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Quand seul Kerry veut y croire

John Kerry va bientôt s’apercevoir, comme beaucoup d’autres avant lui, qu’il est plus facile de mettre au point le mouvement perpétuel que de faire la paix entre Abbas et Netanyahu

 

Quand seul Kerry veut y croire (info # 011004/13) [Analyse]

Par Sami el Soudi © Metula News Agency

 

Le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, déploie ces jours une intense activité diplomatique pour tenter de ramener Palestiniens et Israéliens à la table de négociation. Mais le ministre américain, en dépit de toute sa bonne volonté, n’est pas parvenu à rendre l’optimisme à ses interlocuteurs

 

Après en avoir discuté avec le 1er ministre Binyamin Netanyahu, Kerry a proposé à Ramallah une série de mesures économiques et politiques afin de convaincre les dirigeants de l’Autorité de participer à nouveau au processus en vue du solutionnement pacifique du différend.

 

Avec le soutien du Président Obama, les Etats-Unis ont déjà obtenu de Mahmoud Abbas et de Salam Fayyad - souffrant et récemment hospitalisé quelques jours durant – que l’AP abandonne son exigence d’un gel complet des implantations, y compris à Jérusalem-est, pour entrer en matière.

 

Ramallah accepterait un gel partiel, qui durerait le temps de la négociation. Les responsables palestiniens ont modifié cette approche à la demande de Washington, qui leur avait signifié que si cette condition était maintenue, les pourparlers n’avaient aucune chance de reprendre.

 

Les Etats-Unis avaient fait remarquer à Mahmoud Abbas que s’il ne faisait pas montre de souplesse sur ce point, l’AP passerait aux yeux du monde industrialisé pour le responsable principal du statu quo.

 

Argument encore plus convaincant : faute de l’abandon de cette position, l’Administration US avait informé les Palestiniens qu’elle ne s’impliquerait pas dans la réactivation de ses efforts diplomatiques pour mettre un terme à l’absence de dialogue qui prévaut depuis quatre ans maintenant. Précisément depuis la minute à laquelle M. Netanyahu est redevenu 1er ministre de l’Etat hébreu.

 

En revanche, Barack Obama était venu à la Moukata et à Bethlehem leur promettre, qu’en cas d’abandon de cette précondition, lui et son gouvernement s’investiraient à nouveau dans la poursuite d’une solution.

 

Abbas avait demandé si cela inclurait des pressions économiques et politiques sur Jérusalem, ce à quoi le pensionnaire de la Maison Blanche avait répondu par la négative. Il avait argué qu’il avait déjà tenté cette méthode et qu’elle avait eu plus d’effets négatifs que positifs, participant à raidir la position du cabinet en place en Israël, et à augmenter sa popularité auprès du public.

 

De plus, les analyses expertes de mes camarades de l’agence ont démontré que l’unique superpuissance restante se trouvait désormais dans une phase de désengagement des conflits du monde, et, qu’à ce titre et vu la situation prévalant au Proche et au Moyen-Orient, il était dans son intérêt de conserver les meilleurs rapports possibles avec l’Etat hébreu.

 

Ces commentaires très réalistes du numéro 1 mondial avaient provoqué une sévère déception parmi son auditoire palestinien ; les observateurs avaient noté, à ce sujet, les visages fermés de nos dirigeants durant les cérémonies officielles, qui prirent un caractère purement protocolaire.

 

Pour ne rien arranger à la lourdeur de l’ambiance, la fanfare de la police palestinienne à Bethlehem avait massacré l’hymne US, et certains diplomates redoutaient qu’elle ne l’eût fait exprès ou même sur ordre.

 

D’expérience, je suis toutefois en mesure de rassurer leurs doutes : cet orchestre est médiocre et corrompu et il égratigne tous les morceaux qu’il interprète.

 

Après avoir écouté les propos de M. Obama, il importait à la direction de l’AP de se hâter de définir une nouvelle ligne stratégique ainsi que des tactiques adaptées. Ce qu’elle s’empressa de faire.

 

A Ramallah, on commença par envoyer des barons du Fath’ expliquer à la presse étrangère qu’une libéralisation de la circulation des personnes et des marchandises en Cisjordanie c’était bien, et qu’on ne cracherait pas sur la libération par Israël de quelques prisonniers. On a d’ailleurs tendu à John Kerry une liste de cent vingt et une personnes détenues par les Hébreux depuis avant le processus d’Oslo.

 

Que tout cela était positif, particulièrement au vu de l’état calamiteux de nos finances, mais en soulignant que le problème à régler était de nature politique et non économique.

 

Sur le plan tactique, le Président Abbas a demandé qu’avant la reprise des contacts directs, Netanyahu lui transmette une carte mentionnant les frontières – même approximatives – du futur Etat palestinien.

 

Parfaitement au courant du fait que cette nouvelle condition serait rejetée à Jérusalem, l’AP a décidé de ne pas abandonner l’idée que seules des pressions énergiques en provenance des rives du Potomac pouvaient obliger les Israéliens à négocier sérieusement.

 

On a également réalisé que si la requête était uniquement adressée à Washington par l’AP, elle manquerait cruellement de poids, alors que si elle se transformait en requête renouvelée de l’ensemble du monde arabe, elle avait des chances de porter ses fruits.

 

La stratégie consiste ainsi à obliger les Américains à adopter l’Initiative saoudienne comme fondement des négociations à venir. Un plan proposé au printemps 2009 par le futur roi Abdullah ibn Abd al-Aziz al-Sa'ud, qui provisionne, en résumé, une reconnaissance de l’Etat d’Israël par l’ensemble des pays de la Ligue Arabe, en échange d’un retrait des Hébreux sur la ligne frontière avec la Jordanie, d’avant la Guerre des Six Jours.

Abbas se trouve actuellement au Qatar, où il expose l’état des discussions au comité ad hoc de la Ligue. Fin avril, une délégation ministérielle de cette organisation se rendra à Washington afin de tenter de convaincre l’Administration d’adopter l’initiative – et de l’imposer à Netanyahu – en tant que base de travail pour d’éventuelles nouvelles négociations directes.

Autant dire qu’après les mises au point de Barack Obama à Ramallah, les chances d’aboutir de cette démarche sont ténues, voire inexistantes. Car à Jérusalem, M. Netanyahu, connaissant de la réorientation de la politique US globale, ne sera pas tenté par l’Initiative arabe.

Il a déjà fait savoir, qu’à son sens, les pourparlers devaient d’abord se pencher sur les questions attenantes à la "reconnaissance" et à la "sécurité".

Par "reconnaissance" – et il s’agit d’une nouvelle condition qui n’existait pas jusqu’à la fin 2009, date de la cessation des négociations directes – le 1er ministre entend la "reconnaissance du caractère juif de l’Etat d’Israël".

A Ramallah, on pense que l’adversaire use d’un stratagème destiné à faire reculer aux calendes grecques l’échéance d’un accord. On prétend aussi qu’il n’appartient ni à l’AP, pas plus qu’au monde arabe, de déterminer les critères d’Israël, et enfin, on est persuadé qu’une acceptation de ce principe, de la part des Palestiniens, contribuerait à fragiliser le statut des Israéliens arabes, qui constituent près de vingt pourcent des quelques huit millions d’Israéliens [16% de musulmans, 2% de chrétiens et 1,5% de Druzes].

A Jérusalem même, tout le monde n’est pas convaincu de la vacuité des considérations palestiniennes. Des proches de la ministre de la Justice, Mme Tsipi Livni, sont ainsi d’avis que l’Etat hébreu pourrait renoncer à cette demande en échange d’un retour à la table de négociation.

Ce qui n’est guère du goût de Naftali Bennet et de sa Maison juive, bien décidés à s’opposer par tous les moyens à la création de notre Etat, y compris en plombant les pourparlers.

Certes Binyamin Netanyahu a déclaré à des confrères, en présence de John Kerry, qu’il est "déterminé pas uniquement à réactiver le processus de paix avec les Palestiniens, mais aussi à consentir à de sérieux efforts afin d’en terminer avec ce conflit une fois pour toutes", mais on reste confiné dans la sphère rhétorique.

Parce que le leader israélien ne produit aucun plan pouvant conduire au solutionnement du différend, à l’instar des partis membres de sa coalition. 

Quant à Yaïr Lapid et surtout Tsipi Livni, ils savent pertinemment où se trouve la clé pour débloquer la situation. Elle est dans l’armoire où Livni l’a laissée en janvier 2010, juste avant de transmettre le témoin au Likoud et à Netanyahu.

Seule la décision de reprendre les négociations qui avaient été abandonnées à cette période là où on les avait laissées en plan présenterait une opportunité réelle de parvenir à un compromis signifiant la fin de la controverse israélo-palestinienne, et, partant, israélo-arabe.

Nos lecteurs savent qu’au moment de l’abandon du processus, plus de 90 pourcent des questions posant problème avait été résolues.

Si les parties en présence le désiraient réellement, elles demanderaient, sans autre condition, la poursuite de ces négociations au point où elles s’étaient interrompues. Mais tant les dirigeants palestiniens qu’israéliens s’imaginent pouvoir obtenir plus aujourd’hui de la partie adverse qu’en 2009.

Ils se trompent probablement. Ils choisissent de se complaire "temporairement" dans la situation de ni guerre ni paix qui prévaut, car personne ne veut se ridiculiser devant son peuple en s’engageant dans un processus voué, selon tous les observateurs que je côtoie, à l’échec.

Quant aux Américains, ils rendraient un énorme service aux habitants de cette région en se limitant – au lieu de courir entre Jérusalem et Ramallah – à une promulgation simple : "Messieurs, nous vous prions de reprendre les négociations là où elles furent stoppées en 2009". Et de faire en sorte – ce qui est largement dans leurs cordes -, que les messieurs concernés les écoutent.

Mais les Etats-Unis, qui sont en passe de devenir exportateurs de pétrole, sont fermement décidés à se désengager de notre région-poudrière, où de printemps en hivers, on assiste à une fuite désorganisée du bon sens.

Ni l’Etat de Palestine ni la paix ne sont ainsi pour demain. Je sais que, par cette phrase, j’ai rempli de satisfaction tous ceux, dans les deux camps, qui prennent la solution du conflit comme une menace. Et moi, de plaindre ceux pour qui la guerre et l’absence d’espoir sont devenus un objectif. Ils destinent leurs enfants à une existence de mort et de dévastation. Et ils prennent l’air content.

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