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Sur l’île de Djerba, les réfugiés libyens ont remplacé les touristes

 

Sur l'île de Djerba, les réfugiés libyens ont remplacé les touristes

Hôtels fermés, terrasses désertées: en ce début de haute saison, l'ambiance est morose à Djerba, où les réfugiés libyens ont remplacé l'habituelle déferlante de touristes européens, privant de gagne-pain des habitants de l'île aux maisons blanches et volets bleus.

Au café Havana, sur la marina, quelques visiteurs étrangers occupent une poignée de tables à l'abri du vent et des gouttes de pluie. Avec en guise de fond sonore, Al-Jazeera, la chaîne d'information panarabe.

"Ce sont nos clients libyens qui la réclament", explique le serveur, Tarek Frigui.

Destination touristique tunisienne par excellence, Djerba compte 125.000 habitants dont 80% vivent directement ou indirectement du tourisme.

Mais les troubles que connaît la Tunisie depuis le 14 janvier, date de la fuite de l'ex-président Ben Ali, et la proximité de la Libye en guerre ont fait chuter la demande.

Plus de 70.000 Libyens ont trouvé refuge en Tunisie depuis le début de la crise en février, selon le ministère de l'Intérieur, dont probablement quelques milliers à Djerba.

La fréquentation touristique, elle, a chuté de plus de moitié sur l'île méditerranéenne.

Les tours opérateurs "craignent" pour leurs touristes, se désole Tarek, alors que la ville est sûre. "Des bus sont affrétés pour transporter directement les Européens de l'hôtel au bateau" pour les balades en mer, sans passer par les cafés, se plaint-il.

L'année dernière, "nous faisions parfois 1.000 dinars (environ 500 euros) de recette le matin. Cette année, on atteint difficilement les 200 dinars (100 euros)", regrette-t-il. "Dire que j'en avais parfois autant en pourboire..."

Les taux d'occupation et de réservations dans les hôtels n'augurent rien de bon. Sur les 67 établissements de l'île, "vingt-six auraient dû rouvrir en avril, début de la saison estivale, et sont restés fermés", selon Jalel Bouricha, président de la Fédération régionale d'hôtellerie.

Et ce n'est pas vraiment la présence des Libyens qui va compenser ce manque à gagner. Ceux qui résident actuellement dans l'île sont bien des "réfugiés" à la recherche de sécurité, pas des touristes en quête de distraction.

"Les Libyens demandent toujours si leur voiture sera cambriolée, si les enfants risquent d'être agressés, s'ils peuvent sortir tranquillement", raconte Makram Diri, qui co-gère une trentaine d'appartements à louer dans la Marina.

"Les Libyens s'installent ici pour le long terme", explique-t-il. Une école a ouvert, le marché des marchandises importées de Libye a repris vie et certains meublent leur maison.

Le prix des locations de Makram reste élevé, entre 1.200 et 2.000 dinars par mois (600 à 1000 euros). Mais il louait plus cher aux touristes l'an dernier.

"Humainement, je ne pouvais pas louer des appartements aux tarifs habituels à des familles fuyant la guerre," affirme-t-il.

Dans le cinq étoiles Royal Garden, les touristes européens vont et viennent. L'hôtel a sauvé la mise en cassant ses prix.

"Mais à cause des clients +promotionnels+, nous nous retrouvons avec des niveaux sociaux différents", au grand dam de l'image de marque du palace, soupire un employé.

Le mois dernier, le ministre libyen du pétrole qui a fait défection à Mouammar Kadhafi est passé par là. Aujourd'hui, une vingtaine de Libyens résident dans l'hôtel. L'employé fait semblant d'ignorer s'il s'agit de pro-Kadhafi réfugiés à Djerba en attendant la fin de la tempête.

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