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Le président tunisien reçoit le chef de la communauté juive

Béji Essebsi, à droite, recevant Roger Bismuth au palais de Carthage

Le président tunisien reçoit le chef de la communauté juive(info # 010605/15)[Analyse]

Par Hevi Pekoz © MetulaNewsAgency

 

Hier, mardi, le Président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, a reçu au palais de Carthage le Président de la Communauté israélite tunisienne, l’industriel Roger Bismuth.

 

La rencontre, qui s’est voulue très protocolaire, a permis au chef d’Etat de réaffirmer l’importance que la Tunisie accorde à sa communauté juive.

 

Il a réitéré son engagement à traiter tous ses "enfants" de confession mosaïque en toute égalité afin qu’ils puissent connaitre une coexistence "exemplaire et tolérante".

 

Pour sa part, Monsieur Bismuth a rappelé l’attachement de tous les membres de sa communauté à leur pays, ainsi que son désir de voir le pèlerinage de Lag Ba’Omer, la Ghriba, sur l’île de Djerba, couronné de succès.

 

Roger Bismuth, s’adressant à la presse dans une salle du palais, a dit toute l’importance de ce pèlerinage pour la promotion du tourisme tunisien et pour sa réussite globale.

 

Il est vrai que la capacité du régime tunisien à préserver sa petite communauté juive est considérée par de nombreuses chancelleries européennes et par Washington comme le baromètre du succès de son processus démocratique, et que cette capacité conditionne, au moins partiellement, leur volonté d’investir et de soutenir cet Etat maghrébin.

 

Et Roger Bismuth est considéré par les capitales occidentales comme un témoin respectable, un patriote tunisien fiable, et un Juif objectif et bien informé des évolutions dudit thermomètre ; c’est ce qui explique qu’elles le consultent régulièrement.

 

Devant les caméras, en dépit de la solennité de la rencontre, Essebsi et Bismuth se sont tutoyés.

 

A l’abri des micros, ils ont procédé à un tour d’horizon approfondi, une demi-heure durant, des problèmes politiques, sécuritaires et économiques auxquels leur pays doit faire face. Les deux hommes, qui ont pratiquement le même âge (89 ans), jouissent à la fois d’une très grande expérience dans ces domaines et d’une non moins importante notoriété. Tous deux ont toujours œuvré pour le progrès de la Tunisie et de ses habitants ; ce qui n’a jamais empêché Roger Bismuth d’exprimer aussi, ouvertement, son attachement à ses traditions ainsi qu’à l’Etat d’Israël.

 

Cet ancien député a réussi à démontrer qu’on pouvait à la fois exprimer sa fidélité sans faille, tout au long d’une vie bien remplie, pour son pays, même si sa religion officielle est l’islam, ce, sans trahir le peuple auquel il appartient et ses aspirations.

 

La question "israélienne" n’a pas été évitée lors de l’entretien, Monsieur Essebsi confirmant que les ressortissants de l’Etat hébreu étaient les bienvenus dans son pays, et notamment à l’occasion du pèlerinage de la Ghriba, qui débute aujourd’hui.

 

Une polémique avait vu le jour, la semaine dernière, lorsque le ministère israélien des Affaires Etrangères avait émis un avis de prudence, déconseillant aux citoyens de l’Etat hébreu de se rendre à Djerba cette année, pour des raisons sécuritaires.

 

Tunis avait réagi très rapidement, en assurant que toutes les dispositions avaient été prises et que l’intégrité de tous les visiteurs serait assurée.

 

Roger Bismuth, depuis l’île de Djerba, nous a confirmé cet état de fait, nous rapportant que le déploiement des militaires, des policiers et des agents en civil était effectivement impressionnant.

 

Dans l’avion qui l’emmenait de Tunis à Djerba, de nombreux ambassadeurs étrangers, ainsi que des officiels tunisiens avaient pris place. Parmi eux, la ministre du Tourisme, Selma Elloumi, qui, dans une ambiance bonne enfant, n’a cessé de plaisanter avec le président de la communauté juive et les autres passagers.

 

Les media tunisiens ont abondamment couvert la rencontre du palais de Carthage, avec force photos et reportages vidéo. Au niveau du texte, les journaux locaux étaient cependant avares de détails ; presque tous se sont prêtés à l’exercice d’acrobatie consistant à embrasser la communauté israélite de Tunisie, tout en restant extrêmement froids relativement à Israël, et particulièrement à l’encontre de ses dirigeants.

 

Ainsi, on accepte les touristes israéliens, mais on n’entend pas progresser, en tout cas pas officiellement, vers un réchauffement des relations entre les deux pays.

 

Les deux Etats avaient, par le passé, échangé des bureaux d’intérêt, sortes de mini-ambassades, mais la tentative avait tourné court, notamment en raison de la pression arabe exercée sur Tunis.

 

Des relations existent, certes, entre les deux entités, mais elles sont limitées à des domaines spécifiques et restreints, comme la médecine et certains aspects marginaux de la lutte antiterroriste.

 

A ce sujet on peut dire que les deux capitales ont eu raison en ce qui concerne leur évaluation de la sécurité du pèlerinage de la Ghriba et celle des Israélites de Tunisie. En d’autres termes, la menace islamiste existe bel et bien dans ce pays du Maghreb, et les affrontements entre les forces armées et les djihadistes sont fréquents et parfois mortels.

 

Ces derniers mois, par ailleurs, l’Armée et la police ont enregistré des succès prometteurs dans leur lutte face au terrorisme.

 

Cela n’empêche que Jérusalem avait raison de conseiller la prudence aux Israéliens, en raison des activités de ces mouvements radicaux, farouchement opposés aux Juifs et aux Israéliens, mais également à l’ordre républicain que tente d’imposer le gouvernement.

 

C’est dans cette ambiance de cordialité sous condition, que le quotidien indépendant tunisien Le Temps titrait, sous la plume de Samia Harrar, un article intéressant : "Un espoir de paix…".

 

Dans ce papier, la consœur se réfère à l’importance historique et traditionnelle de la synagogue de la Ghriba, qui serait bâtie "en partie, avec des vestiges du Temple de Salomon".

 

Roger Bismuth a ajouté à notre intention, que la présence juive à Djerba remonte à plus de 3 000 ans, soit plus de 1 600 ans avant la naissance de l’Islam. Le président de la communauté israélite nous a raconté comment ses lointains aïeux, fuyant les persécutions dans le Royaume d’Israël, avaient traversé l’Egypte et le nord du Maghreb pour venir s’installer sur la "douce île de Djerba" comme l’appelle Samia Harrar.

 

Pour le reste, son article suit la ligne officielle : chaleureuse avec ses compatriotes juifs, avenante avec les touristes israéliens, et hostile à l’encontre du "premier ministre israélien et ses sbires", qui, à l’en croire, n’auraient rien retenu des leçons de l’histoire.

 

Notre camarade va jusqu’à conseiller "vivement" à Binyamin Netanyahu de venir en pèlerinage à la Ghriba, espérant qu’il y serait peut-être "touché par la grâce".

 

C’est précisément toute la problématique qui persiste entre Jérusalem et une grande partie du monde musulman : Pour qu’ "un espoir de paix" existe réellement, il aurait fallu que cette invitation vienne du président Essebsi, qu’il aurait pu, pourquoi pas ?, transmettre à Roger Bismuth lors de leur réunion.

 

Philosophes, nous nous disons que cette relation amour-haine est préférable à la violence et à l’hostilité ; elle permet même d’entretenir l’éventualité future de relations "normales" entre les nations cousines, si proches l’une de l’autre dans leur histoire et leur tradition, mais si séparées par les considérations politiques et nationalistes. Si le lien est maintenu, c’est notamment grace à la présence et à la dignité de personnalités hors du commun comme le Président Roger Bismuth. 

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