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Fin de régime en Syrie ?

 

Fin de régime en Syrie ?

par Daniel Pipes
National Review Online
 

http://fr.danielpipes.org/9846/fin-de-regime-en-syrie

Version originale anglaise: Fin de Régime in Syria?
Adaptation française: Johan Bourlard

 

La révolte en Syrie présente de formidables perspectives, tant humanitaires que géopolitiques. Les États occidentaux devraient, de façon rapide et vigoureuse, saisir cette opportunité pour se débarrasser de Bachar el-Assad et de ses complices et de les expédier dans les poubelles de l'histoire, avec de nombreux avantages à la clé.

À l'étranger. Le pernicieux mais fin stratège Hafez el-Assad a, pendant des décennies, rongé le Moyen-Orient en y étendant l'influence syrienne de façon disproportionnée. Son fils, l'incapable Bachar, poursuit sur cette voie depuis 2000 : envoi de terroristes en Irak, assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri et renversement de son fils Saad, soutien aux groupes terroristes du Hezbollah et du Hamas, et mise au point d'armes chimiques et nucléaires. Son élimination sera une bénédiction pour le monde.

 

Mais le rôle principal de Bachar sur le plan international est de servir d'allié principal de Téhéran. Bien que les Occidentaux voient en général l'alliance syro-iranienne comme un mariage de raison fragile, cette union dure depuis plus de trente ans et résiste aux changements de personnes et de circonstances, car les deux pays partagent ce que Jubin Goodarzi appelait en 2006 des « préoccupations stratégiques à long terme plus larges, dues à leurs priorités de sécurité nationale. »

Mais l'intifada syrienne a d'ores et déjà affaibli le « bloc de la résistance » mené par l'Iran, en exacerbant la prise de distance politique de Téhéran avec Assad et en fomentant des divisions parmi les dirigeants iraniens. Actuellement, les manifestants syriens brûlent le drapeau iranien et si les islamistes (sunnites) venaient à prendre le pouvoir à Damas, ils couperaient les ponts avec l'Iran, mettant ainsi un coup d'arrêt à la folie des grandeurs des mollahs.

 
La fin du régime d'Assad a d'autres implications importantes. Bachar et le parti islamiste AKP, au pouvoir en Turquie, ont développé des relations si étroites que certains analystes voient dans le renversement du régime d'Assad un prélude à l'effondrement de toute la politique d'Ankara au Moyen-Orient. En outre, les troubles parmi les Kurdes de Syrie pourraient conduire à l'élargissement de leur autonomie qui, à son tour, pourrait encourager les Kurdes d'Anatolie à réclamer un État indépendant. Cette perspective inquiète Ankara à tel point que la Turquie a envoyé un flot de visiteurs de haut niveau à Damas et a conclu dans l'urgence un accord de contre-insurrection.

 

Les remous en Syrie sont un soulagement pour le Liban, qui vit sous la coupe syrienne depuis 1976. De même, les préoccupations de Damas permettent aux stratèges israéliens, au moins temporairement, de se concentrer sur les nombreux autres problèmes que connaît le pays avec l'étranger.

Sur le plan national. Dans une interview au sujet des événements en Tunisie et en Égypte, et quelques semaines avant que la révolte ne touche son propre pays le 15 mars, Bachar el-Assad expliquait, avec suffisance, le malheur rencontré par les Syriens : « Chaque fois qu'il y a un soulèvement, il va de soi qu'il y a de la colère qui se nourrit du désespoir. »

Désespoir est le mot qui résume bien le sort du peuple syrien. Depuis 1970, la dynastie des Assad domine la Syrie avec une poigne stalinienne à peine moins oppressante que celle de Saddam Hussein en Irak. Pauvreté, expropriation, corruption, stagnation, oppression, peur, isolement, islamisme, torture et massacre sont les marques de fabrique du régime d'Assad.

 
Cependant, grâce à la cupidité et à la naïveté de l'Occident, les étrangers prennent rarement conscience de la dimension de cette réalité. D'une part, le régime syrien soutient financièrement le Centre d'études syriennes de l'Université Saint Andrews. D'autre part, il existe un lobby syrien informel. Ainsi, alors que la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton parle de Bachar el-Assad comme d'un « réformateur », le magazine Vogue fait de la retape pour l'épouse du tyran, « Asma el-Assad : une rose dans le désert » (la qualifiant de «glamour, jeune et très chic, la plus fraîche et la plus charismatique des premières dames »).

 

Il faut noter qu'un danger pourrait se présenter à la suite du changement de régime. Il ne faut pas s'attendre à un coup d'État plus ou moins en douceur comme en Tunisie ou en Égypte, mais à une révolution de fond en comble dirigée non seulement contre le clan Assad mais aussi contre la communauté alaouite dont celui-ci est issu. Secte secrète post-islamique représentant environ un huitième de la population syrienne, les alaouites dominent le gouvernement depuis 1966 et suscitent l'hostilité profonde de la majorité sunnite. Les sunnites font l'intifada et les alaouites font le sale boulot en les réprimant et en les tuant. Cette tension pourrait provoquer un bain de sang et même une guerre civile, autant d'éventualités que les puissances étrangères doivent reconnaître et auxquelles elles doivent se préparer.

Comme la Syrie demeure dans l'impasse, avec ses manifestants qui emplissent les rues et son régime qui les tue, la politique occidentale peut jouer un rôle décisif. Steven Coll du New Yorker a raison quand il dit que « le temps des négociations prometteuses avec Assad est révolu ». Il est temps maintenant de mettre de côté les craintes d'instabilité car, comme l'observe avec justesse l'analyste Lee Smith, « on ne peut pas avoir pire que le régime d'Assad ». Il est temps maintenant de chasser Bachar du pouvoir pour protéger les alaouites innocents et pour traiter avec les futurs dirigeants, quels qu'ils soient.

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