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La France de l’indécence

La (vraie) plage de Tel-Aviv ou le choix de la coexistence

La France de l’indécence [1ère partie](info # 011308/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

Cette journée de détente de Tel-Aviv sur Seine, qui se voulait festive, est rapidement devenue un sujet d’affrontement politique.

 

500 policiers sont mobilisés ce jeudi afin de protéger les "baigneurs", et c’est encore sans compter le personnel des divers services de renseignement, eux aussi sur le pied de guerre.

 

L’idée de faire bronzette sur le sable chaud, entouré par un cordon de CRS sur les dents est cocasse en soi. Il est d’ores et déjà évident que le fait de se mettre en maillot de bain sur les quais procède d’un acte risqué de solidarité avec l’Etat d’Israël et d’une certaine idée des relations amicales désormais révolues qui prévalaient, il y a quelques décennies, entre les deux pays.

 

Ceux qui s’opposent à l’évènement, tant au sein des formations politiques que sur les réseaux sociaux, sont-ils antisémites ? A première vue, on est tenté de répondre par la négative ; mais en écoutant les propos de Mme Danielle Simonnet, la représentante du Parti de Gauche à la mairie, ou d’Alexis Bachelay, député socialiste des Hauts-de-Seine (élu grâce au désistement du Front de Gauche au second tour), on trouve des arguments certes construits, mais d’une violence rhétorique inouïe.

 

Lorsque l’on consulte les commentaires de la majorité des internautes français sur les media électroniques, le doute n’est plus guère permis. On est en présence d’un déferlement de haine, baignant jusqu’au cou dans les amalgames rebattus. A moins d’être impliqué dans la propagande anti-israélienne, on devra constater que la majorité des commentaires est assurément antisémite.

 

La mairie résiste, et la manifestation se déroule pour l’instant comme prévu. Mais les arguments fournis par Mme Hidalgo et ses amis pour justifier de leur choix sont également urticants : on invoque la différence qu’il existerait entre la ville de Tel-Aviv et ses options progressistes, notamment à l’égard de la communauté LGBT, et la politique "détestable" conduite par le gouvernement de droite, notamment dans les territoires. La maire décrit Tel-Aviv comme la "1ère ville d’opposition" d’Israël pour justifier de son invitation à Paris, voilà de quoi motiver les loueurs de chaises longues et les marchands de fallafels.

 

Cette distinction entre Tel-Aviv et le reste d’Israël est évidemment politique, autant qu’elle est artificielle et grotesque. Non pas que nous soyons tous à la Ména des partisans de M. Netanyahou et de son soutien au courant edenniste, mais ce qui frappe le plus, dans cette espèce de débat, outre ses débordements indiscutablement racistes, c’est l’absence d’une notion que le quai d’Orsay revendique 24 heures sur 24 et sept jours sur sept : le sens de la proportionnalité.

 

Les premiers à en souffrir ne sont pas les Israéliens, évidemment, eux qui ignorent pour la plupart que la plage de Tel-Aviv s’est transférée à Paris, mais les Juifs français. Il leur apparaît, une fois de plus et en une multitude d’exemples, qu’ils sont marginalisés dans la société dans laquelle ils vivent.

 

Tout ce qui les concerne est "a priori péjoratif", alors qu’aucun d’eux ne critique jamais la France, qu’ils n’ont jamais menacé ou massacré de journalistes, qu’ils ne désirent la mort de personne, pas même des charognards qui beuglent "Mort aux Juifs !" sur les boulevards, et qu’ils chantent la Marseillaise à pleins poumons, pendant que d’autres la sifflent.

 

En se gardant farouchement d’entrer à notre tour dans le jeu des amalgames, il faut bien constater que l’un des maux dont souffre l’Hexagone procède de l’expansion et de la radicalisation de ses musulmans, et qu’il n’y a, en revanche, pas de problème juif en France. Pas de problème pour la France, s’entend, mais un problème pour les Juifs.

 

La confrontation qui fait rage autour de Tel-Aviv sur Seine outrepasse largement la manifestation de ce jour ; il est clair, notamment, pour chaque Juif de Paris, qu’il assistera sans doute à la dernière tentative de la part des autorités de sa ville et de son pays de commémorer l’amitié - ou ce qu’il en reste - qui réunissait, en d’autres temps, la France et l’Etat d’Israël, Etat dont la plupart des Israélites de la planète partage les valeurs juives et démocratiques.

 

Qui donc, à l’avenir, prendra à nouveau le risque de mettre sur pied un évènement dans lequel l’Etat hébreu, sa culture, sa vie et tout ce qui s’y déroule ne sont pas présentés de façon négative ?

 

Quelle raison les autorités françaises auraient-elles de remettre l’ouvrage sur le métier, en s’exposant à la fois à des risques sécuritaires, à des manifestations de musulmans et de gauchistes enragés, et, plus prosaïquement encore, à celui de perdre des voix lors des prochaines consultations électorales ?

 

On va donc, et pour longtemps, ne plus assister en France qu’à des rassemblements appelant au boycott d’Israël, à forcer le soi-disant blocus de Gaza, à dénoncer la politique d’ "épuration raciale" voir d’ "apartheid", que les ennemis d’Israël et des Juifs attribuent aux Israéliens.

 

La perspective n’est pas engageante, certes, et elle poussera quelques milliers d’Israélites français supplémentaires à préparer, avec encore plus d’actualité, leur migration vers un pays dans lequel les Juifs ne sont pas montrés du doigt du matin au soir.

 

C’est dur de vivre et d’élever ses enfants dans une atmosphère ou l’on est traité en paria, alors que l’on n’a jamais tué des enfants dans une école musulmane, assassiné les clients d’une épicerie halal, sulfaté un caricaturiste, exécuté des militaires ou des policiers français, ni même brûlé le drapeau tricolore.

 

Les observateurs qui ne comprennent pas ce sentiment insupportable d’injustice, ne comprendront décidemment jamais rien des sentiments humains.

 

Restons dans la question de la proportionnalité, car elle est ici essentielle, au point de modifier les données fondamentales de la réflexion. De la faire passer cul par-dessus tête. Il y a treize jours, des terroristes juifs israéliens ont tué le petit Ali, âgé d’un an et demi, de même que son père, décédé des suites de ses blessures, en boutant le feu à leur maison, dans le village de Douma, à 25 km au sud-est de Naplouse.

 

Il n’y aura pas de "mais" ni de "si" dans les colonnes de la Ména pour relativiser cette tragédie. Des terroristes edennistes existent en Israël et ce sont des criminels. Ils ont déjà brûlé vif le jeune Mohammed Abou Kh’deir, en juillet de l’an dernier, à Jérusalem, et ce ne sont pas les seuls cas d’assassinats d’Arabes paisibles par des extrémistes juifs.

 

Ayant dit cela, et condamnant ces actes de la plus absolue des façons, en demandant la punition maximale prévue par la loi pour leurs auteurs, assortie de l’incompressibilité des peines, il me faut également écrire – les media tricolores le faisant si mal – que les actes des terroristes juifs ayant entraîné des blessures ou la mort, ne représentent pas un demi pour cent des actes de même nature commis ces dix dernières années par des terroristes arabes. Ceux-ci comptent des attaques à l’arme blanche, des agressions à la pelle mécanique, à la voiture écrasante, la pose de bombes dans des restaurants, dans des véhicules de transport en commun, des abribus et des hôtels, des jets de cocktails Molotov sur des automobiles déplaçant des Israéliens, des tentatives de lapidation, des attaques à l’arme automatique contre des implantations, des meurtres d’autostoppeurs, des kidnappings suivis d’exécutions capitales et des attaques à l’arme à feu contre des fidèles en prière dans une synagogue.

 

Je pose une question simple : face à autant de violence, quelle population n’aurait pas réagi en produisant son propre terrorisme ? Dans quel pays, une frange plus ou moins importante de la société civile n’aurait pas sombré dans la violence extrême en réponse à la violence extrême ?

 

Il existe une réponse à cette interrogation et elle s’articule en pleine connaissance de l’histoire : il n’est jamais advenu qu’une population subissant une agression terroriste systémique et constante n’ait pas engendré ses propres terroristes. S’attendre à voir Israël faire exception à cet axiome ou se sur-émouvoir de l’émergence d’un terrorisme juif constitue également un traceur d’antisémitisme par décontextation de sa réflexion.

 

Encore qu’en Israël, le terrorisme juif soit pour l’instant réduit à une centaine d’individus organisés, soutenus par cinq à sept mille militants edennistes et deux cents à trois cent-mille sympathisants non violents, appartenant, pour la plupart, à une branche extrême du judaïsme halakhique. Sur une population de huit millions et demi d’Israéliens, on ne se situe pas dans l’anecdote, mais toute tentation de réduire l’Etat hébreu aux thèses de cette archi-minorité n’est pas sérieuse et refoule effectivement d’une tendance alarmante.      

 

Lorsque l’on met ces chiffres en perspective des quelques quarante pour cent de Français qui se revendiquent ouvertement antisémites, cela remet le principe de la proportionnalité à sa place.

 

Et sans prendre la défense de Binyamin Netanyahu pour la politique duquel je n’éprouve aucune sympathie, Israël est un Etat démocratique, qui n’a, sur ce point non plus, aucune leçon à recevoir de la France. Netanyahu a obtenu la majorité des suffrages lors des dernières élections et est parvenu à former une coalition gouvernementale. Une coalition reposant sur un seul siège d’avantage fragile sur l’opposition –, mais une coalition tout de même, qu’il convient d’accepter dans un système qui permet l’alternance.

 

 

A suivre…

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