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25 juillet 1957 : Bourguiba instaure la République

25 juillet 1957 : Bourguiba instaure la République
 
Le rideau est tombé le 25 juillet 1957 sur deux siècles et demi de monarchie. Ce jour-là la République est née. Après l’indépendance, le peuple tunisien retrouve sa souveraineté totale. A l’unanimité les députés convoqués à une séance extraordinaire se sont prononcés pour l’abolition du régime monarchique et l’instauration du régime républicain.

«-Etes-vous pour la dissolution de la monarchie?

-Pour quel régime optez-vous?»

Ce sont là les deux questions qui ont été soumises aux députés jeudi 25 juillet 1957, lors d’une séance extraordinaire tenue ce jour-là par l’Assemblée Nationale Constituante pour décider du régime qui sera instauré en Tunisie.

A 17h55, Jellouli Farès, président de l’Assemblée, annonce solennellement: «La monarchie est abolie par la volonté du peuple. Par cette même volonté la République tunisienne est née».

Les députés, debout, applaudissent. Dehors le canon tonne et la foule, massée aux alentours du Palais du Bardo, émue devant le mot République, marque un temps d’hésitation puis dans un élan crie sa joie. A cet instant, une file de voitures précédée par des policiers quitte la cour du Palais du Bardo et se dirige vers la résidence du Bey à Carthage pour signifier au monarque que désormais la monarchie est abolie.

Mais revenons en arrière sur une journée historique solennelle et émouvante qui a marqué l’avenir de la Tunisie.

La séance a débuté à 9h23 dans la salle du trône du Palais du Bardo sous la présidence de M. Jellouli Farès et en présence du corps diplomatique. Sur les quatre-vingt-dix-huit députés que compte l’Assemblée, quatre-vingt-treize sont présents. Quatre sont ambassadeurs et Hédi Nouira, ministre des Finances, est en mission à Paris.

Habib Bourguiba et les membres du gouvernement, à l’exception de Béchir Ben Yahmed, secrétaire d’Etat à l’information qui n’est pas parlementaire, siégent au banc des députés. Sur les murs de la salle, les portraits des Beys qui régnèrent sur le pays pendant deux siècles et demi n’ont pas été encore enlevés. La tribune de presse et celle des invités regorgent de monde. Dehors, la foule écoute les interventions des députés, transmises par des haut-parleurs accrochés sur les murs du Palais.

Pâtisserie royale

Ouvrant la séance, J. Farès souligne que les députés sont appelés à se prononcer sur la forme du régime: «Nous siégeons aujourd’hui jusqu’à ce que nous nous mettions d’accord sur la nouvelle forme de l’Etat tunisien, car ce qui a retardé la naissance de notre Constitution, c’était précisément la forme du régime à adopter». Ensuite J. Farès cède la parole aux députés. Le premier, Ahmed Ben Salah, vice-président de l’Assemblée, précise que «l’Etat doit se libérer du joug hérité du passé, cela ne peut que consolider l’indépendance du pays et la souveraineté du peuple tunisien. Il n’y a aucun doute, nous serons aujourd’hui délivrés des séquelles de l’ancien régime. Il ne peut y avoir de souverain dans ce pays, et la volonté du peuple est sacrée. Notre génération a été élevée dans la doctrine du Néo-Destour, aspirant à la liberté, à la paix et à la prospérité. Nous devons jouir pleinement de notre souveraineté totale et sans partage. Lors de la lutte, nous avons déjà vécu un régime républicain, car à l’époque, il y avait deux Tunisie, l’une fictive, l’autre réelle. La République a déjà vécu en Tunisie sous l’illégalité; nous devons aujourd’hui la légaliser».

Rachid Driss, qui succède à Ben Salah s’étend longuement sur les méfaits de la monarchie. Documents à l’appui, à chaque bey, excepté Moncef Bey, il trouve une tare. Il rappelle aussi le despotisme et la tyrannie de ces souverains. Il sonne ainsi le glas de la monarchi : «Nous voulons parler un langage franc et sincère», dit-il «C’est pourquoi, disons-le clairement, la Tunisie doit être une République».

Les interventions se succèdent. Les orateurs sans exception, soulignent la nécessité d’instaurer la République. «Les portraits des monarques doivent frémir…», dit un invité.

A midi trente, la séance est levée. J. Farès annonce une pause pour se retaurer. Les élus du peuple, le corps diplomatique, les journalistes et les invités quittent la salle et vont dans le patio où des gâteaux des rafraîchissements sont servis. «Pour l’anectode, note un journaliste, les pâtisseries sont servies dans de grands plateaux blancs et vernissés où l’on peut lire peinte en bleu, l’enseigne de «la Pâtisserie… Royale”. La preuve que nos députés , s’ils sont révolutionnaires, ne sont pas sectaires!

Un homme seul

Restaurés les députés regagnent la salle à 14h45. Prenant la parole, Abdessalem Achour dénonce dans un long réquisitoire les méfaits de la monarchie. Puis Jellouli Farès annonce le discours de Bourguiba. Il commence par un procès méthodique du règne des Beys. Sans pitié, sans faiblesse, mais sans outrance inutile. Toute son argumentation est étayée d’exemples: au moment même où il parle de «bassesse», de «trahison», il s’appuie sur des faits qui fondent l’accusation. Au fur et à mesure que se développe l’exposé de Bourguiba, l’Assemblée se rend compte qu’un régime est mort. «C’était là son implacable oraison», note le quotidien L’Action.

Ensuite tous les députés se prononcent pour la République. Le soleil illumine encore les hauteurs de la banlieue nord de Tunis quand, à 18h20, cinq voitures entrent dans le palais de Carthage.

Des hommes descendent et entrent dans la salle du trône. Ali Belahouane, secrétaire général de l’Assemblée Constituante, est à la tête du groupe qui se compose notamment de Taïeb M’hiri, ministre de l’Intérieur, Ahmed Mestiri, ministre de la Justice et Driss Guiga, directeur de la Sûreté. Dans la salle, ils trouvent un homme seul: Mohamed Lamine, le Bey déchu. Ali Belahouane s’avance et commence à lire le texte de la décision prise par l’Assemblée. Face à ces hommes qui lui apportaient la nouvelle de la fin. Mohamed Lamine était l’image de la désolation. Il était effondré et bougonnait «Assez…assez», notera plus tard un journaliste présent. On lui signifie ensuite qu’une voiture va l’emmener à sa nouvelle résidence à La Manouba. Des témoins affirment qu’avant de quitter le Palais, l’ex-Bey a écrit de son doigt mouillé de salive sur un battant de la porte «Il n’est de Dieu qu’Allah»: Lorsqu’on accomplit ce geste, selon la tradition, on est sûr de revenir. Quarante-trois ans après, ses descendants n’en sont pas sûrs …

 

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Cet article anonyme est assez partial. Il omet d'évoquer ce que que 250 ans de système beylical ont apporté à la Tunisie, en termes de modernisation, et ce, dès le XIXe siècle. Il évite aussi de mentionner le double jeu de Bourguiba qui, quelques mois plus tôt, vantait encore les bienfaits de la monarchie. Enfin, rien n'est dit de l'attitude mesqquine et vindicative de Bourguiba et de ses proches à l'égard du souverain déchu. Tout cela, jel'évoque dans le tome 2 de mon dernier livre "Des Royaumes méconnus", paru en mai dernier chez Edilivre: http://www.edilivre.com/catalog/product/view/id/764493/s/des-royaumes-me...
Hervé Cheuzeville

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