Près du palais de Carthage, une mystérieuse villa signée Le Corbusier

Près du palais de Carthage, une mystérieuse villa signée Le Corbusier

Hatem Bourial

 

Le seul projet architectural de Le Corbusier en Afrique, a été réalisé à Carthage, il y a pratiquement un siècle.

Près d'un siècle après son édification, la Villa Baizeau se trouve dans l'actualité artistique et architecturale. En effet, une exposition d'art contemporain sur la thématique de l'inaccessible sera organisée du 15 janvier au 15 mai 2024 à l'espace 32 bis.

C'est en partenariat avec la Boîte et sous le commissariat de Roberto Gargiani que se tiendra cette exposition dont le prétexte est la fameuse Villa Baizeau.

Afin de mieux connaître cet édifice singulier et découvrir le contexte de sa construction, nous vous invitons à relire cette chronique parue dans webdo.tn le 8 janvier 2016.

Du temps de Bourguiba puis de Ben Ali, le sujet était tabou et il était aventureux de l'évoquer. Mais depuis la révolution de 2011, les choses ont relativement changé.

Des voix, y compris celle de l'ancien ministre des Affaires culturelles, Azzeddine Bechaouch, avaient même proposé une reconnaissance internationale de cette fameuse villa, avec son classement dans la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.

Cette villa est en effet exceptionnelle. D'abord, elle se situe dans le périmètre du palais de Carthage auquel elle a été intégrée et abrite actuellement l'un des services de la présidence.

Ensuite, elle est signée Le Corbusier, l'un des plus grands architectes du vingtième siècle, apôtre du fonctionnalisme et théoricien universellement reconnu.

Cette villa est doublement unique: d'une part, c'est la seule villa Le Corbusier en Tunisie; d'autre part, cet édifice est l'un des tout premiers exemples d'adaptation du courant architectural moderniste en Méditerrannée et dans le monde arabe.

L'histoire commence en 1928, lorsque l'industriel Lucien Baizeau rencontre Le Corbusier à Stuttgart, en Allemagne, pendant une foire. Baizeau est un industriel réputé en Tunisie. Avec son associé Schwick, il est à la tête d'une grosse entreprise dans le domaine des matériaux de construction.

Cet entrepreneur convainc l'architecte suisse d'appliquer ses nouvelles méthodes pour les plans d'une villa à Carthage. Le Corbusier acceptera mais réalisera les plans en 1929 sans se rendre sur le site.

Lui et son collègue Pierre Jeanneret travailleront selon les descriptions de Lucien Baizeau et réaliseront une œuvre qui porte clairement la griffe de l'architecte suisse.

En pleine période "puriste", Le Corbusier va se livrer à un véritable exercice de style. Il va toutefois devoir présenter deux projets successifs car la première mouture sera rejetée par Baizeau.

C'est donc la deuxième mouture intégrant les recommandations du maître d’œuvre qui sera retenue. Même si elle demeure peu intégrée à son environnement, la villa Le Corbusier de Carthage a fière allure.

Elle prend pour modèle l'architecture compacte d'une kasbah et la distribution spatiale d'une maison traditionnelle de la médina de Tunis.

En d'autres termes, les murs aveugles dans la tradition tunisienne permettront de domestiquer le soleil alors que de larges baies vitrées s'ouvrent sur le golfe de Tunis. Comme un grand bloc rectangulaire, cette villa semble tournée vers elle-même.

Le Corbusier intégrera dans cette demeure un système de ventilation naturelle qui souligne la quête de cet architecte pour un fonctionnalisme tourné vers la qualité de vie.

Unique œuvre tunisienne du plus grand architecte du vingtième siècle, cette villa Le Corbusier qui se trouve au cœur du palais de Carthage sera-t-elle un jour classée au patrimoine mondial de l'Unesco ?

Nul ne saurait le dire même s'il s'agit d'un vœu cher aux animateurs de la Fondation internationale Le Corbusier.

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