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Un nouveau révisionnisme cherche à nier le lien du peuple juif avec la terre d’Israël

Un nouveau révisionnisme cherche à nier le lien du peuple juif avec la terre d’Israël

Le Monde.fr

Par Noam Ohana

 

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est essayé récemment, et assez lamentablement, à une forme de réécriture de l’histoire qui visait à donner au grand Mufti de Jérusalem le rôle d’instigateur de la solution finale. Ce dernier n’était en réalité qu’un suppôt d’Hitler, enthousiasmé par l’idée que le meurtre de juifs puisse être le point central du programme politique du Führer.

Ce dérapage a donné lieu à un petit miracle : les dirigeants d’un monde arabe dans lequel le négationnisme et le révisionnisme de la Shoah se portent à merveille, ont été offusqués de ce qu’on les accuse d’être à l’origine d’un génocide dont ils contestent pourtant souvent l’ampleur, voire même la réalité. On se référera au livre de Gilbert Achcar, fervent défenseur de la cause palestinienne, qui parle dans son ouvrage « Les Arabes et la Shoah » de ce négationnisme comme de « l’antisionisme des imbéciles ».

Une autre forme de révisionnisme a connu un renouveau ces dernières années, et la dernière poussée de terrorisme palestinien est à ce titre édifiante. Il s’agit de nier le lien du peuple juif avec la terre d’Israël, au mépris non seulement de l’histoire et de l’archéologie, mais aussi, et surtout, de la tradition islamique.

 

Bill Clinton ahuri

Il n’y aurait pas de « Mont du Temple » et pas de Mont Moriah – il n’y aurait que l’Esplanade des Mosquées et le Haram al Sharif ou « Noble Sanctuaire ». On peut tout à fait considérer en bon laïc que toutes ces histoires de lieux saints ne sont que des sornettes, mais alors il faut s’abstenir de préférer une sornette à une autre, surtout lorsque l’une des sornettes précède toutes les autres de quelques millénaires.

L’un des épisodes les plus pathétiques de l’échec des négociations de paix à Camp David en 2000 était une scène largement documentée qui a vu Yasser Arafat tenter de convaincre un Bill Clinton ahuri que cette histoire de Temple juif était un mythe et qu’il n’y a en réalité aucun lien entre les juifs et Jérusalem. Sans rentrer dans un développement théologique, il semble essentiel de rappeler ici une évidence : c’est parce que Jérusalem est sainte pour les juifs qu’elle l’est devenue pour les chrétiens puis pour les musulmans.

Si le Coran est largement silencieux sur Jérusalem (le nom même de la ville n’y figure pas), la tradition islamique est truffée de références explicites au fait que le Noble Sanctuaire, la Mosquée d’Al-Aqsa et le Dôme du Rocher ont été érigés sur le lieu exact du Temple de Salomon.

Il ne serait pas venu à l’esprit du Calife Omar, qui a construit la première mosquée sur le Mont du Temple au VIIe siècle, de nier le lien consubstantiel entre ce lieu et le judaïsme. La tradition islamique rapporte que c’est même un rabbin yéménite fraîchement converti à l’islam qui lui indiqua le lieu précis de la « pierre de la fondation » sur laquelle est bâti aujourd’hui le Dôme du Rocher.

Le théologien Ibn Taymiyya (XIIIe siècle), considéré comme l’une des références religieuse centrales du courant wahhabite et salafiste, était si convaincu du lien entre ce lieu saint et les juifs qu’il s’en méfiait. Il était fermement opposé à ce qu’il percevait comme une exagération de l’importance de l’Esplanade et du Caveau des Patriarches à Hébron par rapport à la Mecque et à Médine.

 

Salomon n’était pas juif mais bien musulman

L’une des preuves les plus absurdes de cette réécriture bien tardive de l’histoire nous vient des revirements du Waqf, l’organisme en charge de la gestion des lieux saints musulmans à Jérusalem. Les guides publiés et distribués par le Waqf aux visiteurs avant la création de l’Etat d’Israël s’enorgueillissaient de cette filiation avec le premier et le deuxième Temple juif et en particulier avec la figure du roi Salomon. Le nouveau guide publié et diffusé l’an dernier nie tout lien entre le Mont du Temple ou même le Mur de Lamentations et le peuple juif. Le comble est probablement l’affirmation dans cette dernière publication que le roi Salomon n’était pas juif mais bien… musulman (ce qui est bien sûr difficile à réconcilier avec la chronologie étant donné que son règne précède l’avènement de l’islam d’à peu près 1 500 ans.).

Un autre exemple du ridicule et de l’incohérence de ce nouveau révisionnisme nous a été donné lors de la profanation du Tombeau de Joseph, un lieu saint juif qui jouxte la ville de Naplouse en Cisjordanie. En 2000, ce tombeau a été le lieu d’affrontements très violents et profané une première fois par une foule palestinienne en colère. Tsahal s’est par la suite retirée de ce lieu et les Palestiniens ont décrété qu’il s’agissait en réalité du tombeau d’un cheikh musulman et ont repeint le dôme du tombeau en vert, couleur de l’islam. Mais cette islamisation tardive du tombeau de Joseph n’a pas suffi à le protéger puisqu’une foule vient de brûler le tombeau une seconde fois, confirmant ainsi son caractère juif de la manière la plus absolue qui soit.

On entend déjà les protestations de ceux qui nient que ce nouveau révisionnisme soit la cause du sang versé. Les attaques à l’arme blanche des dernières semaines ne seraient pour eux qu’une « réponse compréhensible à l’occupation ». Mais alors comment expliquer le parallèle frappant avec le massacre d’Hébron en 1929 ?

Le Grand Mufti de Jérusalem, à qui personne ne peut voler le crédit dans ce cas précis, avait mené une campagne assez similaire à celle menée aujourd’hui par le leadership politique et religieux palestinien en prétendant que les juifs s’apprêtaient à détruire les Mosquées sur le Mont du Temple. La rumeur se rependait moins vite qu’avec les réseaux sociaux mais tout aussi bien et des émeutes d’une extrême violence éclatèrent. À Hébron – ou l’accès au Caveau des Patriarches était formellement interdit aux juifs depuis le XIIIe siècle - le carnage a fait 67 victimes civiles massacrées au couteau et à la hache, dont une douzaine de femmes et trois enfants de moins de cinq ans. Il n’y avait pas à l’époque « d’occupation » et pourtant les mêmes causes avaient produits les mêmes effets, sauf qu’il n’y avait personne pour défendre ces malheureux. Ce massacre mit fin à une présence juive millénaire dans la ville.

Il faut écouter Mahmoud Abbas déclarer en arabe que les lieux saints de Jérusalem n’appartiennent qu’aux Palestiniens et que « les juifs n’ont pas le droit de souiller les lieux saints de leurs pied sales » et que « chaque goutte de sang versé pour Jérusalem est propre et pure ». Il finit sa déclaration en assurant que les égorgeurs iront tous « au paradis » ce qui devrait rassurer tout un chacun. Il est triste de voir Abu Mazen, qui a débuté sa carrière en commettant une thèse de doctorat révisionniste sur la Shoah, la finisse en versant dans une autre forme de révisionnisme, le révisionnisme du Temple.

 

Survie spirituelle du peuple juif

La « judaïsation de Jérusalem » aujourd’hui décriée est, un peu comme la christianisation du Vatican ou l’islamisation de la Mecque, un phénomène auquel on ferait mieux de s’habituer.

Pourtant les juifs Israéliens, aujourd’hui maîtres à Jérusalem, ont une responsabilité particulière. Ils se doivent de préserver les lieux saints musulmans et d’en garantir l’accès. Ils ont une dette, non pas à l’égard des Palestiniens, mais bien à l’égard de ces musulmans, qui ont, au-delà des persécutions bien réelles infligées aux communautés juives d’Orient, permis la continuité du culte synagogale et donc contribué à la survie spirituelle du peuple juif en exil. C’est à eux qu’il faut penser en regardant l’Esplanade des Mosquées et pas aux révisionnistes qui prétendent que la présence juive souille ce lieu sacré. C’est aux familles musulmanes qui ont abrité des familles juives pendant le massacre d’Hébron en 1929 au péril de leur vie qu’il faut penser, et pas au royaume hachémite qui parle de liberté des cultes mais qui interdit aux juifs tout accès aux lieux saints de 1948 à 1967, y compris au Mur des Lamentations.

Il n’y aura pas de solution politique durable au conflit israélo-palestinien tant que le monde arabo-musulman ne se sera pas réconcilié avec l’antériorité de la présence juive en Terre Sainte et donc la légitimité de cette présence. Ceux qui pensent que la création d’un Etat palestinien indépendant mettra fin au conflit devraient se promener quelques heures dans la vieille ville de Jérusalem avec une kippa après le prêche du Vendredi. Si tant est qu’ils survivent à l’expérience, ils constateront qu’on y tue des juifs, pas des occupants.

 

Noam Ohana est franco-israélien, diplômé de Sciences Po et de Stanford, il écrit sur le conflit Israélo-Arabe depuis 2005 et a publié “Journal de Guerre” (Denoël ; 2007).

Le Monde.fr

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