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Tunisie: «Bourguiba et l’islam» de Lotfi Hajji

 

Tunisie: «Bourguiba et l’islam» de Lotfi Hajji (*)

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Une synthèse de Mohamed . Bouamoud
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  • I – Une certaine laïcité

    Paru en 2005 dans sa version originale (arabe littéraire), cet ouvrage de grande importance, aujourd’hui réédité dans une version française assurée par Sihem Bouzgarrou Ben Ghachem, tombe à point nommé, en cette période délicate que nous traversons, pour nous éclairer davantage sur la perception bourguibienne de l’islam, mais aussi sur l’équation (inextricable?) islam/modernité.

    Après une introduction où l’auteur évoque les polémiques houleuses ayant opposé Bourguiba aux Cheikhs Ben El Baz (grand mufti d’Arabie Saoudite) et El Qardhaoui à propos d’un discours du leader tunisien jugé un affront à l’islam, l’ouvrage aborde vite la question de la laïcité telle que prônée par le premier président de la Tunisie indépendante.

    Et d’abord, pourquoi est-ce que la laïcité (vocable –et concept– paru en 1873 puis devenu une loi française en 1905) n’en finit pas de faire parler d’elle? L’auteur écrit: «Si l’Eglise en tant qu’institution n’avait pas eu un droit de regard sur les choix collectifs communautaires, ni la latitude de suspendre ou de s’ingérer dans les décisions de l’Etat, le concept de la laïcité n’aurait pas connu cette pérennité dans les sociétés occidentales. L’homme de religion avait en effet le droit de confisquer la liberté de penser et celle de la conscience sous prétexte de préserver la foi». Et d’ajouter, citant Borhène Ghalioun: «Suite aux invasions barbares et germaniques, et à la destruction de l’Empire occidental, l’Eglise s’empara du centre de pouvoir dans l’ordre social. Elle imposa à la société un régime inflexible désavouant théoriquement les intérêts profanés, terrestres, le corps, et abrogea l’esprit, soumis à son ascendant absolu et restrictif».

    Ensuite, y avait-il dans le projet bourguibien ‘‘un idéal laïc’’ qu’il eût été tenté de mettre à exécution? L’auteur réponde: «L’approche islamiste cherchait ce qui pourrait être comparé à celui d’Atatürk. Point recueillant l’unanimité puisque tous les analystes avaient convenu que Mustapha Kamel tenta de reproduire une laïcité à la française, elle-même conséquente de la Révolution qui s’était opposée à une alliance historique entre l’Etat et l’Eglise. Cette alliance attesta de l’impossibilité de constituer un espace politique nouveau sans détruire les structures cléricales régissant toutes les catégories des pouvoirs publics». Et un peu plus loin: «Pour relire le projet de Bourguiba, les islamistes déployèrent un zèle singulier pour brosser une image stéréotypée le décrivant comme un piètre disciple d’Atatürk afin de légitimer leurs attaques permanentes contre lui et de mobiliser des partisans de cette démarche. D’ailleurs, la conclusion à laquelle les chantres de ce mouvement aboutirent et la politique qu’ils adoptèrent furent irrationnelles. Ils optèrent pour une stratégie basée essentiellement sur l’affrontement continu, non établie sur ses positions politiques dictées par les contingences variables».

    Suit un long passage où l’auteur fait remarquer que Bourguiba avait certes de l’admiration pour Atatürk («Il admirait ses positions politiques, sa formation militaire et son action pendant les guerres auxquelles il avait pris part»), et conclut que «cette admiration pour Atatürk est, dans une certaine mesure, une admiration pour sa propre personne, parce qu’il réussit à trouver des dénominateurs communs avec les grands leaders qui inscrivirent leurs noms dans l’histoire de l’humanité».

    Mais ici prend fin la similitude (s’il y en a une) entre Bourguiba et Atatürk. «Atatürk est le symbole du combattant, non des réformateurs», écrivait le leader tunisien dans un journal à la suite du décès du leader turc. L’auteur, à trois niveaux, dresse plutôt les divergences entre les deux hommes. Celui rattaché à la religion est de tout intérêt: «Le leader turc croyait à tort que les croyances religieuses avaient entraîné la déchéance et le déclin du Califat ottoman; c’est pourquoi il veilla à dissocier la Turquie de son passé culturel et civilisationnel (…) A ce stade, Bourguiba s’érigea en défenseur de la religion musulmane et condamna la lecture d’Atatürk».

    «Le changement ne peut pas s’accomplir par la répression, il intervient quand la société consent à échanger les équilibres existants contre d’autres plus concrets qui lui permettent de les maîtriser. Quand les réformes sont imposées par des lois, la société peut se rebeller».

    (*) Sud Editions, 290 pages, 18 dinars. 

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