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Le marché aux chevaux nucléaire s’est ouvert à Vienne

Le marché aux chevaux nucléaire s’est ouvert à Vienne [011505/14] [Analyse]

Par Jean Tsadik

 

Les six plus grandes puissances mondiales et l’Iran se sont retrouvés hier à Vienne afin de tenter de trouver un accord permanent au sujet des activités nucléaires de Téhéran. Les délégations sont respectivement dirigées par la Baronne Catherine Ashton, la cheffe du département de politique étrangère de l’Union Européenne, pour les 5+1, et par le ministre des Affaires Etrangères Mohammad Javad Zarif, pour la "République" Islamique.

 

Avant de nous occuper de ces discussions, prévues pour durer jusqu’au 20 juillet, il convient de nous livrer à un bref constat à propos de l’accord intérimaire finalement intervenu en janvier. Une entente temporaire qui ne contente personne, puisque, d’une part, l’Iran n’a pas démantelé le moindre équipement participant à son programme, et de l’autre, il n’a pas obtenu de levée significative des sanctions qui l’entravent, et, par conséquent, n’est toujours pas en mesure de faire redémarrer son économie.

 

Reste que l’application des points d’entente de janvier, supervisée par l’AIEA, demeure globalement satisfaisante, l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique délivrant des rapports assez réguliers à ce sujet. Je rappelle à nos lecteurs que la levée graduelle et limitée des sanctions, comme provisionnée par le 1er accord, dépend directement du degré de satisfaction de cette agence établie dans la capitale autrichienne.

 

J’informe également que les experts de la Ména s’emploient à leur tour à disséquer ces rapports techniques et que nous serons en mesure d’émettre un commentaire autorisé à brève échéance.

 

Il apparaît déjà que les centrifugeuses tournent "au ralenti", comme prescrit, que les séquences en cascades ont été désactivées, qu’aucun avancement notable n’a été remarqué dans le réacteur à eau lourde d’Arak, et que Téhéran termine actuellement la transformation de son stock d’uranium enrichi à 20 pour cent dans des formes inutilisables aux fins de confectionner une bombe atomique.

 

La situation d’Israël et de l’Occident est donc actuellement préférable à ce qu’elle était avant la signature de l’accord intermédiaire, et ceux qui en doutent ignorent la réalité. La menace s’est atténuée en cela que le temps nécessaire à la théocratie chiite pour fabriquer une arme si elle prenait la décision de le faire– le breakout time -, est sensiblement plus long qu’à l’automne dernier.

 

En décembre, ce temps se comptait en semaines, désormais, et c’est là mon avis, il s’établit entre un et deux ans.

 

C’est pas mal, mais c’est tout ; en cela que la machine à enrichir de l’uranium, les officines secrètes chargées de produire les dispositifs destinés à une bombe, et les usines de missiles, occupées à produire les véhicules devant la transporter n’ont pas été démantelés dans le cadre de l’accord préliminaire. Ceci signifie qu’à tout moment Téhéran pourrait décider de relancer son programme militaire nucléaire à plein régime.

 

Or c’est précisément cela qui est inacceptable aux yeux d’Israël et des grandes puissances. Contre la levée des sanctions économiques et la réintégration de l’Iran dans le système commercial et bancaire international, il faut désormais que les Perses se séparent d’une partie au moins de leur matériel de production.

 

Pour les Américains, par exemple, il est exclu de conclure les pourparlers en cours tandis qu’ils conservent plus de quelques milliers de centrifugeuses – deux ou trois milliers – alors que la position de départ de Zarif, qui semble toujours faire beaucoup rire madame Ashton, réclame la possibilité de conserver les quelques vingt-mille machines de ce type actuellement en leur possession et même d’en assembler de nouvelles.

 

Les 5+1 entendent aussi que soit désaffecté le site souterrain de Fodo (Fordow) qui abrite 2 800 centrifugeuses du type le plus récent aux mains des Iraniens. L’un des diplomates participant aux discussions de Vienne m’a confié à ce propos : "s’ils ne veulent pas fabriquer de bombes, si nous nous mettons d’accord sur le nombre de centrifugeuses qui pourraient continuer à fonctionner et du degré d’enrichissement qu’elles seraient autorisées à atteindre, quelle raison y aurait-il de poursuivre leur exploitation dans le ventre de la Terre, à l’abri d’éventuelles frappes aériennes ? Cela ne tient pas debout", insiste le négociateur.

 

En plus de ces questions, il faudra impérativement s’entendre sur la nature des inspections internationales qui seront imposées à la dictature chiite, sur le devenir des quantités d’uranium déjà enrichi en possession de Téhéran, et sur l’avenir d’Arak, le réacteur à eau lourde capable de produire du plutonium, un composant alternatif pour construire La bombe.

 

A Jérusalem, Washington et Bruxelles, on voudrait voir Arak transformé en réacteur à eau légère, ce qui n’empêche pas de produire de l’énergie mais ne permet pas de fabriquer des armes.

 

Ces prochains mois, on abordera également la production des missiles balistiques iraniens à longue portée, spécifiquement conçus afin d’emporter des bombes atomiques. A cet égard, la négociation risque d’être ardue, le Guide suprême Ali Khamenei, venant, il y a quelques jours, à l’occasion de l’inauguration d’un salon de l’automobile, d’affirmer que tout ce qui concerne ces fusées n’était pas négociable, et encourageant au contraire les Gardiens de la Révolution à accélérer le rythme de leur production.

 

L’avenir des discussions est très difficile à prévoir. Il dépend grandement de l’authenticité du désir de la junte cléricale de réintégrer l’économie mondiale. A ce propos, il sera également nécessaire de s’entendre – en cas d’accord – sur un nouveau calendrier graduel de levée symétrique des sanctions restantes en corrélation avec la réalisation par les chiites de ce qui aura été conclu sur les rives du Danube. Et même cette question essentiellement technique, aux apparences anodines, ne serait pas facile à réglementer.

 

"On n’a pas d’agenda pour ces discussions", révèle un autre diplomate, "mais cela ne diffère pas des réunions précédentes". Un autre surenchérit : "si un accord est trouvé, ce sera durant la 11ème heure. La bataille de chiffres arrivera à la fin, cela débouchera sur un gigantesque marchandage".

 

On pourrait si nécessaire accepter le maintien de plus de centrifugeuses, à la condition que le degré de purification du minerai soit réduit ; il existe ainsi une marge de manœuvre dans cette foire aux chevaux nucléaire ; même si ce genre d’arrangement ne plaira pas aux analystes israéliens, ils vont devoir s’y faire. Ce, d’autant plus qu’une intervention militaire des Hébreux contre l’infrastructure nucléaire persane n’est plus – momentanément à tout le moins – à l’ordre du jour, les Israéliens n’engageant de risque sécuritaire qu’en cas de menaces imminentes et inévitables.

 

Une autre chose à laquelle il faut se faire à l’idée, même si elle est désagréable, est que l’Iran islamique possède la technologie nécessaire à la fabrication d’une bombe atomique, ainsi que les outils essentiels à cet effet et la capacité de réaliser ceux qui lui manquent. Personne ne pouvant retirer ce qu’il sait à ce pays, on est contraint à gérer un danger latent qui ne nous quittera plus et dont les négociateurs des 5+1 sont parfaitement conscients.

 

Dans ces conditions, l’entièreté de leur effort ne peut se concentrer que sur l’allongement dubreakout time, pour le rendre suffisamment long et coûteux afin de dissuader les ayatollahs de casser les engagements qu’ils pourraient prendre. De le rendre suffisamment durable et visible afin de permettre aux nations qui en éprouveraient le besoin, de remettre à l’ordre du jour les options militaires.

 

Durant les dernières semaines, les experts des deux camps ont initié la rédaction des parties d’un accord qui ne leur posent pas problème ; ils ont aussi envisagé des solutions à explorer pour les points d’achoppement connus. "Ce qui ne signifie certainement pas qu’un accord est imminent", a tempéré hier un officiel yankee. "Nous ne savons pas si l’Iran sera capable de prendre les décisions difficiles indispensables pour convaincre le monde (sur le fait) qu’il n’obtiendra pas d’armes atomiques et que son programme est totalement destiné à des applications paisibles".

 

Nous aussi nous l’ignorons, mais tous, nous n’allons pas tarder à le savoir.   

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