Souvenirs de Kippour, par Jose Boublil
Kippour représente des milliers d'images contrastées, mitigées, heureuse ou bien moins.
Cela commença à l'âge de 7 ans. J'avais décidé que j'étais plus courageux que mes copains, et que ce bras de fer avec mon corps me donnerait plus de mérite. Chose curieuse: je n'étais pas franchement d'une famille observante , sauf cet incontournable jeûne que toute la famille respectait.
Kherredine, fin août ou début septembre. Les offices démarraient de façon solennelle, ce qui pour des tunisiens mérite une mention spéciale au Lion d'Or de Venise. Cela se passait dans une belle villa bourgeoise, puisque dans cette station balnéaire , où 90% de la population à cette période était juive, il n'y avait pas de synagogue suffisamment grande pour accueillir toute cette "fine équipe".
Mes trois ou quatre premiers jeûnes se soldèrent par des évanouissements deux ou trois heures avant la délivrance.
Ma maigreur de l'époque avait vite raison de moi en l'absence de réserve naturelle. Et ainsi, je devenais l'attraction annuelle: on m'allongeait sur un lit , ma mère informée accourait pour me faire ses câlins , deux ou trois adultes malins m'apportaient un énorme verre de citronade ou d'orgeat , accompagné d'un morceau de boulou fourré au chocolat qui aurait pu asphysxier un rhinocéros.
Et ils insistaient à la manière tunisienne: allez petit, allez, c'est mauvais de ne rien boire ni manger à ton âge.
Inutile de préciser qu'en cette minute, face à la citronade, aucun chinois n'avait pensé à pire torture.
Mais ma volonté irresponsable mais sacrément ferme me disait "touche pas à ça petit, tu es dans la dernière ligne droite; après tu seras un héros". Et je fus ce héros . Et j'en jubilais toute l'année, jusquà voir arriver le prochain kippour.
J'aurai bien signé un arrêt de la marche du temps pour quelques mois supplémentaires.
L'autre kippour qui me marqua particulièrement fut évidemment celui de 1973. Celui de la guerre du même nom, celui de la plus grande peur du peuple juif depuis la Shoah. Nous vivions déjà en France, dans une très jolie ville, Savigny-sur-orge, avec une sympathique communauté. Mais ce jour là, plus personne n'arrivait à se concentrer pour prier.
La vie de notre peuple, de notre terre, était en danger selon les premiers flashs radio dont nous avions les retours par ceux qui, en dehors de ne pas manger vivaient ce jour-là une vie normale: télévision, radio, voiture, et parfois même achats.Nous sommes bien passés à deux doigts d'une catastrophe, et notre Créateur a décidé de donner à Ariel Sharon une sorte d'inspiration prophétique pour retourner à 180° une situation perdue d'avance.
Kippour c'est aussi la prière des Cohanims, à l'office de Néhila . Cette prière qui, chez les sépharades, se fait tous les jours de l'année résonne à Kippour comme une bénédiction quasiment Divine . La raison était que le chef de famille, notre père en l'occurence, nous bénissait en posant ses mains sur nos têtes ; or, ces familles si émues par cette pratique l'étaient essentiellement parce que ne venait à l'office qu'un jour par an, et ignoraient donc que cette brakha était somme toute un peu "banale".
Mais cela n'a aucune importance. Aujourd'hui encore je sens les mains chaudes de mon père z"l , lui si aimant et tendre. Et Kippour sera cela pour moi quelque puissent être les éléments de pondération rituelles. Je ne suis pas fils de rabbin, et je l'assume très sereinement.
Mais je suis le fils d'un homme d'exception, ce qui vaut largement la comparaison.
Puis, une force considérable m'a été transmise le jour où j'ai moi-même eu cette responsabilité de bénir , ou plutôt d'être le canal de diffusion de la bénédiction venant d'En-Haut. Et là, a commencé ce nouveau cycle de vie avec des enfants qu'on cherche partout sous les taliths pour leur permettre de trouver leur chemin près de leur père. Puis un autre où ce sont aussi les petits -enfants qu'on cherche.
Désormais mon rôle de "patriarche", pas trop vieux quand même, avait commencé à me faire mesurer l'importance de tels gestes symboliques, vis-à-vis de mes enfants . Ils devaient ressentir leur identité, leur rapport à Dieu et à leurs parents ; que juif n'est pas un simple mot, une étiquette qu'on peut coller ou décoller; notre être est empli de chekhina (immanence), et sous le talith il se passe des choses qui révèleront plus ou moins la direction d'un enfant, lorsque cette fête est la seule qui est suivie, que la scolarité se fait dans un milieu totalement laic et mixte. 4 minutes de parfum du jardin d'Eden, ou 4 minutes de plaisanteries d'enfants sans consistance.
Je sais que je ne suis pas tendre avec une certaine légèreté dans ces moments privilégié entre un père et ses enfants (de préférence garçons et filles lorsque ces dernières sont encore jeune).
Pour finir, l'Alyah a retiré à ce moment cette place qui sécurisait à sa manière la volonté de rester juif pour l'éternité.Nous n'en avons plus besoin. Et le merveilleux symbôle a laissé la place à quelque chose de fort mais de plus rituel , plus simple.
Je voudrais, mes très chers amis, vous souhaiter Gmar Hatima Tova et un jeûne facile . Que ce kippour et la suite des fêtes soit enfin une consolation de ceux qui souffrent terriblement , dont la vie a basculé sans jamais pouvoir refaire marche arrière.
Que la vie de tous ceux qui voient si peu la lumière des joies ou de la sérénité soit apaisée . Que la densité de l'épreuve soit diluée par des envoyés de Dieu sous toutes leurs formes.
Que les enfants de chez nous et de tous les pays pacifiques ne soient plus les cibles des salauds, les victimes de manoeuvres épouvantables.
Que les femmes des pays où elles sont plus bas que terre retrouvent une dignité etc...
Et que tous les juifs de Diaspora voient s'accélérer leur éloignement des pays confortables pour se diriger vers le seul pays de l'épanouissement, Israel. Et que nous tous ici, chez nous, nous voyions la victoire de tous nos efforts sur l'obscurité, l'obscurantisme, face à nos ennemis de l'extérieur et de l'intérieur. Soyez heureux.
José Boublil
Coutumes d’Afrique du Nord
Question au Rav Chlomo Aviner : Les Juifs qui sont montés d’Afrique du Nord doivent-ils garder les coutumes de leurs pères, ou les faire cesser comme le Choulhan Aroukh, qui est le ‘Maître du lieu’ ?
Réponse : Ils doivent reprendre les coutumes de leurs pères. Le Choulhan Aroukh n’était le ‘Maître du lieu’ de son temps que pour ceux qui l’avaient accepté. Quest/Rép ‘Hemda Guenouza’ du Rav Chaloch (Voir aussi le livre ‘Divré Chalom vé-Émet’ du Rav Chlomo Tolédano, qui exprime son désaccord avec le Rav Ovadia Yossef, [qui dit] que tout sépharade doit se comporter comme le Beth Yossef. On trouvera dans ce livre toutes les halakhot qui font l’objet d’un désaccord entre le Rav Chalom Messas et le Rav Ovadia Yossef – MTs).
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A Tunis et sa banlieue, l’usage est qu’à l’heure de la Birkat Hacohanim de la Nehila de Kippour tous les membres de chaque famille se réunissent autour du Grand-père ou du père, qui les place sous son talith …
Les femmes et les jeunes filles abandonnent, à ce moment là, la galerie réservée aux dames et se retrouvent sous le taleth largement ouvert.
(Du Rav Ephraim Haddad dans Azta)
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