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Les leçons de la Tunisie pour Washington, Caroline B. Glick

 

Les leçons de la Tunisie pour Washington, Caroline B. Glick

 

Original anglais : "Tunisia’s lessons for Washington", 19 janvier 2011

Adaptation française par Sentinelle 5771 reprise du Blog ResilienceTV, après révision et corrections par M. Macina.

Le régime du président tunisien n’a pas été la seule chose à avoir été détruite. Les deux fondements principaux de "l’expertise" occidentale au Moyen-Orient ont aussi  été défaits.

 

Si, à l’apogée des protestations antigouvernementales en Tunisie, la semaine dernière, Israël et les Palestiniens avaient signé un accord final de paix, les protestataires auraient-ils roulé leurs bannières pour rentrer à la maison ?

Bien sûr que non.

Alors, que nous dit la nature de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient, quand, alors que les protestations contre le régime en Tunisie étaient à leur apogée, la Maison Blanche était absorbée par la question de savoir comment mettre en route le mordant processus de paix entre les Palestiniens et Israël ?

Selon la revue Politico, alors que la première révolution populaire de l’histoire arabe moderne était en plein élan, la semaine dernière, la Maison Blanche organisait deux « groupes de travail », chargés de donner de « nouvelles idées » pour que les Palestiniens acceptent de conférer avec des négociateurs israéliens. Le premier groupe de travail est formé des anciens conseillers à la sécurité nationale de Clinton et de Bush, Sandy Berger et Stephen Hadley.

Le second est dirigé par l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël sous l’administration Clinton, Martin Indyk.

Et alors que ces experts se mettaient au travail, le président des Etats-Unis, Barak Obama, envoyait en Israël son conseiller et ancien négociateur de paix au Moyen-Orient sous les gouvernements Bush père, Clinton et Bush fils, Dennis Ross, pour rencontrer des dirigeants israéliens et palestiniens et leur demander de proposer de « nouvelles idées ». Etonnamment, aucun de ces groupes de travail ou entretiens n’a rien trouvé de neuf.  

Toujours selon Politico, ces groupes de travail et ces consultations ont donné lieu à trois décisions possibles pour la Maison Blanche de Obama. Premièrement, elle peut accroître la pression sur Israël en annonçant le soutien des Etats-Unis à un « plan de paix » qui exigerait d’Israël qu’il cède sa capitale et ses frontières défendables.

Ensuite, les Etats-Unis peuvent pressurer Israël en cherchant à déstabiliser le gouvernement du Premier ministre, Benyamin Netanyahou.

Et troisièmement, les Etats-Unis peuvent pressurer Israël en injectant encore plus d’argent dans les caisses du gouvernement palestinien non élu et faire naître ainsi l’espoir de voir les Etats-Unis soutenir le plan du gouvernement palestinien non élu, de proclamer l’indépendance sans accepter de vivre en paix avec Israël.

Voilà pour les idées nouvelles.

 
Puis il y a le drame qui se déroule au Liban. Il est difficile d’imaginer une plus grande claque en plein visage, que celle que le Hezbollah et la Syrie ont administrée à Obama mercredi dernier. Le Hezbollah a fait tomber le gouvernement du Premier ministre libanais, Saad Hariri, avec le soutien ouvert et actif de la Syrie, tandis qu’Obama recevait Hariri dans le  Bureau Ovale.  

Et comment Obama a-t-il répondu à cette claque en pleine figure ? En envoyant l’ambassadeur Robert Ford à Damas pour occuper son nouveau poste comme premier ambassadeur des Etats-Unis en Syrie depuis la collusion de celle-ci avec le Hezbollah dans l’assassinat du père de Hariri, l’ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, il y a six ans.

La réalité frappe de plein fouet l’administration Obama. Mais plutôt que d’affronter les défis de cette réalité, l’administration Obama s’enfouit la tête dans le sable. Et il enfouit sa tête dans le sable avec le ferme soutien de l’élite innée de la politique étrangère des Etats-Unis.

Le renversement du président tunisien,  Zine El Abdin Ben Ali, vendredi dernier, constitue un événement décisif dans le monde arabe. Il est bien trop tôt pour risquer ne serait-ce qu’une hypothèse sur ce à quoi ressemblera la Tunisie d’ici un an. Mais il n’est pas trop tôt pour comprendre que le régime de Ben Ali n’a pas été la seule chose à avoir été détruite vendredi dernier. Les deux fondements principaux de « l’expertise » occidentale du Moyen-Orient ont également connu la défaite.

Le premier fondement de ce qui passait pour une sagesse occidentale concernant la région est que la seule chose qui motive l’action de la proverbiale « rue arabe » est la haine d’Israël.

Depuis près d’une génération, les administrations successives des Etats-Unis ont fondé leur politique au Moyen-Orient sur la sagesse collective des Ross, Hadley, Berger, Indyk, George Mitchell, Dan Kurtzer et Tony Blair. Et pendant près d’une génération, ces hommes avisés ont affirmé que la réforme arabe, la démocratie, les droits de l’homme, les droits des femmes, les droits des minorités, la liberté religieuse, le développement économique et le respect de la loi ne peuvent être réglés qu’après la signature d’un traité de paix entre Israël et les Palestiniens. Selon leur point de vue d’« experts », les autocrates arabes ainsi  que leurs sujets réprimés sont tellement contrariés par la détresse des Palestiniens, qu’ils ne tiennent pas compte de leur propre existence.

La révolution tunisienne démontre que cette « sagesse », n’est qu’une fieffée et totale baliverne. Comme les gens de partout, ce qui intéresse le plus les Arabes, c’est leur niveau de vie, leur liberté relative ou son absence, et leurs perspectives d’avenir.

Mohammed Bouazizi, le Tunisien diplômé de 26 ans qui s’est immolé par le feu le mois dernier après que les forces de sécurité du régime eurent détruit sa charrette de produits non autorisés, n’a pas agi ainsi à cause d’Israël.

L’Egyptien qui s’est immolé par le feu au Caire, lundi, devant le Parlement égyptien, et l’Algérien qui a fait de même à Tebessa, dimanche, n’ont pas choisi de s’immoler sur la place publique à cause de leur souci pour les Palestiniens. De même, les manifestants opposés au régime en Jordanie ne manifestent pas parce qu’il n’existe pas d’Etat palestinien à l’ouest du Jourdain.

La révolution tunisienne démontre que « l’unité arabe » et l’engagement en faveur des « droits palestiniens » ne sont rien de plus qu’un os à ronger pour les « experts » occidentaux.

La principale préoccupation des dictateurs arabes, ce n’est pas Israël, mais la prolongation de leur mainmise sur le pouvoir. De leur point de vue, l’une des clés pour maintenir la main de fer dans laquelle ils tiennent le pouvoir, c’est de neutraliser le soutien américain à la liberté.

En prétendant qu’Israël est à la cause originelle de toutes les pathologies arabes, les despotes arabes placent les Etats-Unis sur la défensive. Obligés de justifier leur soutien aux Juifs haïs, les Etats-Unis se sentent moins à l’aise pour critiquer la répression qu’exercent les dictateurs contre leur propre peuple. Et s’ils ne sentent plus le souffle des Américains dans leur dos, les dictateurs arabes peuvent dormir plus ou moins tranquillement. Du fait que l’Europe ne se soucie pas de qu’ils piétinent les droits de l’homme, seuls les Etats-Unis constituent une menace à la légitimité de ces autocrates arabes dans la répression de leur peuple d’une main de fer.

Et cela nous amène au deuxième fondement fallacieux de « l’expertise » occidentale du Moyen-Orient mise en pièces par les événements récents en Tunisie. Ce fondement consiste à croire qu’il est possible et souhaitable de réaliser un système d’alliance stable sur le dos des dictatures.

La révolution de Tunisie a mis au jour deux vérités fondamentales sur les relations avec les dictatures. D’abord, elles ne peuvent pas prolonger le régime. Comme les dictateurs ne représentent qu’eux-mêmes, quand le dictateur quittera la scène, personne ne se sentira lié par ses décisions.

La seconde vérité fondamentale mise au jour par le renversement de Ben Ali, c’est que tout pouvoir est éphémère. Le jour de Ben Ali est arrivé vendredi dernier. Le jour de ses frères despotes arabes arrivera aussi. Et quand ils seront renversés, les alliances conclues avec eux le seront aussi. A un degré significatif, l’incapacité du gouvernement Obama à comprendre l’instabilité chronique des dictatures explique son obsession de se concilier le dictateur syrien, Bashar Assad. Parce que les Etats-Unis supposent, à tort, que le régime Assad est stable par nature, ils ne comprennent pas la raison pour laquelle Assad préfère l’Iran et le Hezbollah plutôt que les Etats-Unis.

Assad est un membre de la communauté minoritaire alaouite. Il a peur de son peuple non seulement parce qu’il l’opprime sous un régime de terreur, mais aussi parce que, du fait de son identité alaouite, la majorité des Syriens ne le considèrent pas comme un des leurs.

En tant que dictateurs et assassins eux-mêmes, les ayatollahs d’Iran et les maîtres terroristes du Hezbollah soutiennent le régime d’Assad d’une manière qui serait impossible aux Etats-Unis, même s’ils le voulaient. En fait, de la manière dont Assad voit les choses, étant donné la nature de son régime, il n’y a aucune chance pour qu’une alliance avec les Etats-Unis puisse faire autre chose qu’affaiblir l’emprise de son régime sur le pouvoir.

Les tentatives des Etats-Unis pour établir des relations avec Assad indiquent à ce dictateur deux choses apparemment contradictoires dans le même temps. D’abord, elles sont pour lui le signe que son alliance avec l’Iran et le Hezbollah renforce sa stature régionale. Sans ces alliances, les Etats-Unis n’auraient aucun motif de tenter de l’amadouer.

Deuxièmement, en raison de l’instabilité chronique de son Etat de terreur tyrannique, et de sa peur absolue de la démocratie subséquente, Assad voit les tentatives américaines pour l’attirer dans l’alliance occidentale comme des tentatives de renverser son régime. Plus des gens comme Obama et Clinton cherchent à l’attirer, plus il est convaincu qu’ils sont de mèche avec Israël pour le faire tomber.

Apparemment, la révolution tunisienne prouve la justesse de la politique de l’ancien président George W. Bush, consistant à pousser à la démocratisation du monde arabe. Comme Bush l’a reconnu dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis sont mal servis s’ils se reposent sur des dictateurs qui maintiennent leur pouvoir sur le dos de leur peuple.

Toutefois, Bush a eu du mal à voir un lien direct entre le problème et la solution électorale qu’il a choisie. Comme l’ont montré la victoire du Hamas dans l’Autorité Palestinienne et celle des Frères Musulmans aux élections parlementaires en Egypte, d’une part, et la déstabilisation de gouvernements pro-occidentaux démocratiquement élus, au Liban, en Afghanistan et en Irak, d’autre part, des élections ne sont pas la solution de l’autoritarisme.

La révolution tunisienne fournit plusieurs leçons aux décideurs politiques des Etats-Unis. Premièrement, elle nous rappelle la fragilité intrinsèque des alliances avec les dictatures. La Tunisie démontre l’impératif stratégique d’un Israël puissant. En tant qu’unique démocratie stable de la région, Israël est le seul allié fiable des Etats-Unis au Moyen-Orient. Un Israël puissant et sûr est la seule garantie permanente des intérêts stratégiques des Etats-Unis au Moyen Orient.

Deuxièmement, les Etats-Unis doivent procéder à une estimation très prudente de leurs liens avec le monde arabe. Il faut miser sur tous les concurrents. Cela signifie que les Etats-Unis doivent maintenir des liens étroits avec autant de régimes que possible, de sorte qu’aucun ne soit considéré comme irremplaçable.

L’Arabie Saoudite doit être contrebalancée par l’Irak et le soutien à un nouveau régime en Iran. Le soutien de l’Egypte doit être contrebalancé par des relations étroites avec le Sud-Soudan et d’autres Etats d’Afrique du Nord.

Pour ce qui est d’engendrer des alternatives démocratiques, les Etats-Unis doivent garantir qu’ils ne font aucune promesse qu’ils n’ont pas l’intention de tenir. La tragédie actuelle au Liban est un rude coup porté au prestige des Etats-Unis parce que Washington a enfreint sa promesse de se tenir aux côtés du Mouvement du 14 Mars contre le Hezbollah.

Dans le même temps, les Etats-Unis devront financer et soutenir publiquement des mouvements démocratiques libéraux quand ils émergeront. Ils devront aussi financer des mouvements démocratiques moins libéraux quand ils naîtront. De même, étant donné la force des médias islamistes, les Etats-Unis devront faire un usage judicieux des médias en langue arabe pour diffuser leur propre message de démocratie libérale au monde arabe.

La révolution en Tunisie est un événement extraordinaire. Et comme d’autres événements extraordinaires, ses répercussions sont ressenties bien au-delà de ses frontières. Malheureusement, le comportement de l’administration Obama indique qu’elle ne veut pas reconnaître l’importance de ce qui se passe.

Si l’administration Obama persiste à ignorer les vérités fondamentales révélées par le renversement populaire du dictateur de la Tunisie, cela ne fera pas que marginaliser la puissance des Etats-Unis au Moyen-Orient, mais mettra en danger ses intérêts au Moyen Orient.

 

© Caroline B. Glick et The JerusalemPost

 

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