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L’inattendu rapprochement saoudien-israélien

 

L'inattendu rapprochement saoudien-israélien

L'administration américaine discréditée, Israéliens et Saoudiens se rapprochent pour empêcher l'Iran de tirer partie de la déstabilisation de la Syrie et de la Jordanie. Ils ont un allié inattendu: la Russie.

 

Les troubles s'étendent en Syrie et le régime semble perdre le contrôle de la situation. La Jordanie se retrouve aussi contaminée par ce printemps arabe et des peuples qui soudain n'ont plus peur de réclamer la liberté. Si la Libye préoccupe peu les Israéliens qui ne sont pas directement concernés, il en va évidemment tout autrement de la Syrie. La chute ou la déstabilisation du régime de Bassar El Assad auraient des répercussions profondes au Proche-Orient, et sur Israël en particulier.

La Syrie n'est évidemment pas la Tunisie, l'Egypte ou même la Lybie. Les révolutions tunisienne ou égyptienne ont vu toutes deux les militaires jouer un rôle majeur et contraindre de fait les dictateurs à quitter le pouvoir. Les Libyens se sont retrouvés face à une armée restée en partie fidèle au dictateur, mais dans un pays qui n'en est pas vraiment un et où le système tribal reste omniprésent. Pour ce qui est de la révolte syrienne, elle se fait contre la minorité alaouite qui contrôle le pays, mais l’armée est jusqu'à aujourd'hui suffisamment puissante pour empêcher la contestation de prendre de l'ampleur.

 Bassar El Assad a ainsi ordonné aux forces parachutistes de la garde présidentielle d’organiser le 18 mars deux opérations héliportées à Daraa et à Deir Ezzor en y faisant au moins 54 morts puis a envoyé son frère cadet Maher Assad, à la tête de la 4e division blindée, pour réprimer le 21 mars le soulèvement populaire.

La Syrie au bord de l'implosion

La préoccupation d’Israël reste l’extension des troubles à ses frontières. La révolution risque de devenir incontrôlable si de nombreuses parties interviennent dans le conflit. L’opposition syrienne a fait appel aux Kurdes, qui représentent 10% de la population. Cette communauté, prise dans l’étau turco-syrien, cherche à tirer partie des révolutions arabes pour gagner l'autonomie voire même un Etat. L’Iran pourrait trouver dans l'engagement kurde, l'alibi recherché pour intervenir quitte à fomenter, comme au Liban, une guerre civile.

Bassar El Assad est lié étroitement à l’Iran qui lui fournit des armes et un soutien économique. Le contrôle du Liban, pierre angulaire de la politique syrienne depuis des décennies, repose notamment sur le Hezbollah aux ordres de la République islamique iranienne. L’Iran a promis récemment à Damas la modernisation du port de Lattaquié pour le transformer en base maritime iranienne en Méditerranée et en port de stockage d’armements contrôlé par les Gardiens de la Révolution. Les travaux ont déjà commencé et une première expédition d’armes a été tentée via le navire Victoria qui a été arraisonné par la marine israélienne.

Le président syrien a appelé à l’aide les Iraniens qui lui ont fait intervenir des troupes armées du Hezbollah pour mater la rébellion. Des milliers de miliciens islamistes ont traversé la frontière pour participer à la répression contre les révoltés. L’activisme kurde et l’intervention du Hezbollah pourraient entraîner la chute du régime. Par un effet de dominos, le Liban et la Jordanie pourraient également sombrer et nul ne sait quels régimes pourraient alors émerger du chaos. Une victoire du fascisme islamiste dans des pays dont les sociétés sont fragiles et éclatées n'est pas une vue de l'esprit. Les Israéliens soupçonnent même les Iraniens de favoriser les émeutes en Syrie.

La Syrie est la chasse gardée de l’Iran mais reste aussi un protectorat russe qui assure son approvisionnement militaire. Moscou suit de près une situation qui se détériore à ses dépens et tente de favoriser le dialogue entre les dirigeants et la population syrienne.

Les dirigeants israéliens se refusent pour leur part à communiquer sur les révolutions arabes. Ils craignent par dessus tout d'être utilisés comme épouvantail par un camp ou l'autre. Le paradoxe aujourd'hui, c'est que la crainte est telle dans la classe politique israélinne qu'elle préfère des régimes dits forts qui ont instrumentalisé la haine d'Israël depuis des décennies mais qui garantissent une certaine stabilité et canalisent ou utilisent les organisations terroristes. Jérusalem préfère ainsi la survie du régime syrien au risque de voir le pays passer sous le contrôle de l'Iran et du Hezbollah.

En réponse à cette situation sans précédent, la recomposition géopolitique et diplomatique s'accélère dans la région. Les israéliens estiment que Barack Obama, sans influence sur Bassar El-Assad, est aussi décrédibilisé aux yeux des régimes dits modérés comme la Jordanie ou l'Arabie saoudite après avoir lâché l'allié de toujours des Etats-Unis, Hosni Moubarak. Benjamin Netanyahou a donc fait le voyage à Moscou pour s’entretenir avec les dirigeants russes de l’abcès de fixation syrien. La Russie semble vouloir profiter de la situation, en canalisant les déceptions à l’égard des Etats-Unis, pour jouer à nouveau un rôle de parrain de la région.

Nouvelle diplomatie israélienne

Tandis que les critiques pleuvent sur le gouvernement israélien accusé de passivité à l’égard des missiles qui s’abattent sur le sud du pays depuis Gaza, le Premier ministre multiplie les initiatives diplomatiques. Exit les Américains pour un nouveau front commun avec les pays arabes modérés. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a profité de la présence israélienne à Moscou pour organiser une réunion secrète avec le ministre saoudien des Affaires étrangères le princeSaoud Al-Fayçal et son responsable des renseignements, le princeMuqrin bin Adulaziz.

Les Israéliens savent que les dirigeants du Hamas cherchent par tous les moyens en multipliant les attaques et les attentats à envenimer la situation pour favoriser des représailles israéliennes et donner l'opportunité à l’Iran d'intervenir en sauveur. Dans le même temps, Netanyahou est soumis à la pression de son armée qui estime que toute passivité pourrait être interprétée comme un signe de faiblesse. Il s’agit en fait pour lui de mettre en place une alliance de fait avec les pays arabes modérés pour contrer la menace iranienne.

Sous l’égide des Russes, il veut favoriser un nouveau dialogue entre Israël et l’Arabie saoudite et contrebalancer le sentiment de trahison par les Américains. Israéliens et Saoudiens sont plus que réservés sur  l’intervention militaire contre la Libye estimant qu'elle créera le chaos et laissera la porte ouverte aux islamistes. Ils sont persuadés que l’Iran a trouvé avec ces émeutes le meilleur moyen de faire oublier son programme nucléaire.

L’Arabie saoudite s’est targuée d’avoir compris la première le danger que courait le Bahreïn devant l’inaction américaine et a envoyé ses troupes le 14 février pour contenir les menaces proférées par l’Iran contre le roi Hamad bin Isa Al Khalifa qui réprimait la révolte chiite. Il est clair que les sunnites semblent aujourd'hui préférer Israël aux chiites.

L'Arabie saoudite et Israël ont un ennemi commun, l'Iran islamique, et ont l'intention de l'empêcher de remplir le vide laissé par l'effondrement de régimes dont les populations arabes ne veulent plus. Benjamin Netanyahou tente même de protéger le régime syrien tout en ne tombant pas dans le piège tendu par le Hamas qui veut réactiver le front de Gaza.

Et dans le même temps, la Russie revient en force dans le jeu israélo-arabe. Les Etats-Unis ont senti le danger et ont immédiatement mandaté en Israël le secrétaire à la Défense Robert Gates pour réaffirmer aux chefs militaires israéliens l’importance que revêtent pour son pays la sécurité d’Israël et le maintien d’une alliance privilégiée. Les frontières diplomatiques bougent rapidement... au même rythme que les peuples arabes.

Jacques Benillouche

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