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Le Musée du Bardo à l'heure du réveil islamiste

Le Musée du Bardo à l'heure du réveil islamiste

     

 

 

 

Le musée tunisien de mosaïques a doublé sa surface. Il faut maintenant que les touristes reviennent dans un pays en plein chamboulement.

L'entrée de l'ancien palais du XVIe siècle a été condamnée. Aujourd'hui, les touristes entrent dans le Bardo, à Tunis, par une plaza aux allures d'établissement californien. Un immense hall blanc et des salles modernes viennent d'être construits, doublant la surface de l'ancien musée.

En prologue, le Triomphe de Neptune, une mosaïque romaine posée à la verticale et plongeant sur deux étages. Il ouvre sur le seul musée du Sud méditerranéen qui accepte de mettre à l'honneur, dans un même lieu, cultures arabe, islamique, chrétienne, romaine, hellénistique, punique et même juive. Les collections sont le fruit de fouilles archéologiques faites en Tunisie, à partir du XIXe siècle, et reflètent l'histoire mouvementée de la région. Les fresques chantant les prouesses de Dionysos voisinent donc avec un manuscrit du Coran bleu trouvé à Kairouan, une stèle représentant des divinités puniques ou une mosaïque tombale représentant une église, venant de Tabarka.

«Le Bardo est un musée universel, ouvert à toutes les civilisations qui ont fait notre pays», explique Soumaya Gharsallah-Hizem, sa directrice, petite femme énergique qui mène la barque avec calme. Les travaux du Bardo ont été lancés en 2009, afin de contribuer à la diversification du tourisme. Pendant des décennies, l'Europe entière a débarqué sur les plages d'Hammamet, oubliant souvent d'organiser un détour par les sites de Carthage, de Sousse ou au Bardo.

Trois fois moins de visiteurs

Mais à peine l'extension du musée entamée, la révolution s'est profilée, laissant tout en plan. En 2011, on parlait d'avantage de vols de biens archéologiques (officiellement rien n'a disparu du musée) que de stratégie patrimoniale. Pour le coup, les touristes ont déserté le pays. Et il faudra attendre 2012 pour que les choses redémarrent au Bardo, dans un climat incertain, avec trois fois moins de visiteurs (600.000 à 200.000). Aucune inauguration officielle n'a été organisée jusque-là.

Le message d'universalité a été réaffirmé, la semaine dernière, par le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk. Mais il pourrait, un jour, être nié par les plus extrémistes. Par ailleurs, l'argent manque pour le fonctionnement du musée. Et la directrice, qui vient d'avoir Internet dans son bureau, doit composer avec une double tutelle administrative.

Vendredi, à l'occasion de sa visite officielle en TunisieFrançois Hollande a fait un tour au Bardo, s'attardant dans la salle de Carthage, dont les statues ont été restaurées grâce au Louvre. Dans le livre d'or, le président de la République a encouragé les Français «à venir admirer ces merveilles». Il aurait pu aller plus loin, et exalter, à l'heure du regain islamiste, le passé commun de la France et la Tunisie: n'est-ce pas cela qui frappe lorsqu'on passe devant ce baptistère en forme de croix, découvert à Demna ou lorsque l'on regarde le portrait de Virgile écrivant l'Énéide, mosaïque découverte dans une maison de Sousse?


Un chantier-école organisé avec le Louvre

Au cœur du musée, dans la partie de l'ancien palais autrefois réservée aux femmes, une dizaine de statues viennent d'être nettoyées et remises d'aplomb sur des socles de marbre gris. Le Bardo doit cette restauration au Louvre, et plus précisément à Jean-Luc Martinez, le président du Louvre. En 2009, lorsqu'il était directeur du département des antiquités grecques, étrusques et romaines, il avait convaincu sa maison de se lancer dans une coopération avec le Bardo. «Je connaissais bien le musée tunisien, et j'avais dans l'idée que nous pourrions, à terme, organiser des expositions croisées, puisque le Louvre possède aussi des collections de Carthage», explique-t-il. Depuis 2010, une experte en statuaire du Louvre, Danièle Braustein, encadre la formation des six jeunes diplômés tunisiens au métier de restaurateur. Dans la foulée, jeudi dernier, un accord a été signé entre l'Institut national du patrimoine (INP) tunisien et l'INP français afin de former de jeunes conservateurs tunisiens.

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