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Tunisie: la justice temporise sur la censure des sites pornos

 

Tunisie: la justice temporise sur la censure des sites pornos

 

La Cour de Cassation tunisienne a cassé mercredi le jugement ordonnant la censure des sites pornographiques sur internet et a renvoyé l'affaire en appel, ont indiqué à l'AFP une source judiciaire et l'organisation Reporters Sans Frontières (RSF)

 

La justice tunisienne a cassé mercredi un jugement ordonnant la censure des sites pornographiques sur internet, suscitant le "soulagement" de journalistes, d'internautes et d'ONG dans un contexte particulièrement tendu pour la presse tunisienne.

La Cour de Cassation a renvoyé l'affaire, qui sera rejugée en appel d'ici "deux à trois mois", selon une source judiciaire.

La décision de la justice était particulièrement attendue dans ce dossier potentiellement lourd de conséquences pour la toile tunisienne, qui jouit d'une liberté quasi totale depuis la chute de Ben Ali.

A deux reprises, en mai et août, la justice a ordonné à l'Agence tunisienne de l'internet (ATI) de censurer les sites pornos, après la plainte de trois avocats faisant valoir leur dangerosité pour la jeunesse et leur contenu "contraire aux valeurs musulmanes".

L'ATI, société anonyme dont le principal actionnaire est l'Etat, était sous Ben Ali l'instrument de contrôle de l'internet. Elle refuse aujourd'hui de réendosser ce rôle et plaide pour sa "neutralité". Son PDG Moez Chakchouk, nommé après la révolution, met aussi en avant des arguments économiques et financiers pour refuser la reprise du filtrage d'internet.

La décision de la Cour de Cassation, dont les motivations seront connues dans quelques jours, a donc été un "soulagement" pour l'avocat de l'ATI, Kais Berrjab, même si l'affaire n'est pas terminée.

"Bien sûr on attend l'issue finale puisqu'il y aura un nouveau procès, mais en attendant le principe demeure la liberté d'expression et d'accès aux contenus. C'est peut-être une décision historique", a-t-il déclaré à l'AFP.

"C'est plutôt une bonne nouvelle", a également réagi Olivia Gré, la représentante de Reporters sans frontières (RSF), dont l'organisation avait alerté sur les risques de "retour en arrière" si le filtrage d'internet était rétabli en Tunisie.

Un retour des vieilles méthodes toujours à craindre

"Un coin de ciel bleu dans un ciel très nuageux", a commenté pour l'AFP le journaliste et blogueur Sofiane Bel Haj, en rappelant les affaires qui s'accumulent ces derniers temps et illustrent la tension entre presse et pouvoir, médias et justice.

Cette décisionsur les sites porno intervient, hasard du calendrier, la veille du procès du directeur du quotidien Ettounssia Nasreddine Ben Saïda, incarcéré depuis le 15 février pour avoir publié en une une photo de nu.

Avec l'affaire Nessma, une télévision poursuivie en justice pour avoir diffusé un film jugé blasphématoire, le dossier d'Ettounsia fait grand bruit en Tunisie.

Les organisations de défense des droits de l'homme et de la liberté de la presse s'inquiètent de l'irruption de la morale dans le champ public et de la criminalisation de délits de presse. Ainsi, le directeur d'Ettounsia a été arrêté sur la base d'un article du code pénal et non du code de la presse.

Certains voient également une tentative du pouvoir, dominé par les islamistes d'Ennahda, de museler la presse et de revenir aux vieilles méthodes. Ils citent à l'appui de leur thèse une série de nominations ou tentatives de nominations par le pouvoir dans les medias publics.

Ce mercredi même, Elyes Gharbi, directeur général de la radio publique Shems FM, l'une des sociétés confisquées du clan Ben Ali, a été débarqué en conseil d'administration et remplacé par son prédécesseur, un ancien collaborateur de Cyrine Mabrouk, la fille de l'ancien président tunisien.

M. Gharbi, qui n'était en poste que depuis quelques mois, s'est interrogé sur les "raisons d'Etat" derrière son éviction et a dit craindre que sa radio "ne soit plus à l'abri des tumultes politiques".

Sans souscrire à la thèse d'une offensive calculée du pouvoir, Larbi Chouikha, membre de l'INRIC, instance indépendante chargée de la réforme des médias, insiste sur l'urgence de définir un cadre juridictionnel.

L'INRIC presse le gouvernement de prendre les décrets d'application des textes régissant la presse et les médias qu'elle a mis au point, mais en vain jusqu'à présent.

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