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Une dictature théocratique en Tunisie? Les craintes de Yadh Ben Achour

 

Une dictature théocratique en Tunisie? Les craintes de Yadh Ben Achour

 

 

«Nous risquons de nous retrouver dans une dictature pire que celle de Ben Ali». Ce cri d’alarme, c’est Yadh Ben Achour, grand juriste et parrain de la transition démocratique, qui le lançait il y a quelques jours dans les colonnes du quotidien La Presse de Tunis.

La dictature que redoute M. Ben Achour, c’est la « dictature théocratique » que le principal parti au pouvoir, Ennahda, risque selon lui d’instaurer. Evincé des travaux de l’Assemblée constituante, actuellement en cours, l’ancien gardien de la transition s’élève contre certains articles en préparation de la prochaine constitution qui place l’Etat tunisien comme protecteur « des valeurs sacrées », ce qui, selon lui, « ouvre la voie à tous les risques possibles ». Extraits.

Photo : capture du site lapresse.tn

Dans une longue interview accordée à La Presse, l’ancien Président de la Haute Instance qui a guidé la transition du pays immédiatement après le renversement du régime Ben Ali, ne mâche pas ses mots. L’agenda religieux des islamistes a selon lui monopoliser le débat depuis des mois. «Il ne se passe pas un jour », dit-il, « sans que l’on soit assailli par les événements ou les thématiques religieuses ». Yadh Ben Achour de détailler. Certains, affirme-t-il, revendiquent l’application des peines coraniques comme l’amputation ou la crucifixion, d’autres s’en pressent aux artistes et aux intellectuels, d’autres encore agitent les mosquées ou enflamment l’assemblée constituante en imposant des débats sur la charia, la polygamie, le port du niqab etc…

« Tout ce que le parti au pouvoir a réusi à faire, c’est de transformer notre religion en une véritable maladie sociale. Les Tunisiens ont vécu la religion comme un élément de libération, de cohésion sociale, de spiritualité. Ils la vivent aujourd’hui comme un cancer qui dévore le corps social tout entier et qui risque de le jeter dans le sous-développement et la régression généralisée. Si cela continue, la Tunisie ne sera pas simplement déclassée par les agences de notation, le bon Dieu lui-même n’en voudra plus ».

Selon lui, le projet de Constitution prépare « une dictature théocratique » et va « sanctionner la mort de la liberté d’expression que nous avons acquise grâce à la révolution ». Ben Achour accuse les constituants de ne pas s’être contentés de la référence aux « nobles valeurs de l’Islam » qui existent déjà dans la préambule et l’article premier et sur lesquels tout le monde ou presque est d’accord. « Ils se sont permis à deux reprises, dans deux articles différents de leur brouillon, d’insister lourdement pour rappeler que l’Etat est le protecteur de la religion et en particulier des ‘valeurs sacrées’, ce qui ouvre la voie à tous les risques possibles »…

► Pour en savoir plus sur la pensée de Ben Achour sur l’islam et les droits de l’homme, son dernier ouvrage, paru en 2011, La Deuxième Fâtiha, écrit juste avant le printemps arabe, plaide pour la fin de l’immobilisme dans le monde musulman.
« Malgré les appels incessants élevés depuis bientôt deux siècles par de grands réformateurs (…) la société islamique se trouve aujourd’hui atteinte au fond de son être, gangrénée par un formalisme outrancier, une politisation désastreuse, un attachement maladif aux manifestations socioculturelles externes, une puérilité sans limite de la pensée religieuse".

La deuxième Fâthia de Yadh ben Achour
Presses Universitaires de France (2011), 18,50€

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