Opinion – je me sens plus proche d’un juif tunisien que d’un salafiste mal rasé
Publié par Citoyen
Tunisien, né dans une famille musulmane, imbibé des traditions tunisiennes et sensible aux problèmes du monde arabe, je ne peux que rejeter le sionisme.
Malgré l’éducation que j'ai reçue, les voyages que j'ai effectués et l'ouverture d'esprit qui en a découlé, je ne peux m’expliquer la "distance" qui me sépare d'un juif tunisien, assis en face de moi. À chaque rencontre, un sentiment d'incompréhension me gagne, dû certainement au mépris du gouvernement israélien pour le peuple palestinien et le monde arabe. De ce même sentiment, les préjugés l'emportent et me poussent à faire l’amalgame entre juif, Israélien et sioniste.
De là, ma perception d’antisémitisme prend une dimension claire et nette. Je ne suis pas antisémite tant qu'une sorte de barrière invisible m'entoure pour me permettre de me sentir en sécurité à chaque rencontre que je qualifierais de «troisième type». Ainsi, je suis persuadé que je peux cohabiter avec toutes les sociétés, même les plus réfractaires à ma religion et mon ethnie.
Un sentiment de plus normal venant d'un Tunisien ou d’un arabo-musulman, dirait un anthropologue. Un sentiment que je croyais bien caché tant que je suis avec mes semblables... jusqu'au jour où les histoires de salafistes firent la une des médias. Depuis, ma barrière invisible s'active à chaque fois que je croise un Tunisien musulman, comme moi, mais salafiste d’apparence.
À chaque fois que j’en rencontre un, je ne peux m’empêcher d'imaginer qu'un jour ma fille sera habillée en niqab, mon fils sera obligé de faire la prière et que ma vie ressemblera à celle des talibans.
Et le gouvernement de Jebali ne fait rien pour me persuader du contraire. Il fait tout pour ne pas froisser les salafistes. Il négocie avec leurs sitineurs pour qu'ils déménagent des bureaux de la faculté de Manouba vers le jardin de la même fac. Il n'intervient pas dans les régions reculées du pays (à l'instar de Sejnane) pour arrêter un groupe de salafistes qui règnent en bourreaux. Et il laisse près de 2000 de ces fanatiques, crier «mort aux juifs» à l’aéroport de Tunis-Carthage, à l’arrivée du premier ministre de Gaza et membre du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Pourquoi notre gouvernement d'Enahdha agit de la sorte ? Officiellement, par respect pour la liberté individuelle et d'expression, mais officieusement pour plusieurs autres raisons : par peur de leurs réactions terroristes, pour montrer qu'Ennahdha est un parti islamiste modéré, ou encore pour les utiliser afin de mieux nous terroriser (les nouveaux sbires de Ben Ali).
Ennahdha, Ghannouchi et gouvernement de Jebali, en volant notre révolution, vous avez suscité en moi ce sentiment de peur, d'incompréhension et de confusion envers mes compatriotes. Lorsque je rencontre un Tunisien musulman pratiquant et de surcroît nahdhaoui, je vois un salafiste qui s'est mal rasé la barbe.
Je demande pardon aux juifs, et en particulier aux juifs tunisiens, que mes propos pourraient choquer. Mais sachez qu'aujourd'hui je me sens plus en sécurité avec vous qu'avec un musulman, un futur salafiste, et cela sans ma barrière invisible !
Ahmed B.K., Tunis
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