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Bouchehr, la centrale nucléaire maudite

 

Bouchehr, la centrale nucléaire maudite

Iran | L’unique site nucléaire iranien doit être raccordé en août. Mais les mystérieux accidents et les assassinats se multiplient

Blaise Gauquelin

Cette nuit-là, il y avait du brouillard. C’était le 20 juin dernier et un Tupolev s’est écrasé sur une autoroute du nord-ouest de la Russie. Parmi les 44 corps retrouvés figuraient ceux de cinq sommités de l’industrie nucléaire nationale.

Leur société, Hydropress, est en contrat avec la République islamique d’Iran. Elle a pour mission de sécuriser la mise en route de la centrale de Bouchehr. Mais la disparition de ces spécialistes pourrait marquer un coup d’arrêt au doux rêve des mollahs de raccorder le site au réseau électrique, au mois d’août prochain. La centrale, symbole malmené de l’accession de l’Iran à l’énergie nucléaire, est semble-t-il maudite.

Depuis plus de trente-cinq ans, le chantier fait face à des vicissitudes. Au départ, le projet avait été lancé par l’allemand Siemens, en 1975. La révolution gèlera les travaux. En 1995, la Russie promet aux Iraniens de leur livrer Bouchehr en quatre ans, le temps d’adapter leurs équipements au site, de conception occidental. Le bricolage est inédit et des difficultés techniques et politiques entraîneront une dizaine d’années de retard.

Attentats meurtriers

Actuellement, les scientifiques russes travaillent toujours à sécuriser les pompes du circuit de refroidissement d’urgence. Ils évoluent en terrain miné et jouent la réputation de la Russie à l’export. Or, le sort s’acharne. En août 2010, un chasseur iranien F4 pénètre par erreur dans la zone de restriction aérienne. Il est abattu, le crash a lieu à 40 kilomètres seulement du site hypersensible. Cause de l’incident? Inconnue.

Fin novembre, deux scientifiques iraniens sont la cible d’attaques à la bombe, perpétrées à Téhéran. L’un d’entre eux, Majid Shahriari, un physicien réputé, est tué. Les deux hommes se trouvaient dans leur voiture lorsque des bombes magnétiques ont été placées contre leur portière par des inconnus à moto. Le 12 janvier 2010, un scooter piégé explose alors qu’un autre spécialiste du nucléaire sort de chez lui. Il meurt sur le coup.

Virus informatique

A chaque fois, les autorités iraniennes pointent du doigt les services secrets américains et israéliens, également accusés d’avoir conçu et propagé un cyberintrus nommé Stuxnet. Ce virus informatique, véritable arme de guerre contre le système nucléaire iranien, donnerait actuellement des sueurs froides aux Russes. Il a durablement touché le site de Bouchehr.

Et sur l’autre rive du golfe Persique, dans les monarchies arabes, on lève les bras au ciel. Car à vol d’oiseau, la centrale est à moins de 300 kilomètres. Ces pays redoutent d’être aux premières loges en cas de catastrophe. Et font pression pour que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), basée à Vienne, réexamine le système informatique. Le cauchemar de l’Arabie saoudite, du Koweït, de Bahreïn et du Qatar: que la guerre informatique menée actuellement par les occidentaux contre l’Iran n’échappe aux apprentis sorciers.

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