Pourquoi Céline...
par Karen Taieb, conseillère de Paris, sur la célébration nationale de Céline
Pourquoi lorsque l’on veut parler de Céline, on cite toujours de l’auteur de « Voyage au bout de la nuit » et non pas celui de « L’Ecole des Cadavres » ou de « Bagatelles pour un massacre » ?
Il s’agit pourtant du même Louis Ferdinand Céline, du même homme dont une partie de l’œuvre se trouve au sommet de la littérature française et l’autre partie effroyable, d’un racisme antijuif haineux et violent, côtoie les bas fonds de la pensée la plus abjecte.
En avez-vous seulement lu quelques extraits ?
Visiblement, vous ne saviez pas. Je préfère l’imaginer ainsi car si vous saviez vous ne laisseriez pas parler aujourd’hui de « polémique » autour de l’annulation, de « l’inflexion », du « volte face » ai-je lu, du Ministre de la Culture qui a décidé de retirer le nom de Céline de la liste des célébrations nationales. Vous le féliciteriez peut-être, vous le comprendriez surement.
Mais comment le Haut comité qui propose chaque année une liste des anniversaires de personnalités a-t-il pu penser à honorer Céline, à celui qui écrit dans « L’Ecole des cadavres »
« Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître. […] Dans l'élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangréneux, ravageurs, pourrisseurs.
Le juif n'a jamais été persécuté par les aryens. Il s'est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d'hybride. » (L'École des cadavres, Paris, Denoël, 1938, p. 108).
Ou encore :
« Je me sens très ami d'Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu'ils ont bien raison d'être racistes. […] » (p. 151)
La voilà donc la littérature de L.-F. Céline, répugnante, écœurante, nauséabonde. Celle du Dr Destouches et Mr Hyde dont la médecine qu’il conseille pour les juifs n’est ni plus ni moins la stérilisation chirurgicale et eugénique.
Je ne comprends pas.
Toujours dans « L’Ecole des cadavres », jamais de demi mesures, mais le racisme le plus radical : « on veut se débarrasser des juifs ou on ne veut pas s’en débarrasser. Qui veut la fin, veut les moyens et pas les demi-moyens ».
Si Céline manie sa plume antisémite comme une arme, lorsqu’il n’écrit pas, il exhibe le poison de sa bouche : comme le rappelle Annick Duraffour dans « L’Antisémitisme de plume », livre écrit sous la direction de Pierre André Taguieff ( Berg International Editeurs),
« Le 7 décembre 1941, Ernst Jünger, alors capitaine de l’état-major de l’armée allemande à Paris, rencontre L.-F. Céline à l’Institut allemand.
Il note dans son journal : « Il (Céline) dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n’exterminions pas les juifs – il est stupéfait que quelqu’un disposant d’une baïonnette n’en fasse pas un usage illimité. » … « Si je portais la baïonnette, je saurais ce que j’ai à faire ».
Est-ce celui-là que l’on voulait honorer 50 ans après sa mort ? Celui qui dans « Bagatelles pour un massacre », oppose le juif à la « France », « aux français », « aux enfants du sol », « aux indigènes », « au blanc », « à l’aryen » ?
Si son antisémitisme paraît à certains encore flou, dans « L’Ecole des Cadavres » il écrira : « Une seule race en France : l’Aryenne ! » et proposera une alternative : « Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des juifs ».
Ma question est la suivante : Pourquoi les membres du Haut Comité ont-ils inscrit le nom de Céline dans cette liste des personnalités honorables ? Ne connaissaient-ils pas l’autre écriture de Céline ou alors voulaient-ils honorer l’écrivain en imaginant que l’on allait oublier l’homme indigne ?
Pourquoi a-t-il fallu attendre que Serge Klarsfeld intervienne ? Faut-il être juif pour se sentir insulté comme français par Céline ? Faut-il être juif pour lire ces pamphlets en français ?
J’attends le jour où l’Histoire des juifs de France sera l’Histoire de France et de tous les français.
Karen TAIEB Conseillère de Paris
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