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IATIK CHRANA, MAMAN ! ! par Jojo

IATIK CHRANA, MAMAN ! !

 

 

Un cauchemar, je vis un cauchemar, maman ! ! Depuis cette soirée du mois d’août, alors qu’on était en train de kiffer tous les deux, en amoureux, notre zabayon hebdomadaire dans ce café de Juan les Pins et où tu t’es brutalement effondrée. Je me souviens de tes derniers mots : « iati saha fel zabayon, on dirait celui de paparone ». Puis l’ambulance qui roule toute la nuit jusqu’à Paris, l’angoisse le lendemain à l’hôpital, et puis, et puis te voilà, maman, à côté de papa, à quelques mètres sous mes pieds, en cette veille de roch-ha-chana ! ! Un roch-ha-chana qui arrive, depuis 62 ans, pour la première fois sans toi, avec une autre bkaïla, d’autres douceurs que tu n’auras pas cuisinées avec amour et talent et que je n’ai jamais manquées depuis ma naissance : tata Rachel m’a dit que, dès ma première année, on me faisait goûter chaque plat en me le glissant dans la bouche avec le doigt, et je me rappelle qu’à 7 ans, j’avais la rougeole et qu’on a apporté le lit et les tissus rouges dans la salle à manger pour que, tout fiévreux, j’assiste quand même à la fête. Je n’imagine même pas kippour sans ton coing totalement imbibé de clou de girofle et les œufs de poule comme je les aime, et cette citronnade juste à point, et cette confiture de coings « keni fostok ». Je pleure très souvent tu sais. Et de mes trois grandes sœurs, c’est Francine la plus virulente, qui se moque de moi, en me disant que le petit bébé n’a pas encore coupé le cordon, à 62 ans. Quant à mon voisin, ce kbar, il m’a dit : c’est normal de perdre ses parents un jour ; vraiment, ils comprennent rien, ces français ! ! Je parle, je parle, mais tu ne m’écoutes certainement pas, maman, occupée que tu dois être à tchatcher avec papa et à lui raconter tout ce qui s’est passé depuis qu’il est parti : des années de cancans à rattraper ! ! Elle est vraiment rkika, cette Francine, parce qu’à force de tmatik, elle me fait gamberger : est-ce que je devrais vraiment être désemparé, à mon âge, alors que je suis père et grand-père, devant ta disparition, qui, somme toute, est naturelle et fait partie des choses de la vie ? Ai-je reçu, au travers de ton éducation de mère-poule protectrice mais étouffante, les armes nécessaires pour affronter la vie-pas la vie d’avant, ia hasra ! !- mais celle d’aujourd’hui, la vie dans ce monde de fous qui change tout le temps, se modernise à outrance, accélère, optimise, calcule, rentabilise…..et tout ça pour quoi ? Pour que ce tkil de Mandarin zaama, à l’hôpital de Paris, me dise qu’il n’y avait aucun moyen de te sauver. Alors que je suis persuadé que, à l’époque, Tbib Scialom, la irahmou, il t’aurait guérie en 5 minutes et que t’aurais pu vivre encore 50 ans, maman. Enfin, peut-être… Maman, en 62 ans, je ne t’ai jamais manqué de respect, pas une seule fois, ouras baba ! ! Mais pour ce coup que tu m’as fais cet été à Juan, je suis obligé de te dire : iatik chrana, Maman chérie ! ! 

Ton fils Jojo. 

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Sympa d'avoir exhumé ce texte que j'avais écrit en 1998 et posté sur Harissa.
Pour information, ma mère est toujours là et aura bientôt cent ans.

"Jojo".

Témoignage émouvant aux larmes cher Jojo. Non à 62 ans il est normal de penser à sa maman et de continuer à honorer sa mémoire.C'est le devoir d'un fils qu'il soit juif ,chrétien ou musulman.

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