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Crise cardiaque ! Par Sami El Soudi

Ziad Abu Ein : condamné à perpétuité pour l’assassinat de Tibériade en 1979, libéré en 1985 à l’occasion d’un échange de prisonniers [l’Accord Jibril]

Crise cardiaque ! (info # 011112/14)[Analyse]

Par Sami El Soudi © MetulaNewsAgency

 

Ziad Abu Ein était coronarien, il souffrait de diabète et d’une tension artérielle systématiquement élevée. Il n’avait rien à faire sur le lieu d’une manifestation, d’ailleurs ses médecins lui avaient formellement conseillé d’éviter toute situation de stress qui pouvait lui être fatale.

 

Le stress provoque une poussée d’adrénaline, responsable d’une tachycardie ; celle-ci augmente le travail du cœur, qui, s’il est en mauvais état, n’est plus capable de gérer ces sollicitations. Or à se confronter avec des soldats à un mètre de distance et à prononcer des discours politiques dans ces conditions, on assiste à une accélération du rythme cardiaque chez toute personne normalement constituée, même en bonne santé.

 

Les cardiologues auxquels nous avons parlé ont tous reconnu les signes avant-coureurs d’une crise cardiaque au moment où, sur les films, on observe la harangue de l’ex-chef de la Commission de l’OLP contre la Barrière de Sécurité et les Implantations ; Abu Ein avait le souffle court et il transpirait. Sa main posée sur la cage thoracique au moment de son malaise corrobore le diagnostic.

 

Les résultats de l’autopsie effectuée au centre médico-pathologique palestinien d’Abou Dis, en présence de pathologistes jordaniens et d’un Israélien démontrent évidemment et sans l’ombre d’un doute sensé la cause du décès du ministre de l’Autorité Palestinienne : infarctus du myocarde. Témoins les légers saignements identifiés dans les muscles de son cou et au-dessous de l’aorte.

 

80 pour cent de ses vaisseaux sanguins dans la région du cœur étaient obstrués et des signes indiquent qu’il avait déjà subi des attaques cardiaques par le passé. La mort est survenue suite à un blocage de l’artère coronaire.

 

A la sortie de l’examen pathologique, devant le centre hospitalier attenant à l’Université al Quds où je me trouvais, aucun des médecins ayant participé à l’autopsie ne mettait ce diagnostic en question. Ceci dit, les petites poussettes avec un membre des garde-frontières israéliens ainsi que la présence dans l’air de gaz lacrymogènes sur le lieu de la manifestation n’ont en rien aidé la condition du défunt.

 

Reste qu’une personne en bonne santé s’en serait sortie indemne et que ce genre d’incidents est inhérent aux rassemblements de protestation de cette sorte.

 

De plus, à en croire le témoignage réalisé en direct de Turmus Aiya, au nord de Ramallah, par notre camarade Tom Rayner de la chaîne anglaise Sky News, les activistes palestiniens présents sur les lieux ont empêché un paramédical israélien de s’occuper d’Abu Ein, tandis que ce dernier se trouvait affaissé au sol en pleine attaque cardiaque.

 

Il est fort possible que si on lui avait laissé pratiquer les gestes d’urgence préconisés en pareil cas, le ministre de l’AP aurait pu être sauvé. Mais les militants ont préféré le soulever et le transporter vers une ambulance dans laquelle il a trouvé la mort.

 

Voici pour les faits, qui imposent un certain nombre de graves interrogations quant à l’instrumentalisation généralisée effectuée autour de l’incident. A savoir l’exploitation politique qu’en fait la direction du Fatah à Ramallah, l’empressement incompréhensible de la plupart des media internationaux à imputer le décès du ministre aux policiers israéliens, et les réactions officielles des représentants de l’Union Européenne et des Etats-Unis.

 

A ce titre, j’ai retenu celle de la nouvelle cheffe des Affaires Etrangères de UE, Madame Federica Mogherini, qui s’est dite "inquiète des informations faisant état d’un usage abusif de la force par les soldats et policiers israéliens". Or il n’y a assurément pas eu, dans ce cas, d’usage abusif de la force par ces militaires et les images des dizaines de reporters présents – la manifestation avait été annoncée à l’avance – sont là pour le prouver.

 

Certains, à Ramallah, se réjouissent de la position déséquilibrée, visiblement anti-israélienne, déjà observée dans les déclarations de la nouvelle représentante de la diplomatie de l’UE mais cela n’est pas mon cas.

 

Je n’oublie pas une seule seconde que la paix se fait avec ses ennemis et pas avec ses amis, et que l’Europe ne pourra jouer un rôle dans le processus de négociation que si elle jouit de la confiance des deux camps, ce qui ne doit vraisemblablement déjà plus être le cas.

 

Ces accusations intempestives de la part de Federica Mogherini alimentent l’orientation choisie par Mahmoud Abbas depuis le licenciement de l’ancien 1er ministre de l’AP, le pragmatique Salam Fayyad, afin de plaire au Hamas.

 

La voie suivie par Abou Mazen consiste à imposer une solution à Jérusalem plutôt que de la négocier avec elle. C’est dans le cadre de cet effort que s’inscrivent les pressions exercées sur les parlements européens afin qu’ils reconnaissent l’Etat de Palestine sur les frontières de 1967, de même que le projet de résolution qu’Abbas entend proposer au Conseil de Sécurité visant à prescrire la même solution au cas où les discussions n’aboutiraient pas à un accord dans un laps de temps de deux ans.

 

A mon humble avis, cette nouvelle ligne de conduite mènera à un renforcement du camp droitiste dans l’Etat hébreu et à son recroquevillement sur lui-même, de même qu’à une recrudescence des violences, évidemment doublée d’une augmentation du nombre des morts et des blessés.

 

Malheureusement, cela s’inscrit dans le plan cynique de l’AP, destiné à donner l’impression qu’il existe une situation d’urgence objective nécessitant la création de notre Etat, et que ladite création constituerait la panacée de tous les problèmes de la région et du monde.

 

Cela explique sans doute qu’après avoir transformé le suicide d’un conducteur de bus palestinien en assassinat commis par les Israéliens, les ténors de l’AP se déchaînent tous désormais afin de condamner les "crimes quotidiens d’Israël contre notre peuple", selon Saëb Erekat, "un acte barbare qui ne peut être ni accepté ni toléré, une attaque brutale ayant provoqué la mort d’Abu Ein", à en croire Mahmoud Abbas. Dans cette foire à l’outrance, on décernera assurément un accessit à Hanan Ashrawi, membre du Conseil National Palestinien, qui voit dans cette crise cardiaque rien de moins qu’ "un acte délibéré et volontaire d’assassinat et de criminalité".

 

Au niveau des oscars internationaux d’incitation à la haine anti-israélienne par la propagation de rumeurs infondées, on nominera l’ensemble des media français, une fois de plus ; la palme revenant, de haute lutte, à Aude Marcovitch, la correspondante permanente de Libérationqui a annoncé, "à chaud", le décès de Ziad Abou Ein "après avoir été frappé par des soldats israéliens alors qu’il protestait contre l’installation d’un avant-poste illégal de colons près de Ramallah".

 

Marcovitch, sans doute pour donner du poids à son récit, cite "des témoins sur place, l’un des militaires a frappé le ministre au torse avec la crosse de son fusil".

 

Au demeurant peu concernée par la phrase d’Albert Camus "mal nommer les choses ajoute au malheur du monde", l’envoyée de Libé se trompe aussi quant à l’objectif du rassemblement tel que déclaré par ses organisateurs : il ne s’agissait pas de protester contre l’installation d’un soi-disant avant-poste, mais de planter des oliviers et toute leur symbolique en protestation contre la confiscation de terres palestiniennes.

 

Mais si elle avait vraiment tenu à informer le public français, Mademoiselle Marcovitch n’aurait certainement pas omis de préciser que l’ "organisation de la résistance populaire" faisait également partie des fonctions liées au portefeuille ministériel du défunt ; ni que ce dernier avait été condamné à la prison à vie pour avoir assassiné, en 1979, deux enfants israéliens à Tibériade et en avoir blessé trente-six.

 

Ces détails ont si peu d’importance dans la compréhension d’un évènement, qu’il aura semblé à la "journaliste" française qu’on pouvait faire l’économie de leur énumération. Elle avait déjà conçu qu’on pouvait carrément oublier de mentionner une attaque à la roquette d’agglomérations israéliennes par le Hamas depuis Gaza, se moquant, sur Facebook, de quelqu’un qui lui demandait pourquoi elle ne l’avait pas fait.

 

Revenons aux gens sérieux. J’ai longuement discuté avec l’un des proches conseillers de Mahmoud Abbas des dangers enceints dans cette politique tendant à exciter la population palestinienne en exacerbant sa haine des Israélites pour la pousser au terrorisme.

 

Mon interlocuteur m’a répondu sans faire usage de la langue de bois : "Que veux-tu donc que nous fassions, attendre sans réagir que Netanyahu finisse de judaïser Jérusalem et d’étendre les implantations à toute la Cisjordanie ?". Il a ajouté : "A l’entendre, nous devrions sans cesse donner des gages de bonne conduite en nous abstenant de réagir à ses provocations afin qu’il daigne s’asseoir avec nous pour entamer des discussions, sans qu’il accepte même de définir le sujet ni le cadre de ces négociations". Et de résumer sa pensée par : "Il est évident que Netanyahu ne désire pas progresser sérieusement en direction d’une solution, ce que déclare ouvertement son allié et ministre de l’Economie [Naftali] Bennett, qui dénonce journellement le projet des deux Etats vivant côte à côte. C’est en désespoir de cause", termine le conseiller, "après avoir vraiment tout essayé, que nous avons décidé de tenter de contourner le blocage israélien en nous adressant à la communauté internationale et aux instances juridiques internationales. Notre inquiétude, c’est l’avenir du peuple palestinien, non le statu quo !".

 

Je l’ai interrogé sur la nécessité de parler avec Israël pour parvenir à la paix et sur la dangerosité d’encourager les gens à s’en prendre aux Israéliens en lançant des accusations délirantes.

 

Le confident d’Abou Mazen m’a précisé que, pour le moment, il s’agissait de "faire payer à Israël le prix de sa politique et non de faire la paix. Quant à la manière", a-t-il conclu, "même si elle ne nous plaît pas beaucoup, à la guerre comme à la guerre, surtout si ça marche sur les opinions publiques occidentales. Cela fait certes des victimes, mais nous ne parviendrons à rien sans sacrifices et nous ne poussons pas à la troisième Intifada ; rien qu’à réagir individuellement aux provocations d’Israël qui se multiplient".

 

Parlant de provocations, je ne peux que confirmer les propos qui m’ont été tenus : même si elles n’ont pas l’intention de chasser les musulmans de l’Esplanade des Mosquées, les autorités municipales et nationales israéliennes permettent aux activistes religieux juifs d’aller prier en groupe à cet endroit, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nir Barkat, le maire de Jérusalem, vient en outre de se rendre à proximité immédiate des mosquées entouré d’un important dispositif policier et ces actes sont très mal perçus par la population arabe.

 

D’autre part, je ne considère pas que la destruction des demeures de terroristes ayant causé la mort de civils procède d’une punition collective illégitime. Ce, à la condition, bien sûr, que les terroristes criminels soient tous, sans distinction de nationalité ou de confession, traités à la même enseigne.

 

Or, si j’ai pu visiter les ruines des maisons des terroristes arabes des derniers attentats de Jérusalem, j’attends toujours la destruction de celles des six assassins juifs, le 2 juillet dernier, de Mohammed Abu Khdeïr, âgé de 16 ans, qu’ils avaient brûlé vif. Si les Israéliens comptent être crédibles, il leur faut appliquer la même loi à tous, ce qu’ils ne font manifestement pas.

 

D’autres mesures de répression collective sont actuellement appliquées par les autorités israéliennes à des Palestiniens assurément innocents de tout crime. Comme celle qui consiste à répandre indistinctement, sur toutes les maisons d’un quartier arabe de Jérusalem, le liquide pestilentiel que les policiers hébreux appellent bouesh.

 

Celui-ci s’incruste dans les murs, les fenêtres et les meubles et son odeur irrespirable résiste à tous les lavages pendant des jours. Ce mélange n’est pas létal mais il est extrêmement désagréable. Je pense en disant cela à mes deux tantes âgées de plus de 80 ans, qui n’ont jamais prononcé la moindre menace à l’encontre d’un Juif et qui ont vu leur appartement, au 3ème étage d’un immeuble du quartier de Silwan, à proximité du Mur des Lamentations, souillé par ce produit.

 

Des actes de ce genre ne sont pas faits pour apaiser les tensions. Comment s’imaginer que des personnes paisibles s’étant vues infliger ce traitement ne se sentent pas persécutées et n’entretiennent pas de sentiment de révolte ?

 

Quel est le but recherché par la coalition Netanyahu au travers de ces brimades. Le 1er ministre israélien pense-t-il que nous allons nous évaporer au contact du bouesh, nous dissoudre ? Parfois, en analysant ces actes qui n’ont jamais évité le moindre attentat terroriste, bien au contraire, on se dit que le seul motif de ces dirigeants procède de la haine raciste et de la volonté de heurter la sensibilité de tous les Palestiniens. De creuser un fossé de haine et d’incompréhension assez profond pour être certains qu’il ne sera jamais comblé et que nous ne vivrons jamais en bonne entente.

 

Ne comptez pas sur moi pour exprimer la moindre compréhension pour la politique suivie par le gouvernement israélien sortant, je doute même qu’il y en ait une de cohérente. Ne comptez pas non plus sur moi pour exprimer de la compassion pour Ziad Abu Ein, car je déteste les assassins d’enfants de quelque confession qu’ils soient et que je n’oublie ni ne pardonne.

 

Quant aux propos délirants prononcés par ceux qui sont censés me représenter, j’avoue en avoir honte. Mais ce sentiment serait encore exacerbé si les grandes puissances et leurs media ne leur réservaient chaque fois un accueil aussi enthousiaste.

 

La seule lueur d’espoir que j’ai discernée dans l’épisode Abu Ein de la guerre de la communication palestino-israélienne – et j’ai dû la chercher assidument pour la trouver – consiste en la réponse commune que l’Autorité Palestinienne et Israël ont proposé à la demande américaine et européenne, formulée notamment et officiellement par la cheffe de la diplomatie de l’UE, qui avait exigé "une enquête immédiate et indépendante sur la mort du ministre Abu Ein".

 

Indépendante : ni palestinienne ni israélienne ? On ne les a pas écoutés ; en dépit de la situation détestable, c’est nous qui avons réalisé l’autopsie, d’un commun accord avec Jérusalem sur ses modalités et en présence de l’un de ses médecins ainsi que de praticiens venus de Jordanie voisine. Ce qui démontre que lorsqu’on veut, on peut s’entendre sans intermédiaire et interagir comme des gens responsables et non comme des pitres. Le reste est un jet de bouesh.  

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