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Israël et ses paradoxes - idées reçues sur un pays qui attise les passions, par Denis Charbit

Israël et ses paradoxes - idées reçues sur un pays qui attise les passions, par Denis Charbit

 

 

Denis Charbit est l'un des observateurs les plus avertis de la société israélienne et, partant, de l'ensemble du Proche-Orient.

Une recension de Jean-Pierre Allali

 

Sociologue, politologue, maître de conférences au département de sociologie, science politique et communication à l'Open University d'Israël, Denis Charbit est l'un des observateurs les plus avertis de la société israélienne et, partant, de l'ensemble du Proche-Orient.
Le titre, comme le sous-titre, de son nouvel ouvrage met d'emblée l'accent sur les nombreuses questions qu'il se propose d'analyser. Paradoxes. Quel pays,en dehors d'Israël, présente autant de situations paradoxales, en effet. Pays des Juifs, mais avec une forte minorité arabe, démocratie de type européen, mais avec une influence des sphères religieuses non négligeable, nation start-up au summum de l'innovation, d'une part, mais où des catégories de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, d'autre part. Quels paradoxes, en effet, parmi bien d'autres ! Pays qui attise les passions. Ce tout petit pays, pratiquement invisible sur les cartes de géographie, qui a réussi le tour de force de redonner vie à une nation qui avait disparu depuis des millénaires et de réinventer une langue considérée comme morte à jamais, l'hébreu, pour devenir un foyer obligé pour les victimes de l'antisémitisme à travers le monde, est constamment montré du doigt, vilipendé alors que des conflits meurtriers secouent la planète sans intéresser la presse ou le public. Idées reçues. En effet, et c'est l'objet du beau livre de Denis Charbit, le fait est que beaucoup de gens, de commentateurs professionnels comme de simples particuliers, se sont fait, au cours des ans, des idées sur Israël qui ne sont fondées sur aucune preuve ou qui sont biaisées par un parti-pris évident. Certes, Israël, comme tous les États du monde, n'est pas parfait, commet parfois des erreurs, mais ni plus ni moins que d'autres.
Pour tenter de débroussailler l'imbroglio perpétuel dans lequel on se trouve dès qu'il s'agit d'Israël et d'apporter des réponses claires, honnêtes et argumentées, Denis Charbit a scindé son étude en trois parties : « Un État et une société complexes », « Le contentieux israélo-palestinien » et « Israël et le monde ». Dans chaque chapitre, il part d'une affirmation répandue, l'examine avec soin et, si possible, en tire une conclusion. Par exemple : « Israël est un État militariste ». Ceux qui le prétendent devraient avoir à l'esprit, nous dit l'auteur, que pour la grande majorité des Israéliens, si le conflit entre Israël et le monde arabe s'éternise, faisant que le « rôle majeur de l'armée est inséparable de l'histoire moderne d'Israël », cela tient « non à l'occupation par Israël de territoires acquis par la force en 1967, mais au refus arabe originel d'admettre l'existence légitime d'un État qui n'est ni arabe par sa langue, sa culture et son identité, ni musulman par sa religion ». Denis Charbit rappelle aussi que « la subordination de la hiérarchie militaire vis-à-vis de la direction politique n'en reste pas moins la règle ». Dès lors, en Israël, « un coup d'État militaire est exclu ». Autre chose : « La Loi du Retour est raciste », disent certains adversaires d'Israël. On peut d'ailleurs penser  que le refus de Mahmoud  Abbas de considérer Israël comme un État juif se situe dans cette lignée philosophique.
Promulguée le 2 juillet 1950, la Loi du Retour (Hoq Hashvout) ne fait pas partie des lois fondamentales qui régissent l'État juif en l'absence d'une constitution. Pour Denis Charbit, à bien y réfléchir, plutôt que de racisme, il faut voir dans cette loi de la discrimination positive. « Pour autant qu'elle soit exclusive, si la Loi du Retour n'est pas raciste, c'est qu'elle tire sa légitimité du principe qui a fondé la reconnaissance de l' État d'Israël par les Nations unies, le droit du peuple juif à son autodétermination. Défini comme État juif, Israël a le droit d'en réserver l'accès à une population qu'elle a vocation à rassembler en son territoire national, ce qui n'a rien à voir avec une doctrine raciste ». Si Israël, in fine, n'est pas raciste, peut-on alors considérer qu'il pratique l'apartheid  comme certaines bonnes âmes l'ont affirmé, notamment lors de l'érection de la fameuse « barrière de sécurité », trop heureux de pouvoir mettre sur le même plan le pays des Juifs et l'ancienne Afrique du Sud ? C'est, nous dit Charbit,  qu' « inculper Israël de cette lourde charge est un raccourci bien pratique ». Mais « cette palme douteuse, Israël la rejette avec véhémence, crie à l'imposture et à la diffamation ». La conclusion de l'auteur n'est cependant pas aussi tranchée qu'on pourrait l'attendre : « Si Israël n'est pas un État apartheid, il n'est pas non plus son antithèse ». Dix-huit assertions sont ainsi passées au crible : « Les Arabes d'Israël sont des citoyens de seconde zone », « Jérusalem est la capitale d'Israël, une et indivisible », « Israël est un État voyou », « Les Israéliens sont francophobes »...
Soucieux de signaler ses sources de manière permanente et continue, Denis Charbit ne manque pas de les indiquer entre parenthèses tout au long du texte.
Bien entendu, des commentateurs ne manqueront pas de faire remarquer que d'autres thèmes auraient pu être abordés, d'autres ne partageront pas nécessairement l'opinion de Denis Charbit sur certaines questions. Reste un travail de qualité qui donne à réfléchir et qu'il faut impérativement découvrir.
Note :
(*) Éditions Le Cavalier Bleu. Mars 2015. Préface d'Élie Barnavi. 320 pages. 22 euros.

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