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La police tunisienne s'attaque au niqab

La police tunisienne s'attaque au niqab

 

THOMAS LIABOT

 

 

Le ministère tunisien de l'Intérieur a annoncé qu'il allait renforcer le contrôle des personnes portant le voile intégral, pour faire face aux risques terroristes. Une décision qui ne suscite pas de polémique dans le pays.

Une semaine après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution tunisienne, lundi 10 février, le pays s’attaque au niqab. Vendredi, le ministère de l’Intérieur a annoncé un «contrôle renforcé» des femmes portant le voile intégral. «Cette mesure a été prise en raison des menaces terroristes enregistrées dans le pays et en raison du recours suspect au niqab […] pour se déguiser et fuir la justice», a expliqué le ministère, dans un communiqué publié sur sa page Facebook. Les autorités appellent à la «compréhension de tous» afin «d’aider les unités sécuritaires à faire leur travail».

Cette annonce s’explique à la lumière d’événements récents. Le 10 février dernier, la police a arrêté un salafiste, membre d’un mouvement jihadiste, recherché depuis huit mois pour diverses violences. L’homme se dissimulait sous un voile intégral. Auparavant d’autres hommes ont été interpellés alors qu’ils usaient du même stratagème. Depuis 2011, la Tunisie est confrontée à l’essor de groupes jihadistes accusés, notamment, du meurtre de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi l’an dernier. Une vingtaine de militaires et de membres des forces de l’ordre ont aussi été tués en 2013 lors d’affrontements ou par des bombes posées par des jihadistes présumés. Début février, un gendarme a été tué lors d’une opération terroriste durant laquelle plusieurs suspects ont été abattus, près de Raoued, dans la grande banlieue de Tunis.

DÉBAT SUR LE PORT DU NIQAB DANS LES LIEUX PUBLICS

Dans ce contexte, la décision de contrôler les femmes en niqab est relativement bien acceptée dans le pays. «Il y a une situation de hantise en Tunisie vis-à-vis du fait terroriste. La rumeur circule que des criminels se cachent sous le niqab pour mener des attentats. Cette décision répond à une demande de la population, les gens sont effrayés», analyse le politologue tunisien Larbi Chouikha. «Je ne vois pas là de motivation politique de la part du gouvernement mais des raisons sécuritaires avant tout.» 

Connu pour ses positions extrémistes, comme lorsqu’il avait appelé au meurtre de plusieurs artistes en juin 2012, Houcine Laâbidi, l’imam de la mosquée Zitouna, s’est montré favorable à ce projet. Il explique que le niqab n’est en rien imposé par l’islam et devient proscrit par la charia s’il est lié au terrorisme. Imen Triki, la présidente et avocate de l’association Liberté et équité, qui s’est fait connaître en prenant la défense des porteuses du voile ou du niqab, estime aussi que cette décision tombe sous le sens. «Le contrôle renforcé sur les porteurs du niqab est une mesure préventive», a-t-elle déclaré au micro de la radio tunisienne Express FM.

Si cette mesure ne doit pas être confondue avec une interdiction du voile intégral, la question est néanmoins sur la table. La Tunisie a ouvert depuis deux ans environ un débat sur le port du niqab dans les lieux publics. Le port du niqab n’était pas toléré sous le régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali, mais il a réapparu depuis la révolution de janvier 2011. Ces derniers mois, plusieurs universités ont été le théâtre de heurts entre partisans du droit de porter le voile intégral et leurs détracteurs. La semaine dernière, un mouvement intitulé «Il est temps d’interdire le niqab» a vu le jour sur Facebook. Pour Larbi Chouikha, cependant, le gouvernement «n’aurait pas intérêt à ouvrir un débat aussi vaste à quelques mois des élections présidentielles».

Thomas LIABOT

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