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Je suis fier d’être Tunisien

 

Je suis fier d’être Tunisien

 

Par Hédi Bouraoui

 

Il me faudrait plus d’un livre pour décrire les palettes émotionnelles par où je suis passé pendant la « Révolution du Jasmin ». Celle-ci s’est déroulée à une vitesse vertigineuse même si elle a duré un peu plus d’un mois ! Tant de sacrifices, de martyrs, un millier de blessés ! Abattu par tant de violence, je suis resté cloué chez moi, à traquer la moindre information. Jour et nuit, je regardais la télé, consultais les sites : Leaders, Nawaat…, écoutais la radio : RFI, France Info…, leurs émissions spéciales souvent de 7 h à 9 h, lisais les journaux et magazines : Libération, Le Monde, L’Humanité, Le Nouvel Observateur, L’Express… Ainaya tnakbit ! Mes yeux se sont troués ! Sans compter les longues discussions avec des compatriotes pour nous tenir compagnie, en solidarité avec les manifestants. Perturbé et angoissé, je ne pouvais pas dormir. Manque de sommeil émaillé de cauchemars.

Je ressentais dans mes fibres toutes les couleurs émotionnelles : de la frustration à la colère, de la liesse à l’effondrement, des larmes aux sourires, de la haine d’un régime verrouillant l’expression à la jubilation de la fuite de l’ex-président… du tragique de la répression aveugle au bien-être de la neutralité de l’Armée fraternisant avec les manifestants. J’ai vécu dans ma chair la violence de la police et l’apaisement / fraternisation durant cette douloureuse marche inexorable vers la Démocratie, la Liberté et la Dignité. Mon moral fluctuant au rythme des événements !

On nous a souvent pris pour un peuple faible, doux, éduqué, raffiné… et à la limite, lâche parce que nous craignons la violence et plions le dos pour éviter la confrontation. Mais notre peuple a prouvé au monde entier qu’il était prêt au sacrifice pour une prise de parole longtemps bâillonnée. Que dis-je ? La Tunisie s’est soulevée et nous en sommes tous fiers ! On a parlé de « contagion aux pays voisins», mais il s’agit plutôt d’un Modèle spontané de révolte populaire à suivre. Une nouvelle façon de dire Non aux Dictateurs, aux Mafieux, à tout pouvoir qui bafoue Dame Justice, et Droits de la personne. Voir aujourd’hui l’Egypte, le Yémen, la Jordanie… Demain, certains pays arabes, africains… et qui sait ? Peut-être, le surlendemain, les anciens satellites russes… Il faut retenir que cette onde de choc tunisienne a craquelé le spectre de l’Islam extrémiste brandi par l’Occident pour maintenir les régimes autoritaires en place. Le Rempart contre l’intégrisme est abattu aujourd’hui comme le Mur de Berlin en 1989. Et globalement, les dirigeants du monde entier vont réajuster leurs positionnements politiques. Je voudrais saluer la jeunesse tunisienne et leur apport incalculable à mobiliser la foule. Sans eux, nous n’en serions pas arrivés à sonner le glas à la dictature Ben Alinienne.

Quelques temps forts :

- Le 17 décembre 2010 restera gravé dans la mémoire : Le jeune chômeur diplômé Mohamed Bouazizi s’immole par le feu. Injustice flagrante d’empêcher un citoyen qui tient à gagner honnêtement son pain et celui de sa famille. L’étincelle électrocute le peuple, embrase le corps figé de l’autocratie. La visite de l’ex-président au chevet du martyre n’est que poudre aux yeux, du cinéma comme d’ailleurs ses discours bidon ! Le Je vous ai compris, écho gaullien, et le On ne m’a pas averti, réplique bourguibienne n’ont servi qu’à exiger le départ du despote. Ras-le-bol des menteries et des vols manifestes ! Le 14 janvier 2011 restera dans l’Histoire comme le 14 juillet de la prise de la Bastille.

- Barack Obama salue le Courage et de la Dignité du peuple tunisien : cette reconnaissance de la légitimité des revendications de notre peuple m’a fait chaud au cœur.

- La déception des tergiversations françaises. La déclaration de MAM, Ministre des Affaires Étrangères, vue en directe à la Télé, m’a offensé, dégouté, rendu fou de colère. La France ne dénonce l’utilisation disproportionnée de la violence que le 13 janv.-11. Quelle honte pour le pays des Droits de l’Homme ! Ma profonde répugnance ne s’est calmée un peu que lorsqu’on a refusé l’asile au fuyard et gelé ses fonds placés en France.

- La fuite de Ben Ali : un moment inoubliable de pure joie. Hourrah, enfin, une victoire du peuple sur l’adversité ! Une nation instruite, férue de technologie de pointe force le pouvoir à dégager ! Les Tunisiens de tous bords célèbrent leur fierté et leur dignité retrouvées. La parole déchaînée se déverse de plus en plus fort dans tout le pays. J’en suis tellement ravi que je ne tiens plus en place ! La page de l’ex-tyran déchirée. Quelle nouvelle page à ouvrir ? Crainte du flottement, du chaos semé par la milice, la police, les pillards, les régleurs de comptes…

- Les attentes, les surprises, les revirements… Des Gouvernements de transition m’abreuvent d’espoir, me consolent de certains acquis puis l’instabilité au fur et à mesure que les têtes de l’ancien régime tombent et que la pression des manifestants augmente. Des hauts et des bas ! Vécus dans l’angoisse et la satisfaction jusqu’à l’apaisement du nettoyage des scories perturbant le consensus dans l’intérêt général. J’ai toujours prié pour une transition pacifique qui contenterait toutes les couches de la population tunisienne. J’ai toujours eu foi au génie de notre peuple, avide de douceur et de joie de vivre, de paix et de liberté. La Révolution du Jasmin nous a rendu ce beau parfum qui fait et fera de nous un peuple de la juste mesure nous faisant procéder étape par étape pour résoudre toute crise nationale. C’est le seul moyen de trouver la voie du progrès, de la postérité, de la solidarité, de la stabilité… la solution juste et équitable pour tous.

- Étant optimiste, je pense que le Gouvernement d’Union Nationale saura prendre le bon chemin pour organiser des élections libres et transparentes. Sa nouvelle composante veillera sur toute dérive du pouvoir mis en place pour que notre chère Tunisie règle ses problèmes de chômage, celui des inégalités selon l’ordre républicain. Ceci en gardant en vue le développement économique et social dans l’harmonie et l’éthique des mains propres.

Hédi Bouraoui

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