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L’automne arabe risque d’être moins souriant que le printemps

 

L'automne arabe risque d'être moins souriant que le printemps

 

Six mois après la chute de Ben Ali, où en est réellement le « Printemps arabe » ? Alors que le mouvement enclenché en Tunisie semblait parti pour tout emporter et reconfigurer profondément la physionomie de la gouvernance arabe, la révolution montre des signes d’essoufflement.

 

La crise économique qui touche désormais l’Egypte ou la Tunisie a eu pour effet de remettre en selle le bloc conservateur, voire à radicaliser une partie de l’opinion. Ceci est un mécanisme normal et connu des économistes : lorsqu’une crise survient, les extrêmes ont tendance à se cristalliser et à durcir leur discours. Illustration de ce glissement qui était jusqu’alors imperceptible, le sondage commandé par le Journal Newsweek qui révèle qu’en Egypte, les évènements récents ont profité aussi bien aux Frères musulmans qu’à Amr Moussa, ancien ministre des affaires étrangères de Hosni Moubarak de 1991 à 2001, et ancien secrétaire général de la ligue arabe.

D’un point de vue régional, ce sondage n’augure rien de bon pour Israël, Moussa comme les frères musulmans étant partisans d’un changement de politique à l’égard de l’Etat Hébreu. Autre élément saillant révélé par ce sondage, les « stars » des télévisions occidentales, dont le policé Mohammed El Baradeï, ancien patron de l’AIEA, peinent à mobiliser les foules dans leur pays, ne recueillant que 19% d’opinions positives dans le meilleur des cas. Ceci illustre le fossé qui s’est peut être creusé ces derniers mois entre la perception des réalités politiques de ces pays et leur vérité intrinsèque, infiniment plus complexe.

En second lieu, le « printemps arabe », au-delà de l’espoir et des attentes qu’il a suscité, a confronté les pays de la région à un défi de taille : où trouver les élites capables d’animer le changement ? En effet, la faiblesse des partis politiques arabes combinée à une désaffection pour la chose publique a eu pour effet ces dernières décennies d’écarter les hommes et les femmes capables de porter la dynamique réformatrice. Ces derniers ont préféré s’investir dans la sphère économique-plus lucrative- ou dans la haute fonction publique, moins exposée. Au Maroc par exemple, la récente révision constitutionnelle, pour ambitieuse qu’elle soit, ne suffira pas à faire émerger par magie une nouvelle classe politique capable d’assurer un leadership énergique des réformes nécessaires.

 

Les nations ont besoin de temps. Les peuples ont des besoins urgents

 

En Algérie, la commission des réformes politiques, conduite par Abdelkader Ben Salah n’est pas arrivée à faire oublier les guerres intestines que se livre le parti présidentiel, le FLN, sur fond de crise autour du renouvellement des cadres. En Libye enfin, l’assassinat du chef militaire du Conseil National de Transition, Abdel Fattah Younès, semble indiquer que des divergences profondes parcourent le mouvement d’opposition à Kadhafi, ce qui hypothèque un règlement rapide de la crise. Ces tendances, bien que différentes selon les pays et les cadres historiques, font ressortir une dynamique globale de repli des opinions publiques, qui préfèrent se tourner désormais vers des figures établies telles que Amr Moussa en Egypte ou l’industriel Salahedinne Eltaïef en Tunisie, l’homme qui installa un certain … Zine El Abdidine Ben Ali au pouvoir il ya près de vingt-cinq ans.

Peut-on pour autant estimer que le Printemps arabe est terminé ? Pas si sûr, car tout semble indiquer que le mouvement né en janvier 2011 en Tunisie est irréversible de par le fait qu’il aura permis une libération de la parole sans précédent. Le plus dur reste cependant à faire : imaginer les mécanismes qui permettront de recanaliser la contestation pour en faire une force de proposition et un outil au service du développement. Pour illustrer l’ampleur de la tâche, un collectif d’auteurs ayant travaillé sur la dynamique de réformes au Maroc de 1999 à 2009 avait eu cette formule lumineuse: « Les nations ont besoin de temps. Les peuples ont des besoins urgents. La conciliation de ces deux extrêmes n’est pas chose simple. Les gouvernements les plus éclairés y sont toujours confrontés. Ils le sont d’autant plus quand l’esprit de réforme les anime. »

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