercial que tu vas assurer par ton flair et ton opiniâtreté ? A ton décès trop précoce le 1er janvier 1953 à l’âge de 63 ans ? A ton petit-fils et à son avenir réussi en Israël entouré de ses 9 petits-enfants ?

Impossible pour moi de décrypter tes rêves, même après des dizaines d’heures d’observation de la carte !

 

La réussite de mon grand-père

Mon grand-père est vite devenu importateur exclusif pour la Tunisie de la coutellerie de Thiers qui a représenté la grande majorité des couteaux français. Près de 70% des couteaux importés de Tunisie, dans les années 30 à 60, l’ont donc été par lui et depuis cette petite boutique. En effet, dès qu’un magasin tunisien voulait vendre des couteaux français, il était quasiment obligé de les commander à mon grand-père qui prenait son téléphone, passait commande, livrait dès réception en touchant une conséquente marge. Ceci lui a permis de faire fortune dont l’essentiel est resté sur place lors de notre départ de Tunisie.

 

Les remises en question de mon père

Mon père aurait pu se contenter de vivre sur de tels acquits mais son exemple m’aura servi de fil conducteur, pour en permanence développer de nouvelles pistes de développement (y compris sur le plan intellectuel dans mon cas) :

A la fin des années 50, il a trouvé un nouveau filon : un nouveau parfum sans alcool pour musulmans, dans une gamme complète et de qualité, importée de Marseille aux « Parfums Corania » de M. Cohen ; cette gamme existe encore !

Ces produits ont connu un incroyable succès du fait de la nouveauté du concept et de la large plage de clientèle visée.

 

Dans les années 63, il développe, sans rien y connaître, une usine de chaussettes, en équipant un grand local vide situé rue Randon, d’une trentaine de machines achetées en Tchécoslovaquie.

Il embauche à cet effet un jeune spécialiste, Chalom Badasche (qui fera directement son Alya en septembre 1967) ainsi qu’une cinquantaine d’ouvrières et exporte très vite des chaussettes par milliers de paires, notamment vers l’Allemagne.

Quand je vois ce papier à en-tête illustrant les 3 phases de développement de l’affaire familiale, je pense à la phrase de Kohelet 1, 2 (l’Ecclésiaste) : « vanité des vanités, tout est vanité ». En effet, tout ce travail, toute cette créativité conduisant à une réussite auront été vite balayés par le vent de l’Histoire, en l’occurrence, le départ des juifs des pays arabes du fait de leur hostilité contre le tout jeune Israël.

Mais, je me rappelle également de la leçon de fond du même Kohelet : malgré tout, fais ce que tu dois faire avec sérieux et opiniâtreté. En effet, ces efforts, loin d’avoir été vains, ont semé en moi et en mes enfants des graines que nul ne pourra arracher ; ces graines sont in fine notre bien le plus précieux !

 

 

Le 5 juin 1967, 10 ans à Tunis

Enfin, cette carte me fait inévitablement pleurer en pensant à mon ressenti du début de la Guerre des 6 Jours, à l’âge de 10 ans et en terre musulmane.

Le 5 juin 1967, premier jour de la guerre des 6 jours, je me trouvai dans ce magasin avec mon père et mon oncle. Une forte tension régnait et on nous dit « les arabes vont descendre, rentrez de suite chez vous pour vous mettre à l’abri ». Nous filâmes en voiture et avec ma grand-mère, nous montâmes nous regrouper dans notre appartement du 3ème étage.

Ma grand-mère, avec une intuition qui a sans doute évité un massacre à Tunis, cacha le pistolet familial, se doutant qu’une arme serait dangereuse dans une atmosphère si tendue.

Les manifestants arrivèrent dans l’Avenue par milliers en bas de notre balcon, assaillirent les commerces et la Grande Synagogue.

Je n’oublierai jamais, mais alors jamais, le Sefer Thora qu’ils sortirent et sur lequel ils urinèrent dans la rue devant nos yeux effarés avant de le déchirer !

Mon père et mon oncle cherchèrent le fameux pistolet pour tirer dans cette foule, tant ils étaient excités et D. merci ne le trouvèrent pas tant ma grand-mère avait bien fait les choses ! Elle avait évité sans doute un vrai bain de sang …

 

De Tunis en Israël via Paris

Un mois après, nous voilà tous dans l’avion pour Paris, laissant sur place notre fortune pour redémarrer à 0 comme les juifs à toute époque !

Après avoir tout reconstruit sur le plan intellectuel et rebâti une belle famille et après près d’un demi-siècle, nous revoilà mi-2016 installés depuis 6 ans dans notre Patrie, qui a, malgré toutes les difficultés locales, un goût de Gan Eden !

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Dommage, je n'aime pas les guerres stupides et surtout religieuses. retournons nous installer à TUNIS, tant qu’Israël n'a pas encore compris que le temps de la guerre est révolu. CA SUFFIT ! Place à la PAIX sans orgueil. AVANÇONS COURAGEUX mais pas naïfs
!!!

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