Le Christ de Rembrandt, c'était... un jeune voisin juif d'Amsterdam
Un long nez, des traits fins, une belle barbe en triangle, un front large et spirituel :
c'est Jésus quand Rembrandt le dessine en 1629 pour Les Pèlerins d'Emmaüs. Ainsi s'inscrit-il dans une tradition marquée par l'art de l'icône : le Sauveur est un être qui se distingue de la foule des humains.
Un an plus tard, c'est Le Christ sur la Croix, et l'on assiste à une évolution radicale : le peintre semble utiliser son propre visage.
Et surtout, le corps n'est plus glorieux, c'est celui d'un pauvre homme cloué sur le bois. Pas d'impassibilité, une douleur saisie dans sa convulsion. Et la liberté de peindre.
Contre la tradition et l'idolâtrie
Dans les années qui suivent, Rembrandt poursuit son idée dans des esquisses à l'huile sur panneaux de chêne. Un jeune homme vêtu d'une tunique blanche et d'un manteau brun adopte différentes attitudes. Une raie sépare en deux son ample chevelure et il porte une courte barbe.
Ce jeune homme censé représenter le Christ, les historiens d'art savent aujourd'hui qu'il s'agissait d'un voisin juif du maître d'Amsterdam. Front bas, cheveux noirs, teint sombre : on s'écarte sensiblement des modèles ancestraux.
Un Christ plus humain s'oppose à la tradition et à l'idolâtrie. C'est un Christ réaliste, mais auquel Rembrandt sait donner une merveilleuse touche de mystère, un sens graphique, une histoire émotionnelle.
Comme l'a écrit Visser t'Hooft, « il ne hausse pas la voix, mais il nous pose une question, une question impérieuse. »En réunissant pour la première fois au monde dessins, peintures et eaux-fortes consacrées à la figure christique, le musée du Louvre ouvre de belles perspectives. D'abord le plaisir de découvrir, chef-d'oeuvre après chef-d'oeuvre, toutes les techniques employées par l'artiste, des traits incisifs dans le cuivre aux touches légères et magistrales sur toile.
Ensuite le bonheur de mieux comprendre comment, dans l'âge d'or des Pays-Bas, un artiste révolutionne à lui tout seul une façon de voir. Ou plutôt, une façon de ressentir et de méditer.
« Une oeuvre est achevée quand l'intention du maître est atteinte », disait Rembrandt.
Les Pèlerins d'Emmaüs (1648), Repas à Emmaüs (1629), Le Christ apparaissant à Marie Madeleine sous la forme d'u n jardinier (1638), La Pièce aux cent florins (1649) : l'intention est pure, l'intention est profondément humaine.
Si humaine qu'elle peut faire vraiment croire au Dieu... fait homme... ou peintre ! •
BRUNO VOUTERS
Rembrandt et la figure du Christ, musée du Louvre, hall Napoléon, jusqu'au 18 juillet. Tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h, les mercredi et vendredi jusque 22 h. 11 E. Accès libre pour les moins de 18 ans et les chômeurs. À voir aussi : Claude le Lorrain, le dessinateur devant la nature.
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