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Tunis : La hantise du soir

 

La hantise du soir

 

 

Depuis le double viol commis il y a quelque temps, les femmes, jeunes et même moins jeunes, se déconseillent mutuellement jusque de prendre  un taxi à partir de 19h00. La psychose est réelle même si elle est inavouée. 
C’est un mot de passe qui circule entre parents et filles, entre maris et épouses, entre frères et sœurs : pour quelque motif que ce soit, ne plus rester en ville au-delà de 7 heures du soir! Le grand Tunis, avec ses banlieues, est déclaré dangereux à la tombée de la nuit. Déjà qu’à longueur de journée, les femmes, surtout dans les transports publics, gardent un œil vigilant sur leurs épaules de peur des pickpockets, voilà qu’elles sont devenues interdites le soir de crainte de devoir braver le pire. D’ailleurs, même les hommes ne sont pas toujours à l’abri puisqu’ils font souvent l’objet de braquages pour être délestés de leurs biens (argent, portables, etc.). 

Tunis, ville moderne ?

Cela fait un quart de siècle que Tunis s’escrime à donner de lui l’image d’une capitale moderne, vivante du matin au soir, avec terrasses d’hôtels et de cafés animées, salles de cinéma assidûment fréquentées, commerces de tous genres dynamiques, bref une capitale où il fait si bon vivre du matin au soir. Jamais ces efforts n’ont réussi à animer comme il se devrait le centre-ville, les rideaux métalliques, vu le marasme ambiant dès 19h30, finissant vite par baisser. Tunis se meurt dès 20h00. Et davantage aujourd’hui avec tous ces scandales qui éclatent de temps à autre. De sorte qu’est perdu à jamais l’espoir de revoir jamais revivre la capitale. Au moment où les grandes villes du monde rivalisent de lumières, de spectacles et de vie culturelle pour drainer le maximum possible de visiteurs aborigènes et étrangers, notre capitale à nous s’engonce chaque fin d’après-midi dans ses angoisses, ses phobies, sa hantise du noir. 

Vers une société machiste !

A dire vrai, le scandale du double viol commis sur une jeune Tunisienne n’a été que la goutte qui a fait déborder le verre. Car le verre, depuis au moins une année et demie, était déjà plein. Toutes ces jeunes filles qui se sont résignées sans sourciller au port du voile et ont donc accepté implicitement d’être considérées comme une «âwra» (une honte à couvrir de pied en cap), n’ont fait, à leur insu, que préparer et précipiter leur propre séquestration définitive dans les foyers. On leur a fait croire qu’une vie normale et moderne (études, travail...) est toujours possible à condition de porter le khimar et le niqab, alors qu’en réalité on prépare soigneusement leur emprisonnement à perpétuité dans les foyers. Elles ne voient toujours pas venir leur malheur. Avec le scandale du viol, c’était l’occasion rêvée de leur dire: voyez-vous ce que risque une femme moderne dans les rues?... Plus grave: cette dernière invention qui a fait dire à un homme politique que la fillette de 13 ans est déjà nubile et qu’elle peut convoler en justes noces, a confirmé une fois pour toutes dans maints esprits la thèse que la femme n’est avant tout et après tout qu’un objet sexuel qu’il faudrait d’abord couvrir, ensuite garder farouchement à la maison. Dans le même temps, tous les hommes sont devenus suspects, des violeurs en puissance. 
Et alors?... Et alors, c’est simple : le travail, c’est pour les hommes ; les études, c’est pour les hommes ; les cafés, le marché, c’est pour les hommes ; la rue, c’est pour les hommes. La femme n’a le droit d’évoluer que dans sa maison, juste pour manger, procréer et se taire. Et vous pensez vraiment que nous sommes en 2012, donc au XXIe siècle?... Allons donc!... Nous sommes très exactement au XIIe siècle, soit un siècle avant (avant!!) Essayda El Mannoubya qui avait refusé le voile et rejeté la proposition de son père d’être mariée à son cousin. Dorénavant, si tout va bien, nos fillettes de 13 ans vont se laisser marier bouche cousue et tête baissée. Et avec un peu de chance, leurs maris pourraient avoir entre 50 et 70 ans. En voilà un progrès social...

Lapresse.tn

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