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Tempête sur le monde arabe : rien n’incite à l’optimisme, par Guy Milliere

 

Tempête sur le monde arabe : rien n’incite à l’optimisme (info # 010503/11) [Analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency

 

J’aimerais penser que les tumultes en cours dans le monde arabe s’achèveront sur un mode qui ne sera pas tragique. Je ne distingue malheureusement aucun élément qui soit susceptible d’ancrer mon espoir.

 

La Tunisie peut sembler être porteuse de signes plus prometteurs, le mouvement islamiste y ayant été interdit pendant plusieurs décennies, et l’enseignement de l’islam s’y étant effectué, depuis le temps de Bourguiba, sur un mode rationnel et modéré. Néanmoins, nul ne devrait ignorer que la chaîne Aljazeera, en arabe, était, selon toutes les estimations, la chaîne la plus regardée dans le pays, et nul ne devrait ignorer que cette chaine regorge d’appels au djihad et de propos antisémites.

 

Par ailleurs, la révolte populaire étant née, essentiellement, du chômage et de la forte hausse des prix des denrées de première nécessité, on voit mal quel gouvernement serait susceptible de calmer le mécontentement. Ce qui vient de se passer est plus à même de faire fuir les investisseurs que de les attirer ; de plus, créer des emplois de fonctionnaires creuserait des déficits insupportables et non finançables par les faibles richesses du pays ; et subventionner les biens de première nécessité coûterait aussi beaucoup trop cher.

 

Le mécontentement va, dès lors, sans doute durer ; et si la colère des foules ne peut plus être dirigée contre un dictateur ou un membre de l’ancien pouvoir, il se créera un terreau fertile pour ceux qui sont susceptibles de désigner des ennemis plus lointains : le capitalisme international, l’Occident, Israël.

 

La façon dont le parti "Ennahda" se positionne en ce moment devrait s’avérer fructueuse pour lui ; on entendra sans doute beaucoup parler, dans les prochains mois ou les prochaines années dans la presse européenne, d’ « islamistes modérés » tunisiens, prenant modèle sur l’AKP de Recep Tayip Erdogan. On verra aussi se dessiner des vagues de migration vers l’Europe, plus riche, et les cinq mille Tunisiens échoués voici peu à Lampedusa n’étaient sans doute que l’avant-garde de ce qui attend l’Europe.

 

L’Egypte, elle, ne montre aucun signe prometteur. Les islamistes n’y ont jamais disparu et ont un ancrage d’autant plus important qu’ils remplissaient des missions d’assistance sociale dans de multiples domaines. L’enseignement de l’islam n’y a jamais été modéré, et moins encore rationnel.

 

La chaîne Aljazeera y jouit d’un auditoire d’autant plus vaste, que la population des campagnes est essentiellement illettrée, et que la vedette d’Aljazeera est un égyptien. Il est aussi le plus célèbre des membres de la confrérie des Frères Musulmans actuellement : Youssef al Qaradawi.

 

Sous Moubarak, Qaradawi avait été condamné à l’exil, au Qatar. Aujourd’hui, il est de retour en Egypte, et il a reçu un accueil triomphal sur la place Tahrir voici peu.

 

La révolte a eu les mêmes causes en Egypte qu’en Tunisie, elle a produit les mêmes effets. On voit très mal, en Egypte également, comment ce pays pourrait attirer le moindre investisseur dans les conditions présentes, elle qui n’en attirait déjà pas beaucoup auparavant.

 

On voit mal comment il serait possible de créer encore davantage de fonctionnaires. L’argent pour financer les biens de première nécessité manque et continuera à manquer. Les frustrations ne peuvent que durer et s’accentuer. D’ores et déjà, ceux qui s’attèlent à incriminer le capitalisme, l’Occident et Israël sont à l’œuvre. Et ils ne vont pas s’arrêter en si mauvais chemin.

 

L’Egypte, demain, sera islamiste, "ressentimentale", bien plus hostile au monde occidental et à Israël que ce n’est déjà le cas. Elle ne rompra pas certains accords avec les Etats-Unis et Israël, mais elle les laissera s’effilocher, jusqu’à ce qu’ils ne signifient plus rien.

 

Les Frères Musulmans n’assumeront pas directement le pouvoir, sans doute, mais ces gens savent très bien l’exercer dans l’ombre. La migration hors d’Egypte vers l’Europe sera relativement limitée dans l’immédiat, mais elle a déjà commencé.

 

Et il y a ce qui se passe présentement en Libye.

 

L’administration Obama a achevé de se dévoiler, en n’envoyant, pour recueillir les Américains obligés de fuir, qu’un vieux ferry résistant mal aux vagues (la prochaine fois, Obama dépêchera sans doute un pédalo ou un canoë) et en remettant le dossier à la « communauté internationale », qui ne fera rien.

 

Le résultat final sera soit une partition du pays, soit une guerre civile, ou encore le maintien d’un Kadhafi très en colère contre tout ce qui n’est pas rattaché sa famille ou à sa personne. Les populations fuient la Libye pour le moment et continueront tant qu’une stabilisation ne se dessinera pas. La Libye restera un pays sinistré produisant du pétrole. Elle pourrait redevenir un vivier de terroristes islamiques, et un point de passage de migrants africains en direction du continent européen. Elle pourrait, en cas de stabilisation, servir de point de passage à des Egyptiens aussi.

 

L’agitation au Yémen et à Bahreïn se poursuit, et on voit derrière elle les profils d’al Qaeda (au Yémen) et de l’Iran (à Bahreïn, mais également au Yémen). L’agitation se poursuit en Jordanie aussi, où les islamistes les plus frénétiques sont prêts à renverser le roi. Elle n’a pas encore touché l’Arabie Saoudite, mais cela pourrait changer très vite. Un « jour de la colère » devrait être organisé le 11 mars prochain, dans les régions chiites qui sont celles où jaillit l’essentiel du pétrole saoudien.

 

Le seul pays où des émeutes pourraient inciter à moins de pessimisme serait l’Iran, mais je doute que le régime théocratique tombe. Aucun signe, pour l’heure, ne pointe dans cette direction.

 

Ceux qui parlent de démocratisation du Proche-Orient et du monde arabe, en tout cas, rêvent, ou ont consommé des substances hallucinogènes ayant érodé leur cerveau. Pour qu’il y ait de la démocratie, il faut, non pas l’utilisation de Facebook ou de Twitter, ce qui est à la portée du premier islamiste venu, mais l’existence d’une classe moyenne, d’institutions permettant une séparation des pouvoirs et un équilibre entre eux, et, surtout, un respect du pluralisme, de la liberté de conscience, de la liberté de parole et de la liberté de choix.

 

Tous ces ingrédients sont totalement absents du Proche-Orient, à la notable exception d’Israël. Tous ces ingrédients sont totalement absents du monde musulman. Ils ont existé au Liban, mais il faut en parler au passé. Ils existent encore un peu en Turquie, mais ils y sont à leur crépuscule.

 

Face à cette situation d’ensemble, pris de panique, les pays occidentaux, Etats-Unis d’Obama compris, ont, semble-t-il, découvert la panacée universelle, lors de la dernière réunion de cet autre machin appelé le Quartette : il faut, plus que jamais, relancer le « processus de paix », et exercer des pressions sur Israël. Comprenne qui pourra. Ou qui voudra.  

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