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"Hitler mon voisin" : quand un petit garçon juif croisait le Führer sur son palier

"Hitler, mon voisin", un livre d'Edgar Feuchtwanger, fils d'une famille juive dont Adolf Hitler était le voisin en 1933. AFP PHOTO MIGUEL MEDINA ALLEMAGNE

"Hitler mon voisin" : quand un petit garçon juif croisait le Führer sur son palier

 

 

 

"S'il avait su qui j'étais, je ne serais plus là", assure Edgar Feuchtwanger, aujourd'hui âgé de 89 ans, dans son livre.

Un beau matin de 1933, Edgar Feuchtwanger, fils d'une famille juive installée depuis des siècles en Bavière, tombe nez à nez devant l'immeuble munichois où vit sa famille, avec son voisin, Adolf Hitler, récemment nommé chancelier. Ce souvenir vivace est le point d'orgue de son livre "Hitler, mon voisin", dont Edgar Feuchtwanger va bientôt commencer la promotion en Allemagne, en débutant évidemment à Munich.

Âgé de huit ans, Feuchtwanger sortait se promener avec sa nourrice, quand il s'est heurté au leader national-socialiste, devenu peu avant l'homme le plus puissant d'Allemagne. Hitler avait conservé un vaste appartement dans un quartier huppé de la capitale bavaroise, à côté de celui des Feuchtwanger.

"Juste au moment où nous passions devant sa porte, il est sorti. Il portait un imperméable de couleur claire", a raconté l'auteur à l'AFP. "Nous étions sur son chemin. Il m'a regardé et il y avait quelques passants dans la rue - il était environ 8h30 et bien sûr ils criaient tous +Heil hitler!+. Il a juste levé un peu son chapeau, comme n'importe quel homme politique démocrate - il n'a pas fait le salut (nazi, bras tendu) - et il est monté dans sa voiture".

 

"Rien que mon nom l'aurait mis en rage"
Feuchtwanger se souvient qu'Hitler lui a jeté un "regard plutôt bienveillant". "Je dois souligner que s'il avait su qui j'étais, je ne serais plus là" pour le raconter, précise-t-il. "Rien que mon nom l'aurait mis en rage".
Feuchtwanger ne dit pas cela simplement parce qu'il est juif, mais aussi en raison de son oncle, Lion Feuchtwanger, célèbre écrivain allemand de l'époque, proche des communistes. Ce dernier avait notamment écrit "Succès" ("Erfolg", en allemand), une satire sur l'ascension du parti nazi qui concurrençait Mein Kampf dans les meilleures ventes en librairies.

A l'époque, Hitler "se déplaçait dans toute l'Allemagne et revenait généralement à Munich le week-end (...) puis dans sa retraite dans les montagnes, à Berchtesgaden", explique Feuchtwanger.
"Après 1935-36, on ne pouvait plus passer devant sa porte. On vous obligeait à passer de l'autre côté de la rue mais on voyait ses voitures garées là, donc on savait qu'il était là sans même avoir besoin de sortir", ajoute-t-il.

 

On ne réalisait pas la gravité du danger
Aujourd'hui âgé de 89 ans, Edgar Feuchtwanger vit en Grande-Bretagne grâce à ses parents qui ont pu acheter des visas pour quitter l'Allemagne en 1938, alors que l'étau se resserrait sur les juifs.
Sa famille n'a pas tout de suite pleinement réalisé la menace que représentaient les nazis et leur célèbre voisin en particulier.
"Nous savions probablement dès 1932 qu'il y avait un danger. Mais évidemment, on ne réalisait pas sa gravité, et comme il allait se révéler mortel", se souvient-il dans un anglais encore teinté d'un léger accent allemand.

Tout a changé après le pogrom de la Nuit de cristal, en novembre 1938, au cours duquel le père d'Edgar, Ludwig, salarié d'une maison d'édition, avant que son emploi lui soit retiré, a été raflé au cours d'arrestations massives. Arrêté à son domicile, pratiquement sous les fenêtres de Hitler, il a été détenu six semaines dans le camp de concentration de Dachau, au nord de Munich.

Lion Feuchtwanger avait déjà fui pour la France, après l'interdiction de ses livres en 1933, qui ont été brûlés par les nazis. Lui et d'autres proches ont rassemblé les 1.000 Livres britanniques qui ont permis à la famille de fuir le Troisième Reich pour l'Angleterre, après la libération de Ludwig. Edgar, alors âgé de 14 ans, était parti en premier. Ses parents l'avaient rejoint deux mois plus tard. Sa tante Bella n'aura pas eu cette chance. Restée à Prague, elle est morte au camp de Theresienstadt.

Raillé à son arrivée par ses camarades d'écoles privées, qui le surnommaient Volkswagen ou déformaient son nom en "Fish finger" (poisson pâné), Edgar finira par étudier à Cambridge, épouser une fille de général et devenir professeur d'histoire à Southampton.

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