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Décryptage des raids de dimanche

Le ballet des appareils israéliens, dimanche, dans le ciel de Damas

Décryptage des raids de dimanche (info # 010912/14)[Analyse]

Par Jean Tsadik © MetulaNewsAgency

 

A la Ména nous avons naturellement passé les dernières 48 heures à analyser la portée du double raid aérien du Khe’l Avir(l’Armée de l’air israélienne) visant, selon des sources étrangères concordantes, deux objectifs dans le périmètre de la capitale syrienne.

 

L’une des cibles détruites était un entrepôt situé dans l’aéroport international de Damas, l’autre, une base à al Dimass, à mi-chemin entre la capitale et la frontière libanaise, fréquentée par des militaires d’élite syriens et iraniens, ainsi que par des miliciens du Hezbollah libanais.

 

Notre première conclusion consiste à dire que les rapports provenant de diverses sources officieuses faisant état de nombreuses victimes lors de ces attaques, dont un haut gradé du Hezb, semblent plausibles proportionnellement à l'importance de ces frappes et l’étendue des dégâts que l’on a constatés sur les multiples documents filmiques postés sur le Net.

 

Il n’est pas possible, en effet, d’imaginer qu’il n’y ait eu de nombreux personnels dans ces emplacements stratégiques au moment des assauts. Les media d’Etat du régime alaouite se sont certes empressés d’annoncer qu’il n’y avait aucune victime ; quant à nous, et sur la base de notre expérience consommée du décryptage de ce genre d’opérations, nous serions surpris qu’elles n’aient pas fait des dizaines de morts, probablement même des centaines. A ce propos, Michaël Béhé, le chef de la Ména libanaise, nous a informés qu’on entendait les sirènes des ambulances sur les sites touchés jusqu’à quatre heures après les frappes.

 

Le fait que la junte de Béchar al Assad se soit contentée d’en appeler au Conseil de Sécurité de l’ONU et se soit abstenue de lancer ses menaces habituelles de représailles démontre deux choses : premièrement qu’elle n’est pas en mesure de se confronter même localement à Tsahal, toute occupée qu’elle est à sauver sa position à l’aéroport de Deir ez-Zor, à l’extrême est de la Syrie, en proie aux assauts répétés des combattants de l’Etat Islamique.

 

Damas ne contrôle plus de voie de communication terrestre pour ravitailler ses brigades dans cette région, et la perte de l’aéroport et des bases gouvernementales qui l’entourent signifierait la disparition de la présence de l’Armée dans cette vaste zone, l’incapacité qui s’ensuivrait d’y frapper ses adversaires par les airs, sans compter les milliers de soldats qui tomberaient entre les mains de l’EI et qui se battent donc pour leur survie.

 

Ensuite, al Assad est trop satisfait des opérations menées par la coalition internationale contre le Califat – et jamais jusqu’à présent contre ses propres troupes – pour détourner l’attention des Américains et de leurs alliés de leurs activités en allumant un nouveau foyer de confrontation face à Jérusalem. Dans ces conditions, mieux vaut, pour la dictature alaouite, prendre son mal en patience, se poser en victime de l’agressivité des Israéliens et claironner que cela démontre la collusion existant entre les Hébreux et la rébellion, y compris avec les composantes djihadistes, à en croire les communiqués damascènes.

 

A y regarder froidement, rien n’indique, dans les raids de dimanche, une quelconque coopération de ce genre, Israël se contentant d’écarter de son voisinage les menaces caractérisées par l’importation d’armes sophistiquées dans la région.

 

C’est donc délire et propagande, mais à une exception près ; celle constituée par la collaboration toujours plus étroite entre l’Etat hébreu et l’opposition armée non djihadiste dans le Golan. Nous en parlons depuis longtemps dans ces colonnes, sans pouvoir, de par notre obligation de réserve, nous étaler dans les détails.

 

Ce que nous pouvons cependant en dire, est qu’elle a permis, d’une part, aux groupes idéologiquement modérés du haut plateau de chasser l’Armée régulière et de prendre le contrôle continu de la frontière depuis le mont Hermon, au Nord, jusqu’à Hamat Gader, là où passe la triple frontière – Syrie, Jordanie, Israël – au sud-est du lac de Tibériade.

 

D’autre part, le soutien de Tsahal a procuré à ses alliés syriens la capacité de résister à l’emprise de DAECH et d’al Nosra, à l’inverse de ce qui se produit actuellement dans la plupart des autres parties de la Syrie, où la révolte modérée, en pleine débandade, se voit systématiquement phagocytée par les forces islamo-djihadistes.

 

C’est dire si la synergie dans le Golan conduit à des effets décisifs, au profit commun d’Israël et de la rébellion. Et si nous sommes disposés à en parler ce mardi plus librement qu’à l’accoutumée, c’est parce que les observateurs de la FNUOD, la Force des Nations Unies chargée d’Observer l’accord de Désengagement de 1974 dans le Golan, multiplie ces temps ses rapports publics au Conseil de Sécurité, mettant en évidence la coopération israélo-syrienne dont nous faisons mention.

 

Certes, puisque cet accord avait été signé entre Jérusalem et Damas à la suite de la Guerre de Kippour, et que les forces de Damas ont pratiquement disparu du Golan, il n’a plus de raison d’être, pas plus que ceux qui avaient la tâche d’observer son respect par les belligérants. Ajoutons à cela que les militaires onusiens ont été proprement chassés par les miliciens islamistes, probablement avec l’accord de la rébellion modérée, de la quasi-totalité des positions qu’ils occupaient sur le territoire syrien, et qu’ils ne quittent pratiquement plus leurs casernements sécurisés en zone israélienne. Cela leur procure plus de temps pour rédiger des rapports.

 

Ceux-ci répertorient non seulement les nombreuses activités sanitaires coordonnées entre les voisins, mais également de fréquentes rencontres entre responsables des deux entités ainsi que des livraisons de matériel destiné aux révoltés.

 

Le dernier rapport, remis le 1er décembre dernier par la FNUOD au Conseil de Sécurité, relate la construction d’un village de tentes situé à seulement 300 mètres de la frontière israélienne afin d’abriter les familles de 70 déserteurs de l’Armée d’Assad ayant rejoint l’opposition. Vu à la jumelle, il nous semble que les tentes et les boîtes de nourriture dispensée à ces familles portent des inscriptions en hébreu, mais tout le monde peut se tromper.

 

Pour en revenir aux attaques de dimanche après-midi, notre attention a été éveillée par deux évènements : 1. La colère de Moscou, qui a officiellement demandé des explications à Jérusalem au sujet de ces frappes et réclamé qu’elles ne se reproduisent plus. 2. La reconnaissance inaccoutumée par le régime syrien de ce que l’entrepôt détruit à l’aéroport international contenait des "missiles".

 

C’est si suspect que cela nous amène à penser que les deux objectifs visés ne contenaient pas du tout le même type d’armement. Selon nous, al Dimass abritait du matériel iranien, dont Moscou n’a rien à faire et qui était destiné au Hezbollah au Liban, tandis que l’autre cible renfermait des équipements russes, dont l’anéantissement a mis hors de lui Sergeï Lavrov, le ministre des Affaires Etrangères de Poutine depuis 2004. Ce dernier est connu ici pour son antisémitisme indécrottable, du genre de celui qui sévissait en Union Soviétique, [une pathologie dont Vladimir Poutine est parfaitement exempt. Ndlr.] et pour la "politique arabe de la Russie", que Lavrov n’a cessé d’avantager.

 

A notre avis, en œuvrant par recoupements, al Dimass abritait vraisemblablement des missiles sol-sol perses de type Fateh-110 (conquérant en farsi), d’une portée de l’ordre de 250km et pouvant transporter environ 500kgs d’explosifs, une quantité redoutable, ainsi que des drones, eux aussi de conception iranienne, dont plusieurs ont déjà été utilisés pour tenter de scruter le territoire israélien, notamment sur le littoral méditerranéen et sur le Golan. Il est possible que ces drones puissent aussi emporter de plus faibles quantités d’explosifs – une centaine de kilos ? – que le Hezbollah pourrait être tenté de précipiter sur les villes israéliennes.

 

En plus de ces chargements, les magasins d’al Dimass pouvaient éventuellement contenir des missiles antiaériens d’architecture russe, mais fabriqués en Chine ou en Corée du Nord. En janvier, en octobre 2013, ainsi qu’en février 2014, le Khe’l Avirétait déjà intervenu afin de neutraliser des missiles sol-air que Damas et Téhéran destinaient au Hezbollah.

 

Ce que nous écartons en principe est qu’il se soit trouvé des composants du système sophistiqué russe S-300, de défense contre des attaques aériennes à al Dimass. Parce que ce système est constitué de camions, de radars, de centres de commandement et de recueil de données, ainsi que de plusieurs rampes de tir, et que ces matériels sont trop volumineux, trop complexes et trop voyants pour être manipulés par une milice telle que le Hezbollah.

 

Non, en revanche, nous ne serions pas plus surpris que cela si les bâtiments atomisés par les F-16 à l’étoile de David à l’aéroport international contenaient quant à eux, non pas des missiles, mais des composants du fameux S-300. Cela expliquerait précisément la colère de Lavrov, qui n’apprécierait pas que les Jids[Juifs en russe] anéantissent le coûteux matériel qu’il venait de livrer à son allié alaouite.

 

Par le passé, Vladimir Poutine a beaucoup tergiversé sur le bien-fondé de doter al Assad d’un tel système. Après avoir promis à l’oculiste-dictateur de le lui livrer, il avait, sous la pression massive de Jérusalem - Binyamin Netanyahu s’était même spécialement déplacé au Kremlin pour adjurer le président russe de ne pas commettre cette "erreur" – accepté, de manière certes assez floue, de retarder sine die la livraison.

 

Mais compte tenu de la tension actuelle avec l’Occident autour de la question ukrainienne, et des sanctions que les Etasuniens et les Européens ont imposées à Moscou, et avec les chasseurs-bombardiers de la coalition qui sillonnent le ciel syrien comme s’ils évoluaient dans leur pré carré, on est libre d’imaginer que Poutine ait à nouveau changé d’avis, désireux de fournir à Damas la possibilité de rester maître chez lui, en lui conférant la capacité de mettre de l’ordre dans son ciel (ou de pouvoir menacer de le faire), à la fois face aux appareils alliés et ceux arborant l’étoile bleue à six branches. Il est clair que si le dispositif du S-300 était déployé – son déploiement complet dure tout de même environ un an – des raids comme ceux d’il y a deux jours seraient largement plus difficiles à réaliser pour les Israéliens.

 

Quant à ces derniers, ils entendent conserver les coudées franches sur la Syrie et l’Irak, principalement au moment où Barack Obama permet aux ayatollahs iraniens d’envoyer leurs vieux Phantoms F-4de l’époque du Shah pilonner les positions d’ISIS en Irak, et que cela plaît – on se demande bien pourquoi – à l’actuelle administration américaine.

 

Pendant qu’il coordonne ses opérations avec Khamenei – l’US Air Force manque-t-elle à ce point d’avions ? – et qu’il lui livre probablement des pièces détachées pour ses coucous, Obama prépare en secret des sanctions contre Jérusalem pour la punir de la politique qu’elle mène dans les territoires.

 

Ce qui a poussé 45 députés Républicains à réclamer au pensionnaire de la Maison Blanche de venir prestement s’expliquer à ce sujet devant le Congrès.

 

Or évoluant dans une telle situation, dans laquelle Washington favorise ses ennemis formant la junte théocratique perse, tout en préparant des mesures afin de pénaliser son allié régional participant de la seule démocratie de la contrée, il importait à l’exécutif israélien d’agir rapidement. Car il se demande sans doute à notre instar, si le blanc-seing donné par la coalition à l’armée de Béchar ne serait pas la résultante d’une négociation avec Téhéran.

 

Dans le doute, mieux valait détruire ce qui pourrait, à l’avenir, réduire notre capacité de réaction, en n’oubliant sûrement pas que le Hezbollah n’est rien d’autre qu’une milice supplétive de l’Armée de la "République" Islamique d’Iran.

 

Or si le Khe’l Avira réellement frappé dimanche [la censure nous oblige à employer le conditionnel], il a sans doute synchronisé deux opérations qui n’avaient rien à voir l’une avec l’autre.

 

Il aura simplement profité de neutraliser une seule fois les défenses antiaériennes et électroniques de l’ennemi, et d’envoyer une seule escadrille de suprématie aérienne protégeant les bombardiers dans leurs œuvres à deux endroits distincts mais tout de même très proches, surtout vu du ciel.

 

De plus, il se sera ménagé l’effet de surprise, qui n’aurait plus existé s’il était intervenu lors de deux raids séparés dans le temps, et aura ménagé les nerfs de la "communauté internationale", qui s’irrite facilement lorsqu’Israël défend ses intérêts, particulièrement s’il le fait plusieurs fois de suite.

 

Reste que nous sommes convaincus, à Métula, que les deux objectifs n’étaient pas de même nature, et que si, dans notre analyse par recoupements nous nous serions trompés, ce ne serait que sur des points de détail. 

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