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Quarante ans d’ouverture

 

Quarante ans d'ouverture

Par L'Express

En 1971, Théâtre ouvert voyait le jour à Avignon. Depuis, l'équipe de Micheline et Lucien Attoun tient ses promesses, en suscitant de nouvelles vocations d'auteurs

Collection de pièces et centre dramatique, Théâtre ouvert est d'abord l'aventure d'un couple hors du commun, une histoire d'amour vécue comme une passion sur les planches. Celle de Micheline et de Lucien Attoun, qui mirent au monde une descendance innombrable: Vinaver et Koltès, Rezvani et Minyana, Calaferte, Lagarce, Grumberg, Wenzel, Renaude, Durif et les petits derniers, sortis des langes de la littérature, tels Christine Angot, Jacques Séréna, François Bon, Yann Appery ou Laurent Gaudé. Sacrée famille connue aux quatre coins du monde, y compris au Japon.

Lucien, d'abord. Juif séfarade. Celui par qui tout arriva. Un noiraud combatif né en Tunisie. Débute dans le même cabaret que Georges Moustaki, l'un au micro, l'autre à la plonge. Mène, quinze ans plus tard, des études d'histoire et de sciences politiques. De quoi rassurer M. Attoun père, un musicien, auteur de pièces bibliques en arabe. Devient critique dramatique aux Nouvelles littéraires, puis directeur de la collection Théâtre ouvert, chez Stock, où il publie plus de 60 auteurs jusqu'en 1980. Entre en 1967 à France Culture. Epouse Micheline en 1960.

Micheline. Juive ashkénaze et toute blonde. Née à Paris XIXe, de parents germano-polonais émigrés en 1933. Grandit en écoutant son père lui lire Nathan le Sage, de Lessing. En conçoit un grand amour pour la littérature allemande. Travaille au Centre culturel américain. Laisse tomber un premier mari pour Lucien, et Sartre pour Adamov.

Après 1968, les verrous ont sauté un à un
Mais pourquoi un théâtre ouvert, se demande-t-on? Etait-il donc fermé? "Dans les années 1965-1970, raconte Lucien Attoun, le théâtre était à l'image de la société: bloqué. Fermé aux auteurs contemporains, divisé en chapelles, en coteries. On était pour Brecht, ou pour Artaud, ou pour Claudel. Séparément. Tel auteur ne voulait pas être publié avec tel autre. Haïm avec Gélas, Grumberg avec je ne sais plus qui. L'époque était ultrapolitisée." 1968 change la donne. Les verrous commencent à sauter, un à un.

Théâtre ouvert, côté plateau, naît donc à Avignon, en 1971, grâce au soutien de Jean Vilar, qui vient de mourir. L'aventure commence avec Jean-Pierre Vincent et Le Camp du Drap d'or, de Serge Rezvani, dans une chapelle insalubre et chauffée à blanc. Le principe est simple: il s'agit de mettre en relation le metteur en scène, l'oeuvre et le public à travers une forme qui serait moins qu'un spectacle mais plus qu'une lecture. Ce que, désormais, de Paris à Milan et à Tokyo, on nomme "mise en espace". En français dans le texte. Cette petite révolution constitua, selon le critique Michel Cournot, le véritable enjeu du festival. Une entrée joyeuse de la jeunesse dans un lieu qui en faisait peu de cas.

D'abord estival et avignonnais, puis, dès 1976, permanent, mais sans locaux, Théâtre ouvert s'installe en 1981 à l'ombre des ailes du Moulin-Rouge. En 1988, il devient le premier Centre dramatique national à Paris et le seul à ne pas être dirigé par un metteur en scène. Sa collection de tapuscrits (une centaine au catalogue) est diffusée gratuitement aux professionnels. A peine l'encre séchée, le texte est confronté à la scène, en particulier grâce à un groupe de comédiens hyperréactifs, le Noyau.

Les Attoun exportent avec succès leur expérience. A 40 ans, leur théâtre se veut ouvert. Plus que jamais.  

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