Israël - Le retour à la "vie d'avant" du champion de la vaccination

Israël - Le retour à la "vie d'avant" du champion de la vaccination

Après 8 mois de pandémie, un air de liberté souffle dans les rues et bars de Tel Aviv. Il faut dire qu'en Israël, un habitant sur deux a déjà été vacciné. Un exemple à suivre mais qui a aussi ses revers, comme nous le montre cette enquête de "Sept à Huit".

En Israël, c’est le début du monde d’après. Le pays a tourné la page du Covid-19 après avoir été paralysé pendant huit mois, avec pas moins de trois confinements durs. Depuis le 7 mars, tous les commerces, bars, restaurant, salles de sport ou encore musées ont rouvert, tandis que les gestes barrières ont été remisés au placard, le tout grâce à une campagne de vaccination à marche forcée, où plus de 60% des neuf millions d’habitants ont déjà reçu leur première dose.

L'État hébreu semble donc avoir réussi là où tant d'autres patinent, et est devenu le champion du monde de la vaccination. Les doses sont injectées à chaque coin de rue, notamment grâce à des camionnettes mobiles qui sillonnent la ville. Il suffit de prendre un numéro, d'attendre d'être appelé et après quelques questions simples - numéro de sécurité sociale, terrain allergique... - qui ne prennent pas plus de 30 secondes, le tour est joué.

Oriane, 25 ans, a profité de la venue de l'une d'entre elle en bas de chez lui pour se faire vacciner. "En tant qu'étudiant, c'est plus simple", dit-il. En tout, il ne lui aura fallu pas plus de deux minutes pour recevoir son injection, suivi de 15 minutes de repos à côté du van pour être sûr que tout va bien.

Une semaine après, chaque vacciné reçoit une attestation qui lui permet d'accéder à des lieux clos pour des activités interdites jusque-là. Pour pénétrer dans une salle de sport, il faut ainsi montrer son certificat vaccinal accompagné d'une pièce d'identité. Et pour les clients habituels, vaccinés depuis le mois de janvier, c'est beaucoup plus simple. Il suffit de présenter son passeport vert - une application du ministère de la Santé à télécharger sur son smartphone. Il ne reste plus qu'à transpirer entre habitués sans crainte d'être contaminés. "Je me sens en sécurité", avance d'ailleurs l'un d'eux.

Presque plus de masques

A Tel-Aviv, l'autre reprise très attendue était celle de la vie culturelle. Les chanteurs recommencent à enregistrer des titres en studio, et les musiciens peuvent à nouveau se voir en chair et en os, ce qu'ils n'avaient pas pu faire depuis un an. Tandis que sur la plage, les concerts improvisés réunissent quelques dizaines de personnes. Même la police ne vient plus disperser ces rassemblements spontanés où presque plus personne ne porte le masque, alors qu'il est, en théorie, encore obligatoire. Mais avec un taux de contamination au plus bas, cette restriction devrait être levée dans les prochains jours.

Un retour à la vie si rapide qu'il a pris certains de court. Noam, manager d'un resto-bar branché de Tel-Aviv passe ses matinées à refuser des réservations. "On est booké, une semaine, dix jours à l'avance", raconte-t-il. Car dès que la nuit tombe, son restaurant est pris d'assaut et il n'a pas assez de bras pour faire face à l'affluence. Comme dans tous les restaurants de la ville, les clients sont de retour mais pas tous les employés. "Nos équipes ce sont principalement des jeunes qui étaient à l'université, mais comme elles ont fermé, ils n'ont plus de moyens pour vivre et sont retournés chez leurs parents. Donc ils ne sont plus en ville et ne peuvent plus venir travailler. On a perdu une partie de notre force de travail", explique Noam qui espère que cela ne va pas durer, afin de retrouver son chiffre d'affaires d'avant la pandémie.

Aucun retard de livraison

L'embellie se voit aussi dans le plus grand hôpital du pays. Le professeur Ronny Gamzu, l'homme qui a élaboré la stratégie israélienne de lutte contre le virus, ne peut que constater la décrue du nombre de patients en soins intensifs depuis le mois de février. Résultat, sur six unités Covid, cinq ont été fermées. C'est lui qui a convaincu le gouvernement israélien de préacheter des vaccins alors qu'ils n'avaient pas encore fait preuve de leur efficacité.

14 millions de doses sont commandées à Moderna et surtout à Pfizer. Et Israël accepte de payer le prix fort à la multinationale : 20 euros la dose. Là où l'Union européenne la négociera à un peu plus de 12 euros. "Le premier ministre, le gouvernement, le ministre des Finances, ils ont tous compris ce que nous leur avons expliqué. Ils ont tous accepté que ça allait coûter quelque chose. Mais que le coup en valait la peine. Nous savons que ce que nous dépensons en vaccins, nous le gagnerons en ouverture, en sécurité et que ça nous permettra un retour à notre vie normale", souligne le scientifique.

Le 19 décembre, le chef du gouvernement Benyamin Netanyahu est le premier vacciné du pays. Depuis, Israël n'a connu aucun retard de livraison pour ces doses. Mais le pays a dû accepter de partager les données médicales de ses citoyens avec la firme américaine. "Collecter et étudier les données nous aidera à en savoir plus sur le vaccin, pour nous et pour le monde entier. C'est notre responsabilité, car nous sommes le premier pays à avoir autant vacciné", assure Ronny Gamzy.

"Les cobayes de Pfizer"

Reste maintenant à atteindre l'immunité collective. Pour cela, Israël doit vacciner 70% de sa population. Il reste donc encore 10% des habitants, mais il y a des réfractaires difficiles à convaincre. En tête, les juifs orthodoxes. La moitié d'entre eux disent se méfier du vaccin, selon un récent sondage. Tout comme les Arabes israéliens, peu enclins à écouter les recommandations des autorités sanitaires de l'État hébreu. Depuis février, une loi autorise le ministère de la Santé à communiquer les identités des personnes non vaccinées à toute autre instance du pays. Un futur projet de loi prévoit, lui, de leur interdire l'entrée sur leur lieu de travail. Mais ce risque de discrimination contre les non vaccinés inquiète une partie de la population qui craint de voir émerger une société à deux vitesses où les citoyens n'auraient plus les mêmes droits.

Le retour à la vie a aussi un autre coût : la fin de la confidentialité des informations médicales. Jonathan Klinger est avocat, spécialisé dans la protection des données personnelles. C'est lui qui a obtenu la publication du contrat passé avec Pfizer, ce fameux accord dans lequel Israël s'engage à partager avec le laboratoire des données biomédicales de sa population. "On est les cobayes de Pfizer. En tant que cobayes, il serait logique qu'on ait au moins une réduction sur le prix des vaccins, voire la gratuité. Normalement, on ne paye pas pour être soi-même vendu. Là, on est à la fois le produit et l'acheteur. En plus, on a payé beaucoup plus cher que les autres", dit-il. L'autre problème, c'est qu'il est impossible de savoir quelles données exactes le pays a accepté de partager, car le contrat est largement censuré.

Malgré cela, Israël est officiellement le premier pays au monde à sortir de la pandémie. Un aperçu de ce qui nous attend peut-être bientôt. Cette semaine, le taux de positivité au test dans le pays n'était que de 1%, contre 8% en France.

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