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Abbas, Netanyahu : le temps des paris Par Sami El Soudi

enfants_pal_mort.jpg Des petits Palestiniens jouent à Mohamed A Dura

 

Abbas, Netanyahu : le temps des paris (info # 010202/12) [Analyse]

Par Sami El Soudi ©Metula News Agency

 

Préambule :

 

Sans rapport avec le sujet de cet article, j’ai remarqué une multiplication de la production, par des Palestiniens, de saynètes figurant des atrocités commises par l’armée israélienne contre des civils.

 

Témoin l’événement mis en scène dans le village d’Al-Dirat, et dévoilé par la Ména, où un photographe de l’Agence France Presse a voulu faire croire que des militaires hébreux avaient intentionnellement roulé sur les jambes d’un ouvrier palestinien à l’aide d’un tracteur.

 

Témoin également, une scène tournée à Bahreïn, présentant un soi-disant soldat israélien pointant le canon de son fusil sur le visage d’une petite fille. Mais l’uniforme n’est pas celui d’un militaire de Tsahal, les bottes non plus, et le fusil est une Kalachnikov de fabrication russe, que n’utilisent pas nos voisins de l’Ouest.

 

Je désire utiliser ces lignes pour exprimer à quel point cette pratique d’imposture à la victimisation est irrespirable. D’abord, parce que les militaires hébreux se comportent globalement plus décemment que ceux de toutes les autres armées de par le monde, et qu’ils ne méritent pas de supporter de fausses accusations.

 

Ensuite, parce que le but de ces mises en scène consiste à générer une haine artificielle irréductible entre les deux peuples, et que ces peuples sont condamnés à vivre côte-à-côte en bonne harmonie.

 

Enfin, parce qu’un peuple qui a la raison pour lui n’a pas besoin de démoniser son adversaire pour demander justice ; et que cette activité, au contraire, apporte de l’eau au moulin de ceux qui prétendent que nous sommes des primitifs immatures, à qui il serait insensé de confier un Etat.

 

C’est encore sans parler de la corruption morale que cette activité consacre dans la société palestinienne, qui sous-entend qu’il est permis de mentir lorsque l’on poursuit un objectif. Or, dans la vie quotidienne, nous poursuivons tous divers objectifs.

 

C’est Yasser Arafat qui, avec la mise en scène du faux assassinat de Mohamed Dura [1], avait inauguré cette pratique détestable. La victimisation est devenue, depuis, un sport de prédilection dans notre société, et si nous voulons vraiment grandir, il est temps de l’en extirper. Mais il faut également préciser, que des organes de presse établis, telle Wafa, l’agence de presse de l’AP, qui reprend à son compte la truanderie d’Al-Dirat, et l’AFP, qui ne sanctionne pas son photographe Hazam Bader, mais qui, au contraire, protège son délit, portent une responsabilité écrasante dans l’encouragement de cette pratique exécrable.

 

Une pratique qui veut que l’on joue au mort ou au blessé pour faire accuser un Israélien qui ne nous a rien fait. Mais attention ! Entre faire le mort et être mort, il y a une nuance qui n’est pas forcément évidente. Moi, je suis pour ceux qui se tiennent debout.

 

 

Sami El Soudi

 

 

Article :

 

Le Quartette pour le Moyen-Orient, comprenant les Etats-Unis, l’Union Européenne, l’ONU et la Fédération de Russie, avait fixé à l’Autorité Palestinienne et au gouvernement israélien une date butoir, au 26 janvier, pour présenter leurs positions respectives au sujet des futures frontières entre un Etat palestinien et Israël.

 

L’Autorité a parfaitement respecté ce délai. Elle a présenté aux Hébreux et au Quartette un document complet, illustré par des cartes précises, qui lui a valu les félicitations du Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon.

 

Quant à Israël, il a fait, en la matière, du "travail d’Arabes", se contentant d’exposer oralement à notre représentant, Saëb Erekat, aux pourparlers d’Amman de la semaine dernière, des principes concernant lesdites frontières. Ce, sans que l’envoyé de Netanyahu, l’avocat Isaac Molho, ne remette le moindre document sur la question à son homologue. Molho s’est contenté de promettre d’apporter des clarifications "dès que possible", en proposant de fixer un nouveau rendez-vous dans la capitale hachémite à cet effet.

 

Le dossier remis par Erekat propose l’établissement de notre Etat sur les frontières de 1967, qui séparaient, avant la Guerre des Six Jours, la Jordanie et l’Etat hébreu.

 

Comment aurait-il pu en aller autrement, quand on sait que, tant l’Europe que les Etats-Unis, considèrent ce tracé comme la "base de négociation" pour la délimitation de la future séparation entre la Palestine et Israël ? L’Autorité Palestinienne ne pouvait décemment adopter une position plus favorable à Israël que celle de la communauté internationale.

 

Quant à l’exposé de Molho, on peut en retenir qu’il suggère d’annexer les trois grands blocs d’implantations à l’Etat hébreu, de même que la totalité de Jérusalem, ainsi que d’adopter, peu ou prou, le tracé de la Barrière de séparation et de le transformer en frontière permanente.

 

Certains observateurs, palestiniens, arabes, mais également occidentaux et israéliens, considèrent que la "causerie" d’Isaac Molho participait d’un choix stratégique, dont l’objectif unique consistait à ne pas déclencher les foudres du Quartette au sujet du non-respect de son ultimatum, tout en demeurant plus que vague sur la question posée.

 

Cela se peut effectivement. Mais je suggère de ne pas évacuer trop rapidement un élément qui me paraît important : même si c’est une résultante de la pression internationale, ce fut la première fois que le gouvernement de Benyamin Netanyahu a évoqué un tracé de frontière avec un "Etat palestinien souverain".

 

Certes, cette évocation s’étant effectuée oralement, l’exécutif aux affaires à Jérusalem pourra toujours arguer que Molho a été mal compris. C’est pour cette raison que, si cela avait dépendu de moi, j’aurais demandé que la proposition soit transcrite par écrit et qu’elle nous soit transmise, ainsi qu’au Quartette, avant de rendre publics nos commentaires. Ce, même s’il avait fallu, pour ce faire, participer à une ou deux réunions supplémentaires à Amman. Il importe de savoir faire du temps le meilleur usage possible, et de se hâter lentement.

 

Mais le président de l’AP, Mahmoud Abbas, en a, semble-t-il, décidé autrement, intervenant mercredi, quelques heures seulement après la clôture de la discussion à Amman. Il a dit qu’il n’y avait eu aucune ouverture digne de ce nom, et qu’il allait prochainement (dimanche) soumettre le sujet de la poursuite du processus de rencontres d’Amman aux ministres des Affaires Etrangères de la Ligue Arabe.

 

Pour Abbas, il s’agit d’une tentative assez intelligente, destinée à ne pas assumer seul, face aux pressions occidentales en faveur de la poursuite des discussions, l’éventuelle décision d’y mettre un terme.

 

Hier, à l’occasion d’une conférence de presse avec Ban Ki-moon, en visite de travail dans notre région, il a confirmé ses propos, critiquant vertement la politique de l’actuel cabinet israélien, consistant à multiplier les faits accomplis sur le terrain, tant en Cisjordanie qu’à Jérusalem, tout en continuant la construction dans les implantations.

 

Y compris, et cela, c’est moi qui l’ajoute, dans des implantations situées à l’extérieur des frontières proposées par Isaac Molho. On peut alors se demander "pourquoi construire dans une zone que l’on se propose d’évacuer ?", et penser que cela n’a pas de sens ; sauf si l’on croit, comme la quasi-totalité des gens de la planète n’appartenant pas à la coalition de Netanyahu, que ce dernier n’a pas réellement l’intention de permettre l’édification de notre Etat, ni dans les limites de la Barrière de sécurité, ni ailleurs en Palestine.

 

Quant à Abbas, il a, en conséquence, décidé de grossir d’un élément ses conditions à la reprise de négociations directes, au plus haut échelon, avec Netanyahu : dorénavant, il n’exige plus uniquement le gel des implantations – y compris à Jérusalem -, mais aussi la reconnaissance des frontières de la Palestine.

 

Mahmoud Abbas, ce faisant, est conscient de deux choses :

 

1. Il n’y aura pas d’avancée tangible dans le règlement du conflit tant que ce 1er ministre sera au pouvoir côté israélien. Tout ce que Bibi désire est donner l’impression qu’on négocie, tout en préservant le statu quo actuel : donc pas de raison sensée de lui faciliter la tâche !

 

2. Les pressions exercées sur son adversaire, au sujet des discussions d’Amman, sont plus impérieuses que celles qu’il a lui-même à subir.

 

Exemple, la longue conversation téléphonique entre la Chancelière Angela Merkel et Netanyahu, jeudi dernier, un jour après la rencontre à Amman, à l’initiative de l’Allemande.

 

Elle y avait exprimé sa crainte de voir le processus de discussions s’interrompre, et avait obtenu, de la part du 1er ministre, la promesse de clarification imminente de la question des frontières, ce, pendant que le ministre allemand des Affaires Etrangères, Guido Westerwelle [un fidèle ami d’Israël. Ndlr.] se trouvait dans la région, pour un séjour inhabituellement long.

 

Netanyahu n’a pas tenu parole, ce qui a poussé la Chancelière à mettre directement l’une des menaces qu’elle avait émises à exécution : elle vient de rehausser le niveau de la représentation diplomatique palestinienne en Allemagne, au grand dam de Jérusalem.

 

Lors d’une conférence de presse commune avec M. Netanyahu, Ban Ki-moon a clairement soutenu la position palestinienne relative au gel des implantations.

 

A l’occasion d’une autre conversation téléphonique, avec Hillary Clinton, celle-là, le Président du Conseil israélien, répondant à l’invitation exprimée par la Secrétaire d’Etat US de faire des gestes de bonne volonté en direction d’Abbas, a déclaré à son interlocutrice : "Israël est intéressé à poursuivre les pourparlers avec les Palestiniens tout en préservant les intérêts sécuritaires des citoyens israéliens". Lorsque l’on connaît l’interprétation de Benyamin Netanyahu au sujet de l’intérêt sécuritaire des Israéliens en Cisjordanie, on comprend, sans avoir besoin ni de dessins ni de cartes, qu’il va falloir nous armer de patience.

 

En fait, il existe une autre raison me permettant d’affirmer qu’il ne va rien se passer entre Israéliens et Palestiniens dans un proche avenir, les deux partis campant sur les positions qui sont les leurs : les élections présidentielles américaines. Abbas et Netanyahu parient sur deux chevaux différents.

 

Pour le moment, en pré-campagne électorale, l’administration Obama n’exercera aucune pression sur Jérusalem. A cela, deux motifs : Barack Obama tient à rassurer le vote juif, et il veut également ne pas isoler Israël – ni politiquement, ni économiquement ou militairement – afin de ne pas risquer de précipiter une attaque de Tsahal en solo contre l’Iran. Car une guerre dans le Golfe, impliquant l’Armée US, juste avant la plus importante des échéances électorales, serait particulièrement hasardeuse.

 

Ce qui a fait dire à Victoria Nuland, porte-parole du Département d’Etat, que "les discussions [d’Amman] étaient bénéfiques aux deux parties". Et Washington, d’octroyer des crédits supplémentaires à l’Etat hébreu, de lui livrer du matériel de guerre de pointe, de déployer les plus puissants radars du monde sur son territoire, ainsi que les boys pour les faire fonctionner, et de ménager aux militaires d’Ehud Barak un accès direct aux satellites de l’Oncle Tom.

 

Reste qu’à Ramallah, on demeure persuadé que le pensionnaire de la Maison Blanche est un fervent soutien de la cause palestinienne, et qu’il déteste, en vérité, la coalition aux commandes à Jérusalem. A la Moukata, on espère en la réélection d’Obama, et on se persuade que, lors d’un hypothétique second mandat, lorsqu’il n’aura plus à craindre le vote des amis américains d’Israël, il dévoilera son vrai visage, et nous garantira l’accès à notre Etat, selon des termes qui nous seront favorables.

 

A Jérusalem, on prie exactement pour que ce soit le contraire qui advienne : pour que l’un des deux Républicains, entre Mitt Romney et Newt Gingrich – des partisans à tout rompre d’Israël – soient élus à la tête de l’Amérique et, indirectement, du monde.

 

L’issue est très indécise. Ce qui l’est moins, c’est la quasi-certitude que le perdant dans les paris, entre Abbas et Netanyahu, perdra gros. Si c’est Obama qui est reconduit, et que l’évaluation de ses intentions qu’en font Abbas et Fayyad est exacte, Israël se verra probablement obligé de se restreindre à quelque chose qui ressemblera aux frontières de 67, avec quelques changements de tracé mineurs à son avantage.

 

Mais si c’est l’un des deux Républicains qui passe, il est presque certain que la question palestinienne sera reléguée aux calendes grecques, et que notre cause deviendra un élément parasite à la bonne marche du monde, que les nouveaux venus s’emploierontà faire rayer de l’agenda international.

 

Dans ces conditions, pourquoi voudriez-vous que l’une des parties du différend israélo-palestinien se presse à concéder quoi que ce soit ? Elles pourraient le faire, en réglant entre eux les divergences qui ne sont pas insurmontables, évitant ainsi de miser aussi gros sur le destin de leur nation respective, mais pour cela, il faudrait qu’Abbas et Netanyahu se vouent une confiance minimale. Ce qui n’est assurément pas le cas.

 

 

 

Note :

 

[1] Sami El Soudi emploie ici le vrai patronyme de la famille de Jamal, les Dura, tel que leur nom figure sur leur carte d’identité. "Al Dura" procède d’une invention de France2, sans prise dans la réalité. L’obstination de la chaîne à continuer à appeler Jamal et Mohamed de cette manière, en toute connaissance de cause, appartient au domaine de la psychiatrie. Ndlr. 

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