Les femmes espèrent avoir leur part du printemps arabe
Un tambour résonne lors d'une fête de préparatifs nuptiaux dans le centre de Tripoli. Des femmes chantent et s'apprêtent à peindre au henné les pieds et les mains de la future épouse.
Frappant dans ses mains en attendant que la mariée apparaisse, Sarah Burruin, 23 ans, n'a qu'un souhait pour les femmes de la Libye de l'après-Kadhafi.
"Je veux l'égalité pour les femmes. Tout ce que font les hommes, je veux que les femmes aient aussi le droit de le faire. Notre heure est venue", souhaite l'étudiante en ingénierie.
En Libye comme en Egypte et en Tunisie, les femmes se demandent quelles seront pour elles les conséquences du printemps arabe.
Depuis que les anciens dirigeants ont été chassés, nombreux sont ceux -particulièrement en Occident- qui redoutent que ce vide de pouvoir ne favorise l'arrivée de groupes islamistes dont les objectifs seraient contraires aux droits des femmes.
En Tunisie, où le printemps arabe est né dans le mouvement ayant abouti à la chute du président Zine Ben Ali, les femmes laïques se sont mobilisées pour défendre leur mode de vie à l'occidentale après la victoire des islamistes d'Ennahda aux législatives.
Elles demandent notamment aux formations politiques de garantir la loi de 1956 garantissant l'égalité hommes-femmes.
"Jamais je n'ai été aussi inquiète qu'aujourd'hui pour la liberté des femmes", reconnaît Saïda Garrache, avocate et militante de l'Association tunisienne des femmes démocrates.
"La menace est partout. Sur ce que portent les femmes, sur ce qu'elles pensent. Si vous n'êtes pas avec eux (les islamistes), ils vous insultent, vous harcèlent. Je me suis déjà fait injurier dans la rue à cause de choses que j'ai dites à la télévision."
Ennahda a promis de ne pas imposer de règles islamiques strictes et de respecter les droits des femmes, mais de nombreuses femmes laïques n'y croient pas.
"Pour l'instant, Ennahda ne peut pas faire de menaces parce que tout le monde se retournerait contre eux. Mais ils pourraient faire quelque chose plus tard. Notre mode de vie pourrait bien être menacé", estime Houda Ben Zid, qui travaille dans l'assurance et porte le hidjab.
"ÉNORME DÉFI"
En Egypte où se déroulent des élections législatives, les Frères musulmans et les ultras-conservateurs salafistes du parti Al Nour revendiquent la majorité des sièges après les deux premièdu scrutin.
Les deux partis réclament une société plus islamique et une vie publique moralisée mais assurent qu'ils ne comptent pas imposer de règles strictes ni forcer les femmes à porter le voile.
Mais de l'avis des activistes, les femmes égyptiennes subissent déjà l'un des sorts les moins enviables au monde, tant sont répandues les violences conjugales, le harcèlement et la discrimination au travail comme vis-à-vis de la loi.
Hors des grandes villes, les mariages forcés de jeunes filles restent fréquents.
S'il ne fait guère de doute que les islamistes joueront un rôle de premier plan dans les trois Etats d'Afrique du Nord agités par le printemps arabe, les situations sont toutefois à nuancer au cas par cas.
Les observateurs soulignent ainsi que la société libyenne est plus conservatrice que celles d'Egypte et de Tunisie.
"Les femmes égyptiennes sont fortes. Ici, ce n'est pas la Libye. Si les islamistes demandent des lois plus strictes pour les femmes, la société égyptienne ne l'acceptera pas", estime Samah Ahmed, employé des postes égyptiennes.
"Nous n'accepterons rien de tel, et nous irions dans la rue pour le faire savoir", prévient-il.
"EVEILLER LES CONSCIENCES"
En Libye, alors que le pays entame une longue reconstruction après huit mois de guerre, les femmes édifient leur projet de société.
De nombreuses organisations féminines sont apparues depuis la chute de Mouammar Kadhafi, avec des salles de réunion, des conférences de sensibilisation et des ateliers sur les questions sociales, politiques et économiques.
"Pour le moment, nous demandons seulement que les femmes soit suffisamment représentées aux élections. C'est déjà un énorme défi", souligne Amira Alchokri, confondatrice de l'ONG Phoenix, basée à Tripoli.
L'association, dit-elle, a récemment envoyé des milliers d'invitations à une conférence gratuite sur le thème "Connaissez vos droits", mais seule une cinquantaine de femmes se sont présentées.
"En cette période délicate, on pourrait penser que ce sujet aurait poussé les femmes à venir. Les femmes sont devenues trop paresseuses pour agir, parce qu'elles pensent que leurs voix ne seront pas entendues, ne feront aucune différence. Eveiller les consciences, c'est à cela que nous travaillons en ce moment."
De l'avis d'Inès Miloud, étudiante de 21 ans, le changement a déjà commencé. Dans la petite ville d'Yfrane où elle habite, dans les montagnes de l'Ouest libyen, les femmes sortent davantage qu'avant la révolution, lorsqu'elles restaient confinées aux tâches domestiques à la maison.
"Avant, je me levais, j'allais à l'université et je rentrais à la maison. Aujourd'hui, je suis dehors toute la journée. Ma mère me dit que je suis comme un garçon."
La jeune femme a fondé une association de promotion des droits des femmes dans sa région.
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