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Tunisie : D’où sont sortis tous ces salafistes ?

 

D’où sont sortis tous ces salafistes ?

 

La profusion de groupuscules prônant une pratique de l’islam de plus en plus radicale, ainsi que le laisser-faire de l’Etat posent des questions sur l’avenir du pays.

 

 

Le Sejnanistan

 

Depuis fin 2011, “les habitants de Sejnane, ville située dans le nord-ouest de la Tunisie, se trouvent à la merci d’un groupe de fondamentalistes religieux qui fait régner la terreur. Un Etat dans l’Etat !” s’indigne le site tunisien Kapitalis. “Le pire est que cette affaire dure depuis des mois sans que le gouvernement lève le petit doigt pour y remédier, se dérobant derrière des dénégations qui ne convainquent personne.”

 

Les laïcs n’ont eu de cesse de le répéter, les partis qui se fondent sur la religion sont dangereux pour la république et pour la démocratie ! Ils l’ont payé cher lors des élections de l’Assemblée constituante [le 20 octobre 2011 : le parti islamiste Ennahda a remporté ce scrutin], mais l’histoire montrera que les partis laïcs avaient raison.Ainsi, la “guerre des mosquées” qui a eu lieu le 19 mai à Sousse entre factions salafistes a fait 4 blessés. Et c’est avec stupéfaction que les Tunisiens découvrent qu’en plus des deux factions salafistes les plus connues, à savoir la djihadiste [favorable au recours à la violence] et la scientifique [le salafisme conservateur, qui prône la prédication], il en existait d’autres plus violentes et plus dangereuses.

Quand les partis islamistes veulent nous convaincre qu’ils sont parfaitement compatibles avec la démocratie, ils oublient souvent qu’ils ne parlent pas tous la même langue et que, dans le panel islamiste, on peut trouver des extrêmes qui ne reconnaissent ni les frontières géographiques, ni l’Etat, ni les libertés…

Qui aurait cru qu’en Tunisie – et sous couvert de liberté d’expression – on entendrait parler de groupuscules comme les salafistes habachistes [du nom du fondateur, Abd Allah Al-Habachi, de cette communauté aux idées radicales], les djihadistes, les takfiristes [de takfir, littéralement excommunication : les adeptes de cette idéologie considèrent tout musulman non pratiquant comme un infidèle] et autres ? En parcourant les grandes lignes de la doctrine habachiste en question, on s’aperçoit très vite qu’il s’agit plutôt d’une secte qui fait dans le charlatanisme. Et l’on comprend mieux pourquoi Farid El-Béji [directeur de l’association coranique Dar El-Hadith, qui se situe dans le cadre de l’islam traditionnel en Tunisie], invité de Midi Show sur Mosaïque FM, s’est défendu d’appartenir à cette secte.

Lors de cette émission de radio, Farid Béji a parlé de 900 assaillants, armés de couteaux, d’épées, de bâtons, qui se sont attaqués à une vingtaine de personnes dans la mosquée Bilal, à Sousse, pour les déloger manu militari, sous le regard des forces de l’ordre et de l’armée, totalement impuissantes. Les assaillants appartenaient, toujours selon Farid Béji, au salafisme wahhabite et djihadiste, des courants aux yeux desquels un grand nombre de Tunisiens seraient bons à tuer, et ils ont accusé Béji d’être laxiste, d’encourager la débauche et la consommation d’alcool.

Nous sommes donc confrontés à un nouveau genre d’islam politique qui se fonde sur des interprétations strictes du Coran et de la tradition. En plus des événements qui ont eu lieu à Sousse, des démonstrations de force à deux endroits différents en sont la preuve. A Kairouan, lors d’un rassemblement populaire, le 20 mai, de l’association Ansar Echariaa [les défenseurs de la charia], sur l’esplanade de la mosquée Okba, ils ont encore une fois appelé au djihad contre l’Occident mécréant, loué Ben Laden et scandé leur fameux “Mort aux Juifs”, et à Sidi Bouzid, un groupe de salafistes a porté atteinte aux libertés individuelles en voulant fermer de force, le 19 mai [et le 26 mai à Jendouba], des bars et des points de vente de boissons alcoolisées.

A quel saint se vouer face à tous ces groupuscules, mouvements et mouvances qui, quand ils ne courent pas derrière le sésame qui leur ouvrirait les portes du pouvoir, à savoir le visa de légalisation du ministère de l’Intérieur, œuvrent pour prendre le pouvoir par la force ? A quelle doctrine accorder le bénéfice du doute quant à l’acceptation des valeurs de la république et au respect des institutions de l’Etat ?

Leur course effrénée et sanglante pour la prise des mosquées n’indique-t-elle pas leur volonté d’endoctriner le plus de jeunes possible (certains ont déjà fait les frais de cet endoctrinement en allant se faire tuer en Syrie) et d’élargir leurs bases en vue des prochaines échéances électorales ?

Et le laxisme du gouvernement ne fait qu’aggraver les choses. La troïka au pouvoir et Ennahda en particulier ont trop longtemps fermé les yeux sur les dépassements des salafistes avec lesquels ils ne veulent pas couper les ponts du dialogue. A trop vouloir nous convaincre de la justesse du proverbe tunisien “Garde ton méchant pour ne pas avoir pire”, Ennahda a joué avec le feu ; d’alliés potentiels, les salafistes sont devenus une réelle menace et, si on laisse encore la gangrène se propager sans traiter, c’est tout le corps qui sera emporté ! 

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