Un relent vert de gris plane sur l'Europe (info # 032408/14) [Analyse]
Par Guy Millière©Metula News Agency
Un Néerlandais de quatre-vingt-onze ans a eu, voici quelques jours, un geste dont il a été beaucoup question dans divers journaux et magazines. J'entends insister sur ce geste, car il est, à ma connaissance, sans précédent et se trouve être porteur d'une charge symbolique très forte qui donne à penser.
Ce Néerlandais, un certain Henk Zanoli, avait reçu la médaille des Justes pour avoir caché un enfant juif pendant la Seconde Guerre Mondiale, et lui avoir ainsi sauvé la vie.
Il a rendu la médaille en la renvoyant à l'ambassade d'Israël aux Pays Bas. Aux fins que ses motivations apparaissent explicitement, il a accompagné son acte d'une lettre.
Il a, bien sûr, fait connaître son geste et le contenu de la lettre à la presse pour qu'elle en fasse la publicité.
Dans la lettre, Henk Zanoli explique que s'il avait à refaire ce qui lui a valu la médaille des Justes, il ne le referait pas ; ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il laisserait aujourd'hui l'enfant qu'il a caché et sauvé être déporté et tué par les nazis dans un camp d'extermination, et qu'il contribuerait donc, au moins passivement, au génocide antijuif.
Il ajoute que ce changement radical d'attitude tient à la politique « criminelle » menée par Israël, et, tout particulièrement, aux récentes ripostes israéliennes aux tirs de roquettes du Hamas.
Il précise, pour se justifier, que six membres de sa famille ont été récemment « assassinés » par Israël à Gaza, lors du bombardement d'un camp de réfugiés.
Pas un seul instant Henk Zanoli n'évoque les raisons de la présence de membres de sa famille dans un camp de réfugiés à Gaza. Pas un seul instant, il n'explique ce que sont ces camps, où on est « réfugié » de père en fils depuis quatre générations (il semblerait qu'une descendante de Zanoli ait épousé un Arabe palestinien qui jouit d’une bonne situation et entretient une famille aisée : réfugiés, dites-vous ?).
Pas un seul instant, il n'évoque l'utilisation des civils de Gaza comme boucliers humains par le Hamas, les raisons des tirs israéliens contre le Mouvement de la Résistance Islamique, les infinies précautions prises par Israël pour éviter la mort de civils à Gaza.
Pas un seul instant, il ne note le fait que des gens tels que les membres de sa famille ont, sans aucun doute, été prévenus par Israël de l'imminence d'un bombardement et sont, s'ils sont morts, tout de même restés sur place, soit volontairement, soit forcés par le Hamas. Non.
Israël est, en somme, accusé de manière fallacieuse et manipulatrice d' « assassiner » sans raison ni motif, sans discernement, cruellement.
D' « assassiner » des « réfugiés » et de se conduire ainsi de façon si abominable que cela implique de pouvoir regretter de ne pas avoir contribué à la Shoah pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Ce n'est pas dit, mais il est aisé de déduire que les « crimes » israéliens sont placés ainsi à un degré de gravité au moins équivalent à celui des crimes nazis, sans quoi les regrets seraient injustifiés.
C'est disais-je, un geste, à ma connaissance, sans précédent.
Jamais un Juste n'avait regretté publiquement de ne pas avoir contribué au génocide antijuif. Certains Justes avaient peut-être eu des regrets en privé (je n'ose le penser), mais énoncer de tels regrets publiquement leur aurait, le cas échéant, semblé être si infâme et infect qu'aucun n'aurait osé.
C'est un geste porteur d'une charge symbolique très forte, et qui donne à penser, disais-je aussi : quand bien même les accusations générales portées là contre Israël font partie de la propagande anti-israélienne, colportée depuis longtemps en Europe par l'extrême-gauche, l'extrême droite et les organisations « propalestiniennes », et quand bien même les propos affirmant que les Israéliens se comportent comme les nazis se sont comportés vis à vis des Juifs foisonnent parmi ces accusations, c'est la première fois que ces accusations et ces propos conduisent à l'énonciation d'un regret de ne pas avoir participé au génocide antijuif pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Il a été beaucoup question du geste dans divers journaux et magazines, ai-je noté. La presse néerlandaise a fait connaître le geste et la lettre, et les journalistes et commentateurs hollandais qui ont écrit sur le sujet ont semblé trouver geste et lettre très logiques. Le quotidien Haaretz, qui a répercuté en Israël la nouvelle diffusée par la presse néerlandaise, n'a rien trouvé à redire : cette absence de commentaire ne me surprend, hélas pas, de la part de ce quotidien.
Le magazine L'Express, qui, en France, a tiré un article de la nouvelle publiée dans Haaretz n'a pas commenté non plus. Les lecteurs de L'Express qui ont laissé un avis personnel sur le site ont, bien sûr, approuvé chaleureusement le geste et la lettre.
L'Expressavait publié la semaine précédente un éditorial de Christophe Barbier qui traitait peu ou prou les Juifs de traîtres à la France et d'adeptes de Belzébuth. Et les lecteurs de L'Express qui avaient commenté l'éditorial avaient aussi approuvé chaleureusement celui-ci.
Les sites islamiques européens ont (comment aurait-il pu en aller autrement ?) félicité Henk Zanoli pour sa « noble » décision. Ils ont noté, ce qui n'a pas été fait ailleurs, qu'Henk Zanoli, dans sa lettre, était conséquent avec ses regrets, puisqu'il y énonce qu'il regrette aussi l'existence même d'Israël, Etat, selon lui, fondé sur un crime génocidaire contre les « Palestiniens ».
Que ce genre de raisonnement existe et puisse être compris et approuvé en Europe aujourd'hui, donne la nausée.
Je ne pense pas être le seul à me dire qu'il monte dans l'atmosphère européenne une âcre odeur de moisissure vert de gris.
Je pense que de nombreux Juifs européens perçoivent cette odeur et en discernent aussi ses conséquences et sa signification.
Je pense qu'en Israël, largement, on hume cette odeur avec horreur, même si, du côté de la rédaction d’Haaretz, on ne semble pas la sentir.
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