Share |

Dernière ballade avec Amy, Par Sandra Ores

Amy et son ex-mari Blake Ca ne sentait pas forcément la rosée et les fleurs des champs

 

Dernière ballade avec Amy (info # 011108/11) [Hommage]

Par Sandra Ores © Metula News Agency

Non loin des banlieues pauvres et délaissées du nord-est de Londres - où des heurts, impliquant forces de police et jeunes vêtus de sweats à capuches, sur fond de magasins pillés, voitures et bâtiments brûlés, se déroulent après qu’un jeune homme a succombé à une balle tirée par un policier - se trouve le quartier bien différent, hétéroclite et prisé par les touristes, de Camden.

Un district lui aussi en deuil, depuis samedi 23 juillet, suite à la disparition d’une icône, chanteuse de musique pop soul, qui y avait établi ses quartiers. Amy Winehouse, artiste talentueuse, avait laissé les drogues et l'alcool dévaster sa vie. Elle a été retrouvée dans son appartement, sans vie, pour des raisons que l’autopsie n’a pas encore permis d’éclaircir.

Camden Town, véritable expérience visuelle, avec son marché aux puces, sa rue principale bordée de magasins de musique, de souvenirs kitsch et d’attirail grunge, ses présentoirs exposant les derniers accessoires ou chapeaux à la dernière mode.

Le week-end, impossible de marcher correctement sur les trottoirs, une foule d’étrangers, de locaux ou de badauds, piétine tout, du métro Camden Town, tout le long de l’artère centrale, jusqu’au marché.

On y croise des individus tatoués, parfois sur des parties entières du corps, des gothiques aux longs manteaux noirs, perchés sur de hautes semelles compensées, des midinettes en minijupes arborant la version bon marché de la dernière veste à la mode, ou des garçons en chemises à carreaux aux cheveux ébouriffés.

Un peu plus loin, en passant le Camden lock, le pont supportant une vieille ligne de chemin de fer, la foule s’est déjà dissipée, et il ne reste que des magasins de vinyles ou de vêtements vintage bien sélectionnés, tandis que commencent à s’aligner les bars et les pubs.

A droite, juste après le pont, s’érige un pub de quartier où s’agglutinent, à la sortie du travail, des riverains autour d’une – ou plutôt de plusieurs – bières ; le Hawley Arm’s, déjà mythique, où la diva londonienne, aux cheveux noirs crêpés et relevés dans un énorme chignon, et aux yeux surlignés d’un épais trait de maquillage noir, avait l’habitude de se rendre avec le chanteur Pete Doherty ou avec Mark Ronson – le producteur de Back to Black, l’album qui l’a propulsée sur la scène internationale.

En s’engouffrant dans les rues adjacentes, vous posez le pied dans le territoire de la chanteuse : des rues charmantes, très calmes, des maisons cubiques à un ou deux étages, entourées d’arbres, construites de briques rouges ou beiges, avec les contours des fenêtres blancs ; d’autres rues, encore, exhibant leurs maisons alignées de forme identique, simplement peintes, chacune, d’une couleur pastel différente : rose, vert ou jaune pâle, mauve. Un petit espace de verdure les sépare de la rue, d’où l’on aperçoit parfois l’intérieur, faute de rideaux.

Vous auriez pu y croiser Amy dans son simple attirail : comme un leggings (caleçon moulant allant de la taille aux chevilles) léopard et débardeur vert, avec des petites baskets ; ses cheveux ébouriffés, look cher à tout londonien qui se respecte : le "coiffé décoiffé" ; ou le "négligé arrangé", les cheveux desséchés par la dureté de l’eau locale. Ou, moins drôle, dans son pire état, au détour d’une nuit bien trop arrosée.

 

Si Camden Town était réputée dans le temps pour son insécurité, aux abords de la bouche de métro ou dans les recoins sombres environnant, à cause de la présence des stupéfiants, le quartier affiche aujourd’hui un caractère tout à fait bobo.

Aux pieds de Primrose hill – la colline des primevères – on peut parcourir un parc vallonné, enceint entre des maisons luxueuses, d’où l’on peut voir la ville s’étendre, de la haute tour BBC jusqu’à Crystal Palace, palais d’exposition en fonte et verre au Sud. Les pelouses se couvrent, les week-ends d’été, de Londoniens, s’y donnant rendez-vous pour un pique-nique, arrosé de bières et bouteilles de vin blancs ; ballons de foot à proximité et coups de soleils assurés, pour les gars exposant leur peau rosée de British à un soleil italien s’étant trompé d’orbite.

Au Nord, les quartiers huppés du village d’Hampstead. A l’Ouest, le Regent Canal et le zoo, où flamands roses, girafes et varans de Komodo évoluent à la lisière du gigantesque parc royal. Au Sud, on s’approche du centre, de la "zone 1", pour tomber sur les environs de la gare de King’s Cross, naguère assez mal famée, jusqu’à ce que l’Eurostar n’y soit aiguillé, et le quartier vidé de ses prostituées et autres trafiquants de drogues.

Les mêmes drogues qui ont eu raison de la chanteuse de 27 ans seulement, dont la carrière s’est vue brutalement interrompue, semant le désespoir parmi ses fans. Amy Winehouse incarnait un style authentique, totalement made in London. Elle chantait des airs de pop soul, inspirés de jazz et de blues, assaisonnés de paroles et un style de vie rock ’n’ roll, à la sauce Rolling Stones, à la mode dans les années 60, dans la capitale britannique.

Issue d’une famille ouvertement juive, amoureuse du jazz, appartenant à la classe ouvrière, elle grandit dans le nord-est de Londres. De là son accent cockney, accent régional détesté en Grande-Bretagne et difficile à comprendre, que l’on entend souvent dans les double-deckers, les fameux bus rouges à deux étages. Les double-deckers emmenant leurs passagers à travers ces endroits de l’East London, que le métro ne dessert pas, dans lesquels des hommes sans maisons montent, l’hiver, pour se réchauffer, ou d’autres, aux yeux bleus, auxquels il manque une dent.

Dès dix ans, la petite ne pense qu’à chanter. Se produisant d’abord dans un orchestre de jazz, c’est à l’âge de vingt ans, en 2003, qu’elle signe son premier album, Franck (deux millions d’albums vendus), et promulgué disque d’or en Angleterre l’année suivante.

Mais elle s’affirme sur la scène musicale et explose à l’international trois ans plus tard, lors de la sortie de son deuxième album, Back to black, qui sera le plus vendu au Royaume-Uni cette même année. Qui contient sa célèbre chanson Rehab (They tried to make me go to rehab, but I said no, no, no – ils ont essayé de me faire aller dans un centre de "desintox", mais j’ai dit non, non, non).

Un titre pour lequel elle obtient, en 2008, trois Grammy awards (prestigieuse récompense musicale décernées aux Etats-Unis) : Chanson de l’année, Enregistrement de l’année, Meilleure performance féminine pop.

Chantant avec l’énergie de toute sa mâchoire des textes aux mots accrocheurs, elle révèle, sans pudeur, les comportements illogiques qu’elle emprunte dans la vraie vie, et qui la mènent irrésistiblement à l’échec ; le tout exprimé avec recul et détachement, la fixant dans une existence complètement décalée de ceux qui, par exemple, s’entassent le matin dans la central line (ligne de métro traversant Londres d’Est en Ouest) afin de rejoindre la City (le quartier des affaires).

Cependant, la jeune femme renferme une personnalité fragile, qui, associée au succès et à un mal de vivre la dévorant de l’intérieur, la plonge dans la toxicomanie et l’alcoolisme. Les paparazzis s’en donnent à cœur joie pour la photographier dans ses pires moments : visage décomposé, boutons et cicatrices sur le visage, maigreur, se jouant d’autre part de sa relation amoureuse désastreuse avec "Blake" [Blake Fielder, ex-mari d’Amy, un réalisateur de vidéo-clips aussi défoncé qu’elle. Ndlr.]...

Elle suit une pente plus ou moins douce vers sa fin, et se voit tellement ravagée par la drogue, que bientôt elle n’assure plus correctement ses concerts, trop défoncée pour pouvoir monter sur la scène. En juin dernier, elle se fait huer par son public à Belgrade, en Serbie, car elle titube sur scène et ne se révèle pas capable de chanter en rythme ; le reste de sa tournée européenne sera annulé. La star ne semble déjà plus faire partie de notre monde.

A entendre son père, qui a, sans grand succès, tenté de la protéger de son cancer mental, la vedette tatouée aurait radicalement arrêté de boire de l’alcool les semaines ayant précédé son décès – créant un manque, qui serait, selon lui, à l’origine d’une crise cardiaque fatale. Mitch Winehouse, avait d’ailleurs été cité dans le titre Rehab : "I ain’t got the time [to go to rehab] and if my daddy thinks I’m fine" (je n’ai pas le temps et si mon papa pense que je vais bien…).

Les tabloïds anglais, eux, avancent plutôt la thèse de l’abus de drogue, mélangé à la prise de médicaments. Les résultats de l’enquête devraient être affichés au grand jour prochainement. Au-dessus de toutes ces polémiques, plus qu’un crime, la prise de drogue apparaît comme une véritable maladie. Dans le cas d’Amy, sa principale addiction était toutefois l’alcool.

Un parti conservateur suisse, l’UDC (Union Démocratique du Centre), a publié, la semaine dernière, une photo étalant une Amy Winehouse en fort mauvais état, l’utilisant pour une campagne défendant la pénalisation de la drogue ; une affiche surplombée du commentaire "une voix sans issue", vigoureusement controversée.

"L’utilisation extrême d’une people comme Amy Winehouse peut être assez contre-productive", affirme la porte-parole d’Addiction Info Suisse (une fondation privée, entendant prévenir ou atténuer les problèmes liés à l’alcool et aux autres drogues), Donatella Del Vecchio ; Del Vecchio qui poursuit : "montrer une vedette dans un état déplorable, c’est stigmatiser les personnes dépendantes. Cela peut les décourager d’aller chercher de l’aide". La Suisse est actuellement le théâtre d’un débat sur la dépénalisation des drogues.

La vie chaotique de la jeune chanteuse aux allures de pin-up trash, sa mort prématurée, associées à son indéniable talent et son style musical très personnel, constituent des ingrédients qui pourraient la faire entrer dans la légende. D’autant plus que, quittant ce monde à 27 ans, Amy se retrouve candidate pour rejoindre l’obscur "Club des 27" ; regroupant des artistes mythiques influents du rock et du blues, tous morts à 27 ans, comme Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, ou encore Curt Cobain ; le chiffre 27 relèverait, toutefois, davantage du hasard des probabilités que de la magie, étant donné le nombre élevé de chanteurs célèbres décédés avant 30 ans.

La musique d’Amy est-t-elle à la hauteur pour passer la postérité ? Ce qui manque peut-être à l’artiste, c’est d’incarner une révolution culturelle, une époque témoin de l’évolution des mentalités. Encore que les mouvements de foules et les protestations populaires semblent se propager dans de nombreux pays comme des champignons ; mais le lien avec sa musique reste tout à fait incertain. A Metula, où on apprécie le talent et l’authenticité, on préfèrerait toutefois que ce soit Amy Winehouse, et non Justin Bieber, qui entre dans la légende. 

Publier un nouveau commentaire

CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage.
5 + 1 =
Résolvez cette équation mathématique simple et entrez le résultat. Ex.: pour 1+3, entrez 4.

Contenu Correspondant