Le Chabbat chez mes parents, par Emile M Tubiana
Je suis croyant a ma façon pas religieux fanatique. J'ai une foi inebranlable en moi et dans mon fort interieur. Je ne veux pas prêcher ma religion juive aux autres. Que chacun fasse sa vie a sa façon. L'essentiel qu'il soit heureux en lui meme. La joie et l'amour vont de paire.
Ce que j'essaye de décrire ici c'est surtout l'atmosphère qui entourait le Chabbat, c'est le mode de vie que nos ancêtres ont su créer et nous envelopper avec. Pour donner un exemple, le jeudi les femmes rendaient visite aux tombes des membres de la famille ou des amis. Elles nettoyaient les tombes et certaines y posaient des gerbes de fleurs. Certaines femmes, même parmi les riches, se faisaient volontaires pour nettoyer la synagogue et allumer les kandils pour ceux qui avaient quitté la communauté pour le monde de la lumière. Personne n'avait jamais profané notre cimetière ou notre synagogue. Il y avait le respect réciproque entre toutes les communautés.
Les filles après leur école aidaient la maman à nettoyer la maison et à couper les légumes ou à préparer autres choses pour le Chabbat. Les garçons après l'école allaient au cotab qui se trouvait dans l'enceinte de la synagogue, pour reviser les chansons du vendredi soir et du Chabbat. Certains revisaient "Echet Hayel Miyemtza Verahok", ou "Yegdal Elohim Hai", d'autres revisaient la paracha du Chabbat ou la Haftara etc. Toujours le jeudi ma maman, et je suis certain que toutes les femmes juives faisaient de même, allumait les kandils pour Rebbi Meïr ou Rebbi Chimon Bar Yohai, ou pour d'autres saints ou même pour les membres de la famille décédés dans la même année. Le vendredi, les femmes étaient occupées du matin jusqu'au soir à préparer les repas du vendredi soir et du Chabbat. Le vendredi soir c'était le couscous à la viande, les legumes, les boulettes et la Osbana puis certains plats habituels pour la journée du Chabbat que l'on mangeait froids, comme du poisson ou du poulet roti, du ma'qoud, de la maghmouma et de la slata mechouya, des tas de salades et sans oublier le pain et les gâteaux. Les filles aidaient la maman à préparer la maison, à faire la brakha avec des raisins secs, et à mettre la table. Papa rentrait du travail ayant avec lui les fruits et le rihan pour la priere.
Le rihan c'étaient des branches odorantes que les Musulmans préparaient tous les vendredis pour les Juifs, afin qu'ils puissent faire la prière sur ce qui sent bon.
Nous les garçons après l'école on se lavait et on mettait les habits du Chabbat et certains allaient à la synagogue, d'autres faisaient les prières chez eux à la maison. Moi j'allais avec papa à la synagogue. Après la synagogue on rentrait à la maison tout joyeux et gais. Lorsque nous arrivions à la maison les kandils étaient allumés, la table était mise, avec les deux pains faits par maman, couverts d'une serviette blanche et mis au milieu de la table, à côté du verre rempli de la brakha, du rihan, et du bouquet de jasmin pour la prière. L'atmosphère était sereine et solennelle. Ce qui m'impressionait le plus et qui est resté ancré dans mon coeur, c'est l'atmosphère festive que la préparation du Chabbat créait. Je sentais la Chkhina qui enveloppait la maison. Aujourd'hui je félicite nos mères et nos pères, que Dieu les bénisse, ils avaient ainsi su créer le respect et l'amour par tout ce qu'ils faisaient, sans êtres des diplômés des grandes écoles. Ils savaient créer cette belle atmosphère avec leur simplicité et leur sens naturel de tout ce qui est sacré.
Il est à noter que ce genre de vie n'est pas créé seulement par les Juifs tunisiens mais par tous les Juifs qui savent créer cette atmosphère festive, sereine et solennelle, qu'ils soient sépharades ou ashkenazes, qu'ils soient religieux ou non religieux. L'essentiel c'est d'avoir la noblesse du cœur et les sentiments d'un être humain.
Emile Tubiana
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