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Un peintre tune déclenche une tempête à la Knesset

Ornageraie Photo et Tableau

 

L'arbre généalogique

Comment il se fait qu'une paisible famille palestinienne des années 1930 se trouve au centre d'une tempête politique d'Israël en 2011....

Rona Sela

Le photographe.

Le tableau intitulé "Le propriétaire de l'Orangeraie", qui a été acheté pour la collection de la Knesset, à causé, ces derniers temps, une tempête car il représente une famille palestinienne photographiée à la fin des années 30 du siècle dernier. Cette photographie a été prise par Elia Qahwadjian, un arménien né en Turquie en 1910.Enfant,il a survécu a la tuerie des arméniens entreprise par les turcs. Durant la marche de la mort, sa mère l'a confié à un kurde du nom de Bedrahem, après avoir perdu, durant la marche, trois de ses enfants car elle avait compris vers quelle fin cette marche les menait.

Apres une marche difficile, et après la mort de la plupart des membres de sa famille, Qahwadjian arriva à Nazareth, grâce à l'aide de
la Société américaine pour le Proche-Orient. Son amour de la photographie, il le tient de Borossian, enseignant à l'internat de Nazareth, dans lequel il a vécu et dont il a suivi les cours.

Cet amour, il l'a acquis à 16 ans à Jérusalem. Qahwadjian a appris la photographie auprès de photographes arméniens : Yosef Tomian et Gerbar Krikorian. Puis il commença à travailler dans le studio des frères Hanania, photographes arabes chrétiens.
Les arméniens étaient les précurseurs locaux en matière de photographie, dans la première moitié du 19e siècle et Qahwadjian continua cette belle tradition. En 1940, il acheta le studio des frères Hanania ; il était un photographe fécond et connu et il ouvrit deux autres studios, au bout de la rue Jaffa, à côté de l'hôtel Fast. Dans ce quartier, il y avait beaucoup de studios de photographie parmi lesquels ceux de Khalil Raad,Kerkorian et Miltar Sabides.

Après la guerre de 1948, le quartier devient un" no man’s land".Sur les conseils d'amis de l'armée britannique, Qahwadjian réussit à sauver, à temps,les négatifs ainsi que le contenu de son studio et en ouvre un nouveau dans le quartier chrétien de la Vieille Ville.

Le studio, depuis, se trouve au même endroit,et son fils Kvorak et son petit-fils Elie,continuent l'activité de leur père et grand-père.
Toute sa vie,Qahwadjian a participé à la lutte de la société arabe ,en Israël,et il a témoigné de la vie, au jour le jour,dans les collines et les villages : joueurs d'échecs, femmes auprès d'une source, labours, marchés du vendredi, cueillette des oranges et autres scènes, pour la plupart autour de Jérusalem, mais aussi en dehors de cette zone, dans le port de Jaffa, par exemple. Jusqu'à ce jour, on peut acheter ces photos au studio de Qahwadjian, photos développées à partir des négatifs originaux.

Il possède peu de photographies de l'ancienne communauté juive de Jérusalem et il a évité de photographier la communauté juive nouvellement arrivée. Cependant, Qahwadjian a témoigné, quelquefois, des résultats de la lutte nationale contre les juifs, par exemple, en photographiant les véhicules juifs détruits, et laissés le long de la route à Bab El Oued.

Le peintre.

Le tableau, exposé a la Knesset, a été peint par Elihaou Eric Bokobza, ancien pharmacien, né a Paris en 1963, de parents immigrés de Tunisie.

De même que pour Qahwadjian, lui aussi a changé de pays durant son enfance. Bokobza décrit la nostalgie de sa mère, pour son pays natal, alors qu'elle ne s'était pas habituée à sa vie nouvelle, àParis, et qu'elle se voyait comme une orientale. Il n’était pas possible de retourner à Tunis, aussi réalisa-t-elle le rêve de son père, sioniste et Administrateur de la Communauté Israélite, en émigrant en Israël.

Bokobza est défini par Tali Tamir, la conservatrice de l'exposition qui a eu lieu au Musee Nahum Gutman, comme le dernier des artistes d'origine orientale, de l'Ecoles des Beaux-Arts Bezalel de Jérusalem. Et lui continue, d'une manière fictive, en s'associant a leur identité, à l'action de ce groupe d'élèves, d'origine orientale, qui ont étudié durant les deux premières décennies de son établissement - au début du siècle dernier -et qui ont été écartés du centre de l'activité artistique israélienne.

Son amour de l'oeuvre de Nahum Gutman lui a été transmis par sa mère, Sylvie, qui avait accroché, dans son appartement, des reproductions de ses oeuvres représentant des scènes de la vie a Jaffa qui lui rappelaient la vie à Tunis. Elle avait offert, à son fils, pour (l'anniversaire de) ses 21 ans, un livre de reproductions de Nahum Gutman avec la dédicace suivante : "Je voudrais que, jusqu'à 120 ans, tu continues à regarder le monde avec la même naïveté que Nahum Gutman et que, comme lui, tu continues à la peindre".

Et c'est ainsi que Bokobza le fait mais avec un regard sans naïveté. Ravi des prouesses de Gutman, qu’il perçoit d'un regard affectueux et admiratif, de sa richesse et de sa puissance. Mais, en même temps, il explore les sujets, les symboles et le contexte des oeuvres de Gutman, d'un regard éveillé et critique.

Bokobza s'intéresse à la façon par laquelle la ville de Jaffa, ses vergers et ses orangeraies sont représentés.

Pour Gutman et la majorité des personnes de sa génération, ces images appartiennent à l'imagerie sioniste. Et Bokobza leur rend leur identité arabe. Au moyen des photographies d'époque, comme la photo du portrait de famille de Qahawdjian, prise dans les archives du photographe, il réintroduit, dans la mémoire collective israélienne, les propriétaires d'orangeraies de Jaffa, ainsi que la ville et ses habitants.

Bokobza s'intéresse aux images effacées de la mémoire israélienne, tout en créant un dialogue, à niveaux multiples avec Gutman, figure-clé de l'art israélien. Il pose des questions sur la complexité de la vie, dans un pays ou deux peuples s'agrippent à la même terre, sur leur rencontre et par delà, traite de l'histoire de la représentation, en images, du conflit israélo-palestinien.

Le député de la Knesset

La tempête que le député Arieh Eldad (Union Nationale) a provoquée, à la suite de l'achat par la Knesset, nous renseigne sur le long chemin parcouru par la société israélienne. Il y a quelques années, le mot Nakba n'était pas en usage et la présence palestinienne, avant 1948, était très peu présente dans la conscience israélienne. De plus, la photographie ou la peinture d'une famille palestinienne d'avant 1948, sur fond d'orangeraie, n’aurait pas créé un débat sur la Nakba, comme le fait aujourd’hui le député Eldad.

Des générations de "sabras"- israéliens nés en Israël - ont grandi avec la légende "d'un pays sans peuple, pour un peuple sans pays" et sur la notion de"faire fleurir le désert", tout en refusant de reconnaître la présence de palestiniens dans le pays.

Les institutions sionistes se sont servi d'images pour propager largement ces messages, avant la création de l'état, et même après.
Mais, aujourd’hui, même les images banales de photographes et de peintres, israéliens ou palestiniens, décrivant des scènes quotidiennes de la société palestinienne, sont perçues comme liées a la catastrophe de la Nakba, et elles réintroduisent la présence de la vie palestinienne, images qui existaient et qui, aujourd'hui, ont presque totalement disparu.

Il n'est plus besoin de représenter la catastrophe elle-même, ou ses conséquences - fuite, expulsions, réfugiés, implantations juives dans des maisons arabes - et autres ... Il suffit d'une image comme celle-ci : portrait d'un groupe, ou des images banales - récolte de céréales, vendanges, cueillettes d'olives, joueurs d'échecs, pause-café, artisans au travail, pour montrer aux israéliens, ce qu’ils perçoivent consciemment ou non, la fracture subie par le peuple palestinien.
Ce changement important, dans la connaissance collective israélienne, est en train de se produire, surtout dans la dernière décennie, bien que ses racines soient plus anciennes.
Et depuis cet instant, durant lequel chaque peuple connaît l'histoire de l'autre peuple, la tragédie et les catastrophes qu'il a subies, il sera peut-être possible d’engager un dialogue raisonnable sur le futur de la région.

Dr.Rona Sela

L'article en anglais, traduit de l'article original dans Haaretz en hébreu.

Published 11:08 17.06.11

The family tree

How a Palestinian family from 1930s Jaffa ended up in the heart of a 2011 Israeli political storm.

The photographer

The painting “The Citrus Grower,” whose recent acquisition for display in the Knesset caused a storm, is based on a portrait of a Palestinian family from Jaffa in the 1930s. The original photograph was taken by Elia Kahvedjian, a survivor of the Armenian genocide. He was born in Turkey in 1910, and experienced the death march with his family. He was saved by a Kurd whom they encountered along the way. His mother, who understood where they were headed − and who had already lost three other children since the start of the march − gave Elia, then a young child, to the Kurdish man to save him.

After an arduous journey, and the loss of most of his family, Kahvedjian finally arrived in Nazareth with the help of the American Aid Association for the Near East. He got his love of photography from Borosian, a teacher at his boarding school in Nazareth. When he turned 16, this love took Kahvedjian to Jerusalem, where he studied photography with the Armenian photographers Joseph Toumaian and Garabed Krikorian, and later started to work at the shop of the Hannania brothers, Christian-Arab photographers.

The Armenians were among the local photography pioneers in Palestine in the second half of the 19th century, and Kahvedjian continued this glorious legacy. In 1940, he bought the shop from the Hannania brothers, and thereafter became a very active and successful photographer, opening two more shops at the end of Jaffa Road, near the Fast Hotel. There were numerous such shops in this area, including those owned by photographers Chalil Raad, Garabed Krikorian and Militad Savvides. After the war in 1948, the area became a no-man’s land. Alerted in advance, before the war, by friends in the British army, Kahvedjian was able to save his negatives and the contents of the store in time, and he opened a photography studio in the Christian Quarter of the Old City. The store has been located in the same place ever since and the work there has been carried on by Kahvedjian’s son Kevork and his grandson Elli.

Throughout his life Kahvedjian was involved in Arab society in Palestine and documented scenes of daily life in cities and villages − chess games, women at a well, the plowing season, a Friday market, the orange harvest and more − many of them near Jerusalem, but also elsewhere, such as the Jaffa port. Copies of these photographs, produced from the original negatives, may still be purchased at Kahvedjian’s studio. He did not document the Old Jewish community of Jerusalem and avoided photographing the new Jewish-Zionist settlement. At the same time, Kahvedjian sometimes documented the consequences of the Arab struggle against the Jews, such as Jewish vehicles that were damaged and left by the side of the road in Bab el-Wad ‏(known by Israelis as Sha’ar Hagay, on the road to Jerusalem).

The painter

The painting that was hung in the Knesset was done by Eliahou Eric Bokobza, a former pharmacist, who was born in Paris in 1963, the son of Tunisian immigrants. Like Kahvedjian, he came to live in the country as a child. Bokobza speaks of his mother Silvie’s longing for the East; she had never been at home in Paris, and felt that she really belonged in the Orient. When she saw that returning to her beloved Tunisia was not an option, she instead fulfilled the dream of her father, who was an ardent Zionist and treasurer of the Jewish community in Tunis.

Tali Tamir, curator of the exhibition of his works at the Nahum Gutman Museum of Art in Tel Aviv, describes Bokobza as “the last of the Oriental painters of the Bezalel school.” Because of the difference in periods, he can be associated only in a fictitious way to this group of students of Mizrahi (Middle Eastern or north African) background, who studied at the old Bezalel Arts Academy in the first two decades of its existence at the beginning of the 20th century, and who were excluded from the canon of Israeli art; yet they shared the same identity.

Bokobza inherited his love of Nahum Gutman’s work from his mother, who had reproductions of his work from Jaffa hanging in her home, for they reminded her of her life in Tunisia. For her son’s 21st birthday, she gave him a book of Gutman reproductions, inscribed with the following dedication: “May you continue until 120 to look upon the world with the same innocent gaze of Gutman and to continue, like him, to paint the world.”

And so he did but with a gaze devoid of innocence. While Bokobza clearly has deep affection and admiration for Gutman’s work, is inspired by its boldness and draws on its richness and intensity, he casts a more critical and sober eye on its contents, symbols and contexts. He follows the city of Jaffa, its orchards and orange groves, which for Gutman and his contemporaries were mostly affiliated with Zionist images − and returns these scenes to the history of the Palestinian entity. By means of historic photographs, like the Kahvedjian family portrait taken from the photographer’s own archive − he also returns the Palestinian identity of Jaffa, including its orchards and people, to the Israeli public consciousness.

Bokobza deals with images that have been erased from the Israeli collective memory, while conducting a dialogue on many different levels with Gutman, one of the main figures in Israeli art. He raises questions about the complexity of life in a country where two peoples cling to the same land, about the encounter between them and especially about the history of the representation of the conflict.

The Knesset member

The storm stirred up by MK Aryeh Eldad (National Union) following the recent acquisition of the Bokobza painting for the Knesset reflects the way Israeli society has evolved. Until just a few years ago, the word “Nakba” (meaning “catastrophe”) was not in regular use in Israel, and the Palestinian presence before 1948 hardly existed in the Israeli consciousness. Moreover, a photograph or painting of a Palestinian family from before 1948, against the backdrop of an orchard, would not have precipitated a discussion of the Nakba, as MK Eldad has done now.

Generations of Israelis were raised on the ethos of “a land without a people for a people without a land,” and of Israelis making the wilderness bloom, while suppressing the existence of the Palestinian people in the country. The national institutions of the Yishuv (pre-state Jewish community) made extensive use of visual imagery to spread these ideas both before and after the state’s founding. But today, everyday images by photographers and painters, both Israeli and Palestinian, depicting mundane scenes of Palestinian society, allude to the Nakba and immortalize the Palestinian life that has been largely erased. There is no need to show the disaster itself or its consequences: mass flight, expulsion, refugee-hood, Jewish settlement in Palestinian houses, and so on. One image is enough − a group portrait, or other everyday images, such as a crop harvest, olive picking, a chess game, a coffee break, laborers in action, etc. − to reflect in Israeli eyes, whether consciously or not, the crisis experienced by the Palestinian people.

This important change in consciousness has been taking place in Israeli society mostly in the last decade, though its roots date back much earlier. And from this position, in which each people recognizes the history of the other and the tragedies and disasters it has experienced it is perhaps possible to start a sane discussion about the region’s future.

Dr. Rona Sela is a curator and researcher whose focus is the visual aspect of the Israeli-Palestinian conflict.

[www.haaretz.com]

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