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La Tunisie va-t-elle devenir terre de jihad?

 

La Tunisie va-t-elle devenir terre de jihad?

 

 

 

 

La Tunisie risque de devenir, avec la bienveillante indulgence du gouvernement islamiste ou son laxisme calculé, un vivier pour le mouvement jihadiste international. Il y a aujourd'hui assez d'éléments pour nourrir cette inquiétude.

Par Ridha Kéfi

Les informations sur la découverte, dans la nuit de mercredi à jeudi, près de la frontière tuniso-algérienne, d'un véhicule transportant des armes, des treillis militaires et des produits pouvant être utilisés dans la fabrication d'explosifs, sont assez graves et méritent que l'on s'y attarde.

Un imminent passage à l'action?

Car s'il est avéré que les individus arrêtés appartiennent à la mouvance salafiste jihadiste, cela voudrait dire simplement que cette mouvance est sur le point de passer à l'action et, pire encore, qu'elle dispose des moyens logistiques pour le faire, grâce au trafic d'armes avec la Libye voisine où les rames et munitions se vendent presque au bord de la route.

Il y a donc danger et, de la part des autorités sécuritaires et des citoyens, un devoir de vigilance. Et pour cause: moins de deux ans après la révolution du 14 janvier 2014, qui a ouvert la boîte de Pandore de tous les extrémismes, la Tunisie a été le théâtre d'au moins deux opérations impliquant des éléments terroristes : à Rouhia, près de Siliana (centre, le 18 mai 2011 (4 morts), et Bir Ali Ben Khalifa (sud), le 1er février 2012 (2 morts). Sans parler de l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre dernier, par des éléments jihadistes agitant le portrait de Ben Laden, l'arrestation d'un Tunisien en Turquie impliqué dans l'assassinat de l'ambassadeur des Etats-Unis à Benghazi, en Libye, le 12 septembre, ou encore les affrontements assez réguliers entre des groupes extrémistes religieux et les forces de l'ordre.

Tout cela n'augure rien de bon. D'autant que le président de la république provisoire, Moncef Marzouki, a parlé récemment, dans une interview à la revue britannique ''The World Today'', de trafic d'armes en Afrique du Nord, comme source d'insécurité dans le contexte de l'occupation du nord du Mali par des islamistes extrémistes armés.

«Des quantités d'armes ayant appartenu au régime libyen sous Kadhafi sont passées aux mains des islamistes non seulement en Libye, mais aussi en Algérie et en Tunisie», a averti M. Marzouki. Pour le président de la république provisoire, le danger vient en particulier de ceux qui «se rendent au Mali pour s'entraîner au jihad, comme en Afghanistan, pour retourner ensuite en Tunisie».

Pistolets, explosifs et treillis militaires

Mais, revenons à ce qui s'est passé le week-end dernier...

Des pistolets et des treillis militaires ont été saisis chez des membres d'un groupe salafiste, actuellement interrogés, après que des preuves de leur implication dans l'affaire de la voiture suspecte, dont deux occupants ont été arrêtées, dans la nuit de mercredi à jeudi, dans la délégation de Fernana, près de Jendouba (nord-ouest), près de la frontière algérienne, aient été établies.

Selon une source sécuritaire du district de la garde nationale du Kef, citée par l'agence officielle Tap, les investigations préliminaires ont dévoilé que les instigateurs de l'opération sont partis du gouvernorat du Kef, avant l'arrestation de deux d'entre eux dans le gouvernorat de Jendouba.

L'instruction est en cours, actuellement, pour découvrir les circonstances de cette affaire, a ajouté la même source, sans toutefois donner plus de détails.
Des sources sécuritaires bien informées du gouvernorat de Jendouba ont indiqué, samedi, à l'agence Tap que la brigade des frontières terrestres de la garde nationale de

Tabarka avait procédé, dans la nuit du mercredi à jeudi, à l'arrestation d'une voiture qui contenait des treillis militaires, des plans et des produits dangereux pouvant être utilisés pour des actes de sabotage, sur la ligne frontière de la délégation de Fernana.

Les mêmes sources avaient révélé que deux membres de la bande parmi les quatre passagers de la voiture avaient été arrêtés, alors que les deux autres ont pris la fuite. Elles ont ajouté que «l'enquête préliminaire a montré que la bande appartient au courant salafiste».

Le silence troublant du ministre de l'Intérieur

En attendant que la fin de l'instruction, on est en droit de se poser quelques questions. Ces groupes jihadistes, qui ne connaissent pas les frontières (et pour cause, ils cherchent à réinstaurer la califat), chercheraient-ils à commettre des actions militaires en Tunisie ou en Algérie? Les enquêteurs vont-ils pouvoir établir l'existence de réseaux organisés dans toute la région (Libye, Mali, Algérie, Tunisie), et qui auraient des ramifications dans d'autres pays de jihad (Syrie, Somalie, etc.) ou s'agit-il seulement d'un noyau en cours de constitution en Tunisie, suite à la rupture entre Ennahdha, le parti islamiste au pouvoir, et le mouvement salafiste, dont plusieurs dirigeants sont incarcérés ou recherchés par la police?

Le secret qu'observent les services du ministère de l'Intérieur à propos du danger jihadiste est compréhensible, mais face à l'inquiétude suscitée par les découvertes du week-end dernier dans l'opinion publique, un minimum de communication de la part du ministre de l'intérieur, étrangement muet, est requis, surtout en cette phase difficile que traverse le pays.

Quand on connait le nombre de jeunes tunisiens recrutés dans les mosquées du pays par des associations soi-disant religieuses ou caritatives et envoyés guerroyer en Libye et en Syrie – beaucoup son morts, d'autres emprisonnés en Turquie, en Syrie, en Irak et ailleurs –, on est en droit de savoir où s'arrête le prosélytisme religieux de type wahhabite (que le gouvernement semble laisser prospérer) et où commence l'appel au jihad.

Car il y a aujourd'hui une crainte réelle que la Tunisie devienne, avec la bienveillante indulgence du gouvernement islamiste ou son laxisme calculé, un vivier pour le mouvement jihadiste international.

Les problèmes politiques et économiques actuels de notre pays ne doivent pas occulter, à nos yeux, le danger que constitue la prolifération de l'extrémisme religieux sous toutes ses formes. Cet extrémisme, on le sait, se nourrit de la pauvreté, de la frustration et de l'instabilité: autant de conditions objectives observées aujourd'hui en Tunisie.

Il y a donc un vrai danger, et la vigilance doit être de mise.

Aussi le silence du gouvernement à ce sujet est-il incompréhensible et pourrait même devenir, à terme, dangereux.

 

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