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Assad est cuit, salam Poutine

Le contrôle alaouite sur Damas se réduit comme une peau de chagrin Service cartographique © MetulaNewsAgency

Assad est cuit, salam Poutine (info # 012509/15)[Analyse]

Par Jean Tsadik© MetulaNewsAgency

 

La quasi-totalité des banlieues nord de Damas est entre les mains de l’opposition, à l’instar des quartiers d’Al Assad, Adra, et de Tal Kurdi, tombé très récemment dans l’escarcelle de l’Armée Islamique, un groupe soutenu par l’Arabie Saoudite et encadré par des mercenaires pakistanais.

 

Comme on le distingue sur cette première carte montrant la capitale syrienne, l’unique axe routier en direction des grandes villes du Nord-Ouest, Homs, Hama et Alep, l’autoroute M5, est désormais fermement sous le contrôle de la rébellion, principalement composée, sur ce front, de l’Etat Islamique et de l’Armée Islamique.

 

Au sud de Damas, la pression est exercée par le Front du Sud, au sein duquel l’Armée Syrienne Libre, Al Qaeda et une cinquantaine d’organisations islamisantes œuvrent en commun dans le but de faire tomber le régime alaouite.

 

L’encerclement total de Damas n’est plus qu’une question de quelques semaines, d’un ou deux mois tout au plus.

 

On a vu le "Président" Bachar al Assad prier dans la grande mosquée de la ville au premier jour de l’Aïd al-Adkha (la fête du sacrifice). La présence d’Assad à Damas se fait de plus en plus rare, du fait des risques d’un attentat dirigé contre sa personne, ou d’un bombardement. Ceux-ci sont de plus en plus fréquents, le cœur de la cité étant désormais à portée de mortier ou de roquette depuis toutes les positions ennemies.

 

Pour plus de sécurité, sans publicité, Bachar passe le plus clair de son temps dans le réduit alaouite de Lattaquié, où ses conditions de sécurité sont meilleures.

 

C’est dans ce prisme qu’il convient de comprendre le déploiement des Russes, ces dernières semaines. Il ne s’agit pas de reprendre les territoires perdus, comme cela a été hâtivement prétendu ci et là, mais uniquement d’assurer un havre sécurisé à leur allié en déroute et à sa tribu, forte d’un million et demi de personnes.

 

Vous l’aurez compris, la situation militaire des forces du régime et de leurs alliés chiites libanais et iraniens est irréversible. Et ce ne sont pas les 500 militaires russes envoyés dans la bande côtière, les deux mille Gardiens de la Révolution khomeyniste, ni même les cinq mille miliciens hezbollani qui y changeront quelque chose.

 

D’ailleurs, depuis leur arrivée, on n’a pas observé d’incursion aérienne ou terrestre significative des hommes de Poutine dans le territoire tenu par la rébellion.

 

Pour une fois, c’est assez rare pour être mentionné, nous sommes d’accord avec le Secrétaire d’Etat U.S. John Kerry : le déploiement des soldats de Moscou est essentiellement défensif.

 

Ils disposent maintenant, en plus de l’aéroport de Lattaquié qu’ils se sont appropriés, d’un vaste complexe militaire qu’ils aménagent actuellement à Al Sanobar, ainsi que d’un dépôt de munitions, à Istamo, tous deux situés au nord de Lattaquié.

 

Ce n’est pas avec leur quinzaine de Sukhoï – de très bons appareils multi-rôles -, leurs dix chars et leurs missiles sol-air que les Russes vont reconquérir la Syrie ; en revanche, en disposant intelligemment ce qu’il reste de l’Armée alaouite sur le pourtour du réduit de Lattaquié, deux ou trois mille soldats d’élite russes devraient pouvoir empêcher les rebelles de s’y introduire.

 

A ce propos, il n’est pas dit que les principaux détracteurs d’al Assad entendent, temporairement en tout cas, venir se frotter aux guerriers de Poutine. Témoin, le très significatif accord intervenu cette semaine sous l’égide de l’ONU.

 

Il s’agit d’une sorte de cessez-le-feu conclu entre Ahrār ash-Shām, (le mouvement islamique des hommes libres du Levant), - une armée comptant environ vingt-mille hommes, alliée d’al Qaeda mais hostile au Califat islamique -, d’une part, et le Hezbollah et les forces du régime, de l’autre.

 

En fait, on se situe plus dans un retrait mutuel et simultané coordonné, que dans un authentique cessez-le-feu : les insurgés se sont engagés à permettre le transfert des occupants des deux dernières villes chiites résistant encore dans la province d’Idlib, Fou’a et Kafraya (voir carte), vers la zone contrôlée par le régime. Ce sont 10 000 personnes, totalement encerclées et régulièrement soumises à des bombardements, qui vont être transportées de la sorte à l’aide de véhicules de la Croix Rouge Internationale.

 

En contrepartie, les forces gouvernementales autoriseront le retrait des cinq cents combattants rebelles de la ville de Zabadani - aux confins du Liban et à 27 kilomètres au Nord-Ouest de Damas - vers la province d’Idlib.

 

Ces combattants, eux aussi encerclés, résistent depuis juillet à une offensive majeure lancée par les soldats d’Assad et les miliciens du Hezbollah.

 

L’accord est important en cela qu’il démontre qu’une frange majoritaire de l’insurrection n’a pas l’intention de procéder à un massacre systématique d’ "incroyants" [alaouites, chrétiens, Druzes, etc.] après la prise de Damas, et qu’elle pourrait accepter, surtout après l’arrivée des Russes, que soit recréé dans la bande de Lattaquié l’ "Etat Alaouite", qui existât brièvement, dans l’entre-deux-guerres, sous l’impulsion des Français.

 

Resterait encore à solutionner le problème posé par le fait que la bande en question constitue l’unique accès de la Syrie à la mer, et que ses ports sont absolument nécessaires à la survie économique de l’ensemble du pays.

 

A propos de l’adhésion gouvernementale à ce compromis, nous déduisons d’abord que le pouvoir alaouite et ses alliés ont définitivement perdu l’espoir de libérer la province d’Idlib dans un avenir tangible. Nous observons ensuite, qu’il a accepté de négocier avec ceux qu’il appelle régulièrement les "terroristes", ce qu’il ne faisait pas auparavant, démontrant qu’il n’est pas capable, malgré tous les moyens employés, d’enlever Zabadani par les armes [Damas et le Hezb avaient souvent affirmé que c’était chose faite. Ndlr.].

 

Nous sommes d’autre part intuitivement convaincus que le Kremlin est intervenu pour parvenir à ce troc, et que son protégé à genoux, dépendant de Poutine pour sa survie, n’a plus la capacité de s’opposer à ses volontés.

 

En plus de ce qui précède, nous suivrons avec un intérêt humanitaire certain le déroulement du transfert des populations de Fou’a et Kafraya. Son succès aurait un effet capital sur la suite, en démontrant qu’à une échelle autrement plus large, il serait envisageable de véhiculer les alaouites ainsi que ceux qui préféreraient lier leur avenir à la destinée des al Assad, vers Lattaquié.

 

Il n’existe aucun doute sur le fait que ces derniers développements découlent du déploiement des cinq cents soldats russes dans la bande côtière. Ceci illustre un des aspects stratégiques du conflit qui ravage la région : même sans tirer un seul coup de fusil, il suffit parfois de positionner une force restreinte, au bon endroit et au bon moment, pour influer sur l’issue d’un conflit.

 

Dans une approche plus globale des choses, nous notons que l’action entreprise par Poutine possède l’avantage stratégiquement incontestable de poursuivre un but clair et réalisable ; dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de la sécurisation de la province de Lattaquié.

 

Le Pentagone et le président des Etats-Unis se voient ainsi infliger une nouvelle leçon de pragmatisme par celui qui a déjà réalisé l’annexion de la Crimée ; à tel point que, même si c’est de mauvaise grâce, les Américains, qui balbutient péniblement leur campagne contre l’Etat Islamique en y ayant consacré des moyens énormes, ont décidé de consulter Vladimir Poutine au sujet de l’avenir de la Syrie.

 

Ce cours de stratégie vaut également pour Binyamin Netanyahu, qui avait engagé Tsahal dans l’opération Pilier Inébranlable en 2014 face à Gaza, mobilisant des dizaines de milliers de soldats, paralysant Israël pendant un mois et demi, causant 66 morts et 470 blessés, sans avoir indiqué à nos militaires d’objectif à atteindre, et mettant fin à cette confrontation, évidemment, sans l’avoir atteint.

 

Les 500 pioupious et les seize coucous envoyés par le président russe ont suffi pour faire immédiatement accourir Netanyahu à Moscou, comme si Jérusalem avait désormais besoin de l’accord de Poutine pour préserver les intérêts vitaux qu’elle s’est réservée.

 

Nous n’avons certes rien contre une "synchronisation des activités" avec le détachement de Lattaquié "pour éviter des malentendus", mais nous relevons que l’on fait peser un danger réel sur nos pilotes en communiquant aux Russes nos plans d’opérations et la position de nos avions.

 

Il n’est en effet pas sérieux de songer que l’hyper-opportuniste-rationaliste qu’est Poutine hésitera plus de trente secondes – surtout après avoir constaté que ses techniques barbares fonctionnent à merveille en Ukraine – pour communiquer ces précieuses données aux Iraniens, par exemple, s’il peut en tirer un profit quelconque.

 

Le maître du Kremlin n’a-t-il pas déjà reçu par deux fois le Major General Qassem Soleimani, le chef de la force spéciale Quds (Jérusalem) des gardiens de la Révolution perse, n’attendant pas même la levée des sanctions internationales, qui interdisent à cet énergumène aux commandes de la formation militaire la plus hostile au monde à Israël, de se déplacer à l’étranger.

 

Netanyahu est passablement naïf s’il s’est laissé persuader que Poutine lui accorde plus de crédit qu’à Soleimani.

 

Quant au fait de savoir où volent ses Sukhoï, je ne saisis pas bien quel avantage cela nous procure, prévoit-on une panne prochaine de nos radars ? Ou Netanyahu craint-il que cinq cents Russes envahissent Tel-Aviv ?

 

Ce qui est certain est que le déploiement minuscule de ce contingent à Lattaquié a limité notre liberté d’action. Dorénavant, lorsque nous envisagerons de frapper un stock d’armes sophistiquées destinées au Hezbollah, il faudra en parler à Yvan ou, à tout le moins, prévoir sa réaction.

 

Cela ne pourra que compliquer nos affaires. Et s’il prenait à Yvan l’étrange idée de placer ces mêmes armes, qu’il destinerait à ses alliés anti-DAESH du Hezb ou des Pasdaran, dans son nouveau dépôt de Lattaquié, devra-t-on lui demander la permission de les détruire ? Ou devrons-nous nous accoutumer d’un nouveau péril pesant sur Israël.

 

Efficience maximale pour Poutine, quasi-inexistante pour tous les autres. Poutine, qui sait ce qu’il se veut et qui ne change pas d’avis chaque mois comme c’est leur cas. Le président russe, dont la khutzpa incommensurable pourrait peut-être ouvrir des perspectives de solution à la boucherie syrienne. 

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