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Vendredi à Istanbul : la paix ou la guerre

 

Vendredi à Istanbul : la paix ou la guerre (info # 010904/12) [Analyse]

 

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

Sauf imprévu, une rencontre entre les représentants des 5+1 (les membres du Conseil de Sécurité + l’Allemagne) et ceux de la "République" Islamique d’Iran devrait débuter vendredi prochain à Istanbul. Rencontre de la dernière chance afin d’éviter la confrontation, ou nouvelle tentative de la part des ayatollahs pour gagner du temps, comme le pense le 1er ministre israélien Binyamin Netanyahu, les avis sont partagés.

 

En apparence, les représentants des grandes puissances ont synchronisé leurs positions, et même Israël a apporté sa bénédiction à l’objectif annoncé de cette réunion : permettre à Téhéran de mettre en œuvre un programme nucléaire civil, à condition de le faire dans une transparence absolue, de s’abstenir de tout enrichissement de l’uranium au-delà de 3.5%, et de désaffecter l’installation souterraine de Fodow (Fordo) près de Qom.

 

Il faudrait aussi que l’Iran livre ses stocks de minerai déjà enrichi à 3.5 et 20 pourcent à une tierce partie. Ces réserves, si elles étaient épurées à un degré permettant une utilisation militaire, permettraient de fabriquer quatre bombes atomiques, selon des sources internationales faisant autorité en la matière.

 

A l’orée des discussions d’Istanbul – les premières depuis un an entre les protagonistes -, on note un fait nouveau : l’ouverture concédée par le Président Barack Obama au Leader suprême Ali Khamenei, transmise à l’intéressé par Tayip Erdogan selon David Ignatus du Washington Post. Dans un message personnalisé, le pensionnaire de la Maison Blanche aurait offert au chef de la junte théocratique chiite d’ "accepter un programme nucléaire civil iranien au cas où le "leader suprême" respecterait ses récentes allégations publiques, dans lesquelles il affirmait que son pays ne chercherait jamais à développer des armes atomiques".

 

Jusqu’à maintenant, en effet, les USA, à l’instar de ce qui est stipulé dans les résolutions du Conseil de Sécurité, exigeaient que Téhéran s’abstienne de tout programme nucléaire, qu’il soit civil ou militaire.

 

Là s’arrêtent cependant les choses "claires", avec la simple question "que se passera-t-il si les Perses refusent cette nouvelle proposition ?".

 

Pour certains observateurs, les Etats-Unis entameraient alors le compte-à-rebours en vue d’une intervention militaire ou donneraient leur feu vert à Jérusalem pour agir à sa guise.

 

Pour d’autres, en revanche, Barack Obama aurait l’intention de laisser traîner les choses au moins jusqu’aux élections présidentielles de novembre, jugeant qu’une nouvelle aventure guerrière porterait préjudice à ses chances de réélection auprès de l’électorat étasunien, déjà refroidi par les Guerres du Golfe et le conflit afghan.

 

Nous, d’observer qu’un ultimatum binaire de la part de l’Amérique, en prélude au meeting sur les rives du Bosphore, "soit vous acceptez notre proposition, soit vous vous exposez à une intervention armée" aurait été plus adapté à la conjoncture qui prévaut.

 

Mais un proche du président US que j’ai eu hier soir au téléphone, m’a indiqué, sous le couvert de l’anonymat, la position de l’Administration Obama : "Quand vous tenez tous les atouts dans votre jeu, et que la partie adverse le sait parfaitement, il n’est pas nécessaire de montrer ses muscles".

 

Pour cet interlocuteur, toutefois, la position du Président à l’égard des ayatollahs est on ne peut plus claire ; elle se résumerait à la phrase suivante : Le nucléaire à usage civil, oui, à usage militaire, jamais, nous ne vous permettrons pas d’y parvenir.

 

Toujours selon ce haut fonctionnaire, les Etats-Unis et d’autres alliés quadrillent les cieux nuit et jour au-dessus de la Perse afin de guetter tout développement indiquant la mise en marche industrielle des installations d’enrichissement de l’uranium à 20% ; et, dans cette éventualité, les discussions seraient immédiatement interrompues et l’on ne discuterait plus qu’en termes militaires.

 

L’homme, au téléphone, me fait remarquer que la direction de la théocratie iranienne n’a pas encore pris la décision finale de fabriquer la bombe, ce sur quoi, nous sommes absolument d’accord.

 

En Israël, au sein du gouvernement et de l’Establishment de la Défense, on n’accorde qu’une confiance limitée au Président Obama. On craint ses manipulations et le double discours que l’on a déjà observés en plusieurs occasions. Je peux même affirmer sans risque de mener les lecteurs de la Ména sur une fausse piste, que les experts institutionnels israéliens ne croient pas qu’Obama s’engagera dans une opération militaire avant novembre, ce, quelle que soit l’issue des pourparlers d’Istanbul.

 

Ce sur quoi ils s’accordent également, c’est, qu’en cas d’échec, Washington décrétera rapidement un nouveau train de sanctions extrêmement violent à l’encontre de la théocratie des mollahs.

 

La perception qui l’emporte, dans l’Etat hébreu, est que la Maison Blanche demeure persuadée qu’il est encore possible d’obliger Téhéran à renoncer à son programme uniquement par l’imposition de sanctions. Ici, on exprime également le souci que Barack Obama ne comprendrait toujours pas le cadre-temps dans lequel il évolue, et, particulièrement, qu’il n’évaluerait pas correctement, en dépit de toutes les preuves qui lui ont été présentées, le nombre de mois nécessaires aux Iraniens pour enrichir le minerai à 90% et plus.

 

Certains spécialistes israéliens affirment, de plus, que le président américain ne considérerait pas la dotation de l’Iran en bombes atomiques comme une catastrophe mondiale à caractère irréversible.

 

Sur ce fond d’évaluations Jérusalem a décidé d’une tactique intéressante, consistant, pour Netanyahu et Barak, à intervenir sur les media américains afin de rappeler à "l’ami Obama", l’essentiel de ses engagements et ceux du Conseil de Sécurité de l’ONU.

 

Dimanche, sur CNN, Ehud Barak, le ministre de la Défense, a ainsi déclaré que "si les 5+1 fixent un seuil plus bas, en demandant seulement de cesser d'enrichir l’uranium à 20%, par exemple, cela signifierait que les Iraniens auraient gagné, à bas prix, le droit de continuer leurs programmes militaires, un peu plus lentement mais sans sanctions". Barak précisant : "Ce serait un changement total de direction, mais pour le pire".

 

Israël rappelle de cette manière que, même en cas d’acceptation d’un "programme nucléaire civil", il conviendrait que l’enrichissement se fasse hors d’Iran, et que l’Iran reçoive de l’uranium faiblement épuré, et surtout, sous une forme qui ne soit pas utilisable pour la confection d’armes.

 

L’Etat hébreu entend aussi faire savoir que toute concession additionnelle en échange de la levée des sanctions aboutirait à une situation pire que celle que nous connaissons actuellement ; que l’objectif n’est pas de se débarrasser du problème iranien, mais du nucléaire iranien.

 

Un message ré-asséné vigoureusement par M. Netanyahu au terme d’un entretien avec son homologue italien, M. Mario Monti, déclarant : "Notre regard sur l’Iran n’est pas modifié, ce pays persistera dans sa voie lors des discussions. Nous les suivrons de près. Les revendications à l'égard de l'Iran doivent être claires : exiger le retrait total du minerai enrichi, la cessation de l'enrichissement, et le démantèlement de la centrale de Qom [Fodow]. Nous avons déjà vu que l'Iran utilise les négociations pour mener le monde en bateau'', a conclu le 1er ministre.

 

En Iran, comme à l’accoutumée, on souffle simultanément le chaud et le froid. Avec le "Président" Ahmadinejad, qui réitère, dimanche, que "son pays n'est pas intéressé par l'arme nucléaire et s'oppose à tout type d'arme de destruction massive".

 

Ce, tandis qu’au même moment, le chef du programme nucléaire iranien Fereydoun Abbassi Davani déclarait que "l’Iran ne renoncera pas à enrichir de l'uranium à 20% (…) et ne fermera pas son usine d'enrichissement de Fodow (Fordo), même si les grandes puissances le lui demandent".

 

On le voit, les négociations vont être difficiles. Pour Israël, et Ehud Barak l’a dit au micro de Fareed Zakaria sur CNN, la première priorité, celle qui pourrait conduire à une désescalade, consisterait en l’arrêt immédiat de l’enrichissement à 20%. Ensuite, on pourrait négocier sans stress.

 

Pour Téhéran, et quels que soient les plans personnels de Barack Obama, l’heure de vérité approche ; le moment de choisir entre l’abandon de son rêve de bombe atomique, avec ce que cela implique en matière de perte d’influence, tant au niveau domestique que régional. Mais avec, en contrepartie, la levée des sanctions économiques et la possibilité de réintégrer une place d’Etat fréquentable parmi les nations. C’est cela ou le choix de la poursuite de la spirale, menant invariablement à la confrontation armée, que la "République" Islamique est tout aussi invariablement condamnée à perdre.

 

Un mot encore, il concerne l’exemple de la Corée du Nord : un mois exactement après avoir signé un traité avec Washington sur l’abandon de son programme nucléaire, Pyongyang s’apprête à lancer son missile intercontinental Unha-3. Un lancement qui pourrait être suivi d’un essai d’explosion atomique.

 

Et, il y a un mois, à Washington, on avait fêté l’accord de dénucléarisation avec Kim Jong-un, considérant qu’on avait définitivement résolu le problème du danger atomique coréen. C’est dire, à la fois combien on peut être naïf et bienpensant sur les bords du Potomac, et aussi, ce que vaut un contrat avec un Etat voyou.

 

La seule chose qui sera respectée à coup sûr, en cas d’entente à Istanbul, ce sera l’engagement des grandes puissances à lever les sanctions.

 

Une autre chose est certaine, et même en Israël, on en a pris acte : les Iraniens savent comment construire une bombe atomique ; c’est comme quand un enfant a appris la table de multiplication, on ne leur enlèvera pas ces connaissances de la tête. Dans le cas de l’Iran, cela signifie qu’il faudra indéfiniment observer toutes les activités entreprises sur le territoire perse. En cas de doute sérieux, on en reviendrait instantanément à la situation qui prévaut en ce début avril 2012. Agréable perspective…  

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