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Israël a une frontière commune avec al Qaeda

La ligne orange de gauche [Alpha] est la frontière entre Israël et la Syrie La ligne orange de droite est la ligne Beta Entre les deux lignes s’étend un territoire syrien (en principe) démilitarisé, soumis au contrôle des troupes de l’ONU basées dans le Golan

Israël a une frontière commune avec al Qaeda (info # 013008/14)[Analyse]

Par Stéphane Juffa© MetulaNewsAgency

 

Nous passons pas mal de temps, ces derniers jours, à la frontière israélo-syrienne dans le Golan. Avec notre Land bien équipée, enfoncés sous des casques et des gilets pare-balles, et connaissant parfaitement les lieux et les chemins de traverse, il nous est possible de nous rapprocher à 400 mètres des combats qui opposent les soldats d’Assad à la rébellion armée.

 

Etrange impression en vérité, que celle de pouvoir passer, en moins d’une demi-heure, d’un monde absolument paisible à l’un des fronts les plus féroces de ceux en activité sur la planète. Plus étrange encore, lorsque nous traversons les villes druzes-israéliennes de Massadé, à 1.5km des affrontements ou de Boukata, qui jouxte les combats, de voir les gens au travail et les enfants qui jouent dans la rue, sur un fond d’explosions parfois énormes et de gerbes de feu qui peuvent illuminer la nuit.

 

Nous avons, ces jours, deux points de vue de prédilection : celui que nous avons surnommé Alamo, et qui constitue la position israélienne la plus avancée en direction de l’Est, à un jet de pierre du village syrien d’El Hmidaiah, dépassant vers Damas de près d’un kilomètre la ville-fantôme de Kuneitra déjà aux mains des islamistes d’al Nosra ; et l’autre, 6km plus au Nord, dans un poste désaffecté par Tsahal, bien au-devant des plus intrépides de nos confrères, tout près de l’hôpital de campagne israélien dont nous avions dévoilé l’existence, quand tout le monde, y compris les autorités israéliennes, affirmait qu’il n’existait pas.

 

Même contraste en y accédant ; on passe au pied d’une petite montagne, et sur la route, entouré de limousines citadines, un vaste restaurant druze toujours très animé, plein de joyeux dîneurs qui semblent se sentir autant en sécurité que dans un bistro de Chamonix ou de Montana-Crans.

 

Pourtant, on s’étripe un demi-kilomètre plus loin et les convives le savent très bien, même si un fragile pan de montagne leur dissimule le carnage et qu’ils ne sont pas plus que nous à l’abri d’un obus perdu.

 

On avance un peu et là, on voit absolument tout. Cela tient pour moitié du cinéma en plein air et pour l’autre, d’un jeu électronique. A nous de nous pincer le plus souvent possible afin de nous rappeler qu’il ne s’agit pas d’un spectacle et qu’il nous faut redoubler de prudence si nous ne voulons pas en faire partie.

 

Tout y est. Toutes les quelques heures, des alentours de Jubata al Khashab jusqu’à Kuneitra, les villes et la campagne se couvrent des champignons provoqués par les obus d’artillerie. S’ensuivent les balles traçantes, rouges, qui ressemblent aux lumières d’un feu d’artifice, et qui viennent heurter, par grappes de trois, de sept ou de quinze, un objectif dont nous ignorons ce qu’il renferme.

 

Dernier épisode sanglant, ce samedi matin, lorsque des miliciens de Jabkhat al Nosra (le front al Nosra), la branche d’al Qaeda impliquée dans la Guerre Civile Syrienne, a encerclé plusieurs positions des soldats philippins de l’ONU dans la zone de désengagement de 1974, qu’ils ont pour tâche de surveiller.

 

Sommés de se rendre par les djihadistes – certaines bases, comme Rwihana, se trouvent à moins de 2km d’Israël – les Philippins, pour ne pas être pris en otages comme 44 de leurs camarades fidjiens, se dégagent en combattant, tentant de rejoindre Israël avec l’aide de leurs camarades irlandais et de Tsahal. Une quarantaine environ, sous nos yeux, en courant et pris de panique, ont traversé le point de passage de Kuneitra et sont parvenus en Terre Promise.

 

Aux dernières nouvelles, une trentaine d’autres seraient parvenus à les imiter. La situation est plus délicate pour ceux dont les bases sont situées plus loin de la frontière de l’Etat hébreu, jusqu’à 15km à l’intérieur d’une zone pratiquement totalement aux mains de la rébellion.

 

D’ailleurs, comme le confirme cette vidéo, les islamistes se sont aussi emparés du poste frontière côté syrien (dont nous avons publié la photo il y a trois jours paré de drapeaux du régime), ce qui rend plus ardu encore le repli de l’ONU. Il y a quelques instants, mais nous ne l’avons pas vu, étant revenus à la rédaction de Métula pour vous faire notre rapport, les miliciens auraient carrément bombardé le camp des militaires philippins.

 

En ce qui concerne Israël, la nouvelle principale de cette semaine est qu’elle a un nouveau voisin sur le Golan et qu’elle doit désormais faire frontière commune avec al Qaeda. A long terme, c’est très inquiétant, même si, pour le moment, les djihadistes prennent le plus grand soin à éviter toute provocation à l’encontre de Tsahal.

 

L’officier israélien qui a été touché (voir nos nouvelles de mercredi), l’a été par le tir d’un soldat de Damas à l’arme automatique. Tsahal avait riposté en anéantissant deux positions des hommes de Béchar al Assad.

 

Depuis, on a assisté à un autre fait d’armes significatif jeudi, lorsque les chasseurs-bombardiers du même Assad sont intervenus contre des positions d’al Qaeda à moins de 5km d’Israël. Est-ce utile de préciser que Jérusalem, inquiète de la progression des djihadistes, avait donné son accord à Damas pour ce raid ?

 

Ce, car l’espérance de vie d’un pilote syrien décollant de Damas en direction du Sud-Ouest est de l’ordre de 20 secondes, parce que si on lui permettait de survoler le Golan, il se trouverait à moins d’une minute de Métula, Kiryat Shmona, Rosh Pina ou Tibériade.

 

Cela démontre que désormais, tout le monde communique avec tout le monde, y compris avec ses ennemis. Encore que l’autorisation israélienne, à constater de visu par les résultats de l’attaque aérienne, devait stipuler catégoriquement de ne pas s’en prendre aux villages sunnites du flan syrien du plateau du Golan, non plus qu’aux positions de l’opposition armée non islamiste [l’Armée Syrienne Libre], jusqu’à maintenant amie de l’Etat hébreu.

 

Ce que nous ignorons est la proportion d’al Nosra dans les combats actuels de l’autre côté de la frontière. Les miliciens ont-ils pris le pas sur les "villageois" de l’ASL ou font-ils simplement cause commune pour chasser les alaouites de la région ?

 

C’est toute la coopération des dernières années qui dépend de la réponse à ces questions, y compris l’activité de l’hôpital de campagne, planté exactement à califourchon sur la frontière, et dont nous croisons les médecins dans leurs véhicules civils et sans escorte revenant de dispenser leurs soins.

 

La bataille du Golan n’oppose pas des milliers de combattants mais quelques centaines de part et d’autre, tous, très puissamment équipés. Ce qui reste de la Brigade du Golan d’Assad a lancé deux contre-offensives ces trois derniers jours pour reconquérir le terrain perdu mais elle n’y est pas parvenue.

 

Si les choses restent comme nous les avons laissées tout à l’heure, tout le Golan syrien, des trois frontières Israël-Jordanie-Syrie aux contreforts du Hermon, est aux mains de la rébellion. Laquelle se montrait incapable de progresser depuis des mois avant l’arrivée des renforts d’al Nosra.

 

Des miliciens qui se sont fait rejeter du Nord-syrien par leurs frères ennemis de DAESH lors de combats sanglants contre ceux d’El Baghdadi ; ce dernier ayant fait sécession d’al Qaeda pour établir le Califat Islamique sur les parties de l’Irak et de Syrie qu’il contrôle.

 

Quant aux membres d’al Nosra, ils ne rendent rien à ceux de l’EI en matière de cruauté, de racisme et d’antisémitisme. Ils décapitaient déjà du chrétien, de l’alaouite et du Druze bien avant l’apparition de DAECH sur les champs de bataille. La seule différence sensible que l’on pourrait observer, hormis les conflits de personnes et d’intérêts entre les califes, est qu’al Nosra se concentrerait "plutôt" sur la "libération" de la Syrie que sur la construction d’un Etat islamiste dans la région. Vous parlez d’un soulagement !

 

Tout le Moyen-Orient bouge et saigne. A Aïn al Arab (l’œil de l’Arabe), dans le nord de la Syrie, tout près de la frontière turque, les peshmergas affluent de partout, Turquie (PKK), Iran, Irak – on en compte un millier en renfort – pour affronter le Califat Islamique qui menace de prendre la troisième cité kurde de Syrie (que l’on nomme Kobane en kurde) et de déferler sur le Kurdistan iraquien.

 

L’Egypte et les Emirats Arabes Unis aident les "modérés" en Libye, avec leurs aviations et des opérations commando, à juguler les djihadistes. L’Amérique a critiqué ces interventions sans qu’il nous soit loisible d’en saisir la raison, car, sans cette aide, la Libye aussi deviendra un califat islamique. En quoi cela servirait-il l’intérêt de Washington ?

 

Il nous était déjà impossible de comprendre pourquoi Bruxelles et Washington se sont à ce point dépensés pour sauver le Hamas à Gaza. L’Occident a semble-t-il décroché, ne parvenant pas à concevoir l’étendue et la nature de la menace qui s’approche de sa porte. Il faudrait également que quelqu’un exprime aux dirigeants du vieux continent la signification des derniers sondages réalisés en France, qui indiqueraient qu’un habitant sur sept est favorable à l’Etat Islamique et à la charia qu’il entend imposer. A force de taper sur les Américains et sur les Israéliens pendant des années dans les media cela n’a pas de quoi nous surprendre.

 

Heureusement pour Israël et pour la région que le Hamas se soit sabordé en provoquant la guerre avec les Hébreux alors qu’il n’avait aucune raison intelligente ou stratégique de le faire. Le Mouvement de la Résistance Islamique se retrouve comme avant les hostilités, mais avec un stock épuisé et non renouvelable de roquettes, sans tunnels et en ruines. Nous avions prévu, c’est exact, qu’il n’y aurait plus de conflit avec les djihadistes de Gaza et nous avions évidemment raison. Sauf que leurs dirigeants viennent de démontrer qu’ils ne fonctionnaient pas dans un mode rationnel, en particulier Khaled Mashal et l’émir du Qatar.

 

Heureusement pour Israël, écrivais-je, et aussi pour l’Egypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie, qui peuvent maintenant se préoccuper de stopper la vague verte sans avoir à se méfier des islamistes palestiniens, fanfarons en guenilles.

 

Quant aux ministres et aux journalistes saoudiens, ils appellent presque quotidiennement à enterrer la haine d’Israël et des Juifs et à se préparer à faire la paix avec eux. Ceci, parce que les exciseurs-coupeurs de têtes sont déjà à notre porte. Dans notre cas, à 22km de Métula. Mais à vol d’oiseau.  

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