La valise.
Bien loin des événements qui ont secoué Tunis en 1967, Gaston et sa famille voyaient de semaine en semaine se dissoudre la petite communauté juive de son bled ‘entenaillé’ par une grande mer et un petit lac puant ainsi dénommée la SEBKHE.
Tunis et sa banlieue ‘s’orphelinaient’ petit à petit d’une bonne partie de ses bons juifs. L’avenir leur donna raison des années plus tard.
Sauf Gaston qui se retrouvait ainsi seul dans sa petite ville côtière avec ses deux vieux parents.
Gaston, comptable dans une banque publique, n’avait pas à se plaindre.
Il vivait bien mais sans amis de son âge et surtout sans filles juives.
Il n’avait pas de demoiselles JUIVES de son âge pour en sélectionner une et planifier un projet d’avenir.
Il jette donc son dévolu sur une belle voisine arabe, de 8 ans sa cadette. Rachida. Une jolie jeune fille brune, aux yeux en tirés en amande. Elle avait 18 ans. . En fait, Rachida profitait de quelques bonnes occasions pour rendre visite à Madame Baranès. Et surprendre ainsi son fils à son insu.
Rachida aimait le voir dormir sauf qu’une après midi, alorsqu’elle pousse délicatement sa porte de sa chambre pour le surprendre, elle tombe sur sa nudité allongée.
Elle fut ébranlée par ce spectacle d’un jeune homme nu, endormi. Les jours suivants ne furent que fantasmes pour cette jeune qui tombe pour la première fois sur un membre nu au repos.
Gaston en fit sa petite amie, en cachette. Elle était folle de lui. Leur relation dura 3 ans.
Elle avait 21 ans et lui 28. Elle était musulmane et lui juif.
Arrive ce qui arrive, Rachida tombe en enceinte. Elle le lui fait savoir.
Gaston fait part à sa famille de quitter sa ville pour Paris. Ses parents approuvent. Ils diront aux voisins qu’ils partent en vacances.
Une semaine plus tard, ils sont à Paris. Définitivement.
Bien loin de Rachida et des grands ennuis qu’il aurait eu à assumer dans un pays où ce genre de pratique est puni par la conversion à la religion musulmane et que seul le mariage le sauve de la prison ou la bastonnade au quotidien par les membres de la famille.
La fuite était la meilleure solution.
Ils sont logés chez le frère Manou, célibataire du coté de Belleville.
Un mois plus tard, Gaston trouve une occupation. Il travaille au noir.
Le temps passe et au bout de six mois enfin, il obtint ses papiers. Il trouve son job dans une société d’emballages.
Depuis le premier jour de son départ et son installation à Paris, pas un jour sans que Gaston ne feuillette sa vieille valise pleines de photos du temps où il était un jeune homme heureux.
Des portraits d’amis, de cousins, cousines, des parcs, la mer la plage, les cafés etc…Tous plongés dans un désordre indescriptible. Il n’a pas trouvé le temps de tout mettre en ordre donc, il tire au hasard, un paquet de photos en noir et blanc.
Et là, il dissèque une à une celle qui fut un moment de bonheur, autrefois.
Il s’imagine entendre l’écho de la mer, le souffle du vent, les cris des marchands ambulants brefs, tout lui revient en mémoire.
La nostalgie est devenue sa compagne. Ses souvenirs sont devenus Maitres de ses pensées.
Chaque photo le met en émoi et lorsqu’il tombe sur les photos de RACHIDA il fond en larmes. Du coup, il se sent coupable, lâche, traitre félon d’avoir fuit. Du coup, il oublie toutes les autres photos pour s’attarder sur son ancienne meuf assise en bikini sur la plage, du coté de Raoued, bien loin des regards indiscrets des amis de leur bled.
Il tarde son regard sur tous ses profils, et porte à ses lèvres sondoux visage. Il aurait tant voulu savoir….Il aurait tant voulu lui écrire, lui téléphoner, mais il ne le peut. Il endossera toute sa vie son rôle de lâche et de fuyard. Même le jour, où il prendra Annie comme épouse, sa conscience viendra lui rappeler celle dont il n’a plu prononcé son prénom.
Ainsi chaque soir, après son travail, la valise des souvenirs est ouverte. Ils remontent à la surface à tel point qu’il en oublie de diner.
Ses parents lui font remarquer qu’il devrait fermer à tout jamais cette chose et ouvrir une autre valise vide, celle de son avenir qu’il pourra remplir avec beaucoup de joie.
Gaston ne l’entend pas ainsi, il veut encore vivre dans les nuages, le ciel bleu, la mer la plage et dans les bras de Rachida, virtuellement.
Il ne compte pas tourner la page de cet ére de bien.
La valise est même montée de grade. Elle est sur ses genoux chaque soir alors qu’il est allongé.
Un soir, ses parents ont du la faire descendre de ses genoux. Il s’était endormi avec la photo de RACHIDIA serrée entre ses mains posées sur sa poitrine. Sa maman s’en aperçoit mais feint de ne pas avoir vu ce qu’elle avait déjà deviné, là bas au pays.
Beaucoup d’entre nous ont emporté dans leurs valises, leurs albums, photos images rires et pleurs des derniers instants.
Beaucoup aussi n’ont pas pleurés. Ils n’ont pas eu le temps mais avec la peur au ventre devant les DOUANIERS BOURGUIBISTES DE CETTE EPOQUE, ils ont pu, une fois montés, dans l’avion ou sur le paquebot, remercier Achem de les avoir enfin libérés de ce pays devenu sans avenir pour eux.
Ils ont eu bien raison de quitter le pays .
Cette valise est devenue une addiction, ses gestes deviennent automatiques. Serait-t-il drogué au contenu de cette valise pour lui accorder bcp de temps et d’importance… ? Serait t’elle devenue sa maitresse, celle qui lui ouvre chaque soir, son paradis… ?? Celle par qui l’impossible est devenu possible, voyager dans le temps… ?
La valise est devenue son obsession, l’ouvrir c’est redonner vie à ses obsessions, à ce retour en arrière, à cette jouvence qui le ramène là bas dans vrai vivier.
Puis un jour, réalisant tout le mal que peut lui causer sa nostalgie à travers cette masse de souvenirs en petits et grands formats, il décide de s’en débarrasser. Il veut la noyer. Il veut noyer ses souvenirs à tout jamais. Au fond de la Seine. La nuit.
Puis, il se ravise, il veut lui donner un meilleur sort, la laisser sur le trottoir au passage d’une benne à ordure…Il hésite encore. Et si, il brulait cette valise… ? Là, il se ressaisit, il ne peut bruler le visage de son premier amour. Et puis, ces portraits, ceux de ses parents etc…
Par noyade… ? Par abandonnant sur un trottoir…La destruction par le feu…. ? Trois fois non.
Par pendaison, non aucune valise au monde n’a jamais été pendue. Ni asphyxiée…. Etranglée…. Poignardée…. Etouffée…. Par injection létale… !
Electrocutée… Il a tout envisagé comme destruction mais hélas il ne trouve pas la bonne solution pour s’en défaire.
Il veut demander conseil à son papa à sa maman. Puis, il se dit pourquoi les déranger avec cette valise, lui donner de l’importance… !
Enfin il se décide…Il fera semblant de l’oublier à la GARE DU NORD. Il a son plan.
Le lendemain matin, vers les 7 heures il se lève, va se raser, se parfume, se vêt de son plus beau costume, et de sa belle chaussure pour remplir sa mission. Sa valise de souvenirs est là couchée depuis la veille sur le palier. Elle a l’air bien triste et Gaston l’est encore plus.
Il est presque aux bords des larmes lorsque son papa …
‘…Tu vas où comme cela mon fils… ?’
‘…Je vais à la cave, descendre la valise… !’
‘…Habille comme cela… ?’
‘…Puis je dois aller travailler… !’
‘…Mais c’est dimanche… !’
‘…Oui, je sais, je dois rattraper du retard au bureau… !’
Gaston descend dans le métro, direction GARE DU NORD.
Sa valise est entre ses jambes. Il a 8 stations à faire.
Au bout de quelques minutes, il descend à la station. Sa valise est mise sur un caddie sans toile.
Il avance à travers les couloirs. Il monte descends des escaliers enfin, il rentre dans la grande salle où sont positionnés les trains au départ.
Il est blême. Il sent son cœur battre. Il transpire. Il trébuche sur son caddie. Il n’entend plus rien. Il est prit dans la cohue, emporté même presque transporté sur le marche pied du TGV en partance pour Marseille.
Il oublie qu’il n’est là que pour abandonner sa valise de souvenirs et ne pas prendre un train au départ. Enfin, il sort de sa torpeur. Il réalise qu’il allait commettre une bourde. Il s’en retourne sur ses pas.
Il est assis sur un petit bloc de ciment, et sa valise semble le dominer. Il respire un bon coup et là reprenant de son ardeur, il se détache de sa valise et s’en se retourner quitte la chose.
Il semble serein, il ne ressent rien du moins pour le moment. Il continue son chemin sans se retourner. Cela fait deux minutes qu’il a quitté sa valise. Cinq minutes plus tard, il est dans le métro et enfin chez Lui. Il se sent enfin soulage. Il n’a plus de souvenirs, ni en photos ni en rien. Sauf les portraits de ses parents et les siens.
Soit une dizaine en tout et bien sélectionnée.
Le lendemain, il apprend qu’un colis suspect abandonné à la GARE DU NORD a été détruit par les artificiers de la Gendarmerie.
Il ressent une vive douleur au ventre comme si l’explosif l’avait atteint de plein fouet.
‘…Ils ont tué une partie de ma vie … !’ Se dit’il presque en larmoyant.
Trois jours plus tard, un agent de la poste sonne à sa porte.
Celui çi lui demande s’il est bien ce qu’il est, et il présente sa CIN.
Il signe le billet du recommandé non sans avoir paye les frais du colis.
Le facteur s’absente quelques minutes et remonte les escaliers avec sa valise abandonnée.
Il avait oublié d’effacer son nom et son adresse sur la valise.
Moralité, combien il est dur de se débarrasser de SA NOSTALGIE ET DE SES
SOUVENIRS.
Commentaires
mais vous savez, abandonnée, détruite ou autre chose elle reste dans la tête cette valise ! la conscience vous taraude
pour lui ce fut un acte manqué ! son désir était de tout garder intact et ce remord utile même si rongé par lui pour sa survie !
O U I
elle reste avec nous jusqu'à notre dernier souffle .
C est lache de sa part , abondonné cette jeune fille enceinte qui lui a donné ces 18 ans . Dieu seul sait ce quelle ai devenu , avec son Amour au fond de son coeur .
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