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Liban : un geste minable de la France

 

Liban : un geste minable de la France (info # 012112/10) [Analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency

 

La France n’est plus ce qu’elle était. Depuis longtemps. Je l’écris sans aucune joie ni émotion particulière. Je me contente d’établir un constat. Au temps du général de Gaulle, la France avait adopté une succession de postures anti-américaines et anti-israéliennes qui tutoyaient parfois l’antisémitisme : souvenez-vous du discours de de Gaulle sur le peuple « sûr de lui et dominateur ».

 

Ce penchant fâcheux s’est poursuivi bien après la retraite du général, au nom de la « politique arabe » que celui-ci avait enclenchée. Cela avait semblé s’atténuer un peu, du temps de la présidence de François Mitterrand (je le concède, bien que je n’aie qu’une sympathie très limitée pour le personnage).

 

La même acrimonie aux effluences racistes fut particulièrement flagrante durant la période où Jacques Chirac occupait l’Elysée, Dominique de Villepin le ministère des Affaires Etrangères et Saddam Hussein ses nombreux palais à Bagdad. 

 

D’aucuns ont pensé qu’avec Nicolas Sarkozy un changement allait s’amorcer. Mais quand des tendances enracinées sont à l’œuvre, elles ne s’interrompent pas aussi facilement ; et quand on est une petite puissance endettée et appauvrie, on peut donner de la voix quelquefois, mais pas davantage.

 

Voici quelques mois, Nicolas Sarkozy avait décidé que la France vendrait des vaisseaux militaires à la Russie, ce qui n’avait pas dérangé Obama, que rien de ce qui est nuisible à la puissance américaine ne dérange. Il en avait néanmoins résulté une certaine irritation dans les cercles militaires américains.

 

Hier, le même Nicolas Sarkozy a décidé que la France vendrait des missiles antichars HOT, destinés à être utilisés depuis des hélicoptères Gazelle [1], à l’armée libanaise. Le gouvernement israélien a fait part de sa préoccupation et y a vu un geste hostile. On a, à Paris, feint, en toute lâcheté, de ne pas comprendre.

 

L’armée libanaise, dit-on à Paris, n’est pas en guerre avec Israël. Et elle n’a, c’est évident, aucun rapport avec le Hezbollah.

 

On pourrait dire aux gens qui tiennent ce discours, que le Hezbollah a profondément infiltré l’armée libanaise, et que les éléments de l’armée libanaise qui ne sont pas infiltrés par le Hezbollah craignent le Hezbollah et sont prêts à plier devant lui si la situation l’exige.

 

On pourrait ajouter que l’indépendance du gouvernement libanais relativement au Hezbollah ressemble chaque mois davantage à une fiction.

 

On pourrait souligner que le Hezbollah ne se considère, lui, pas seulement en guerre avec Israël, mais se donne pour finalité de détruire l’Etat Hébreu.

 

On pourrait aussi chasser tout cela comme on chasse une mouche en prenant un air de dérision et en disant que le Hezbollah n’a, de toute façon, pas besoin des missiles français : il dispose de missiles russes plus performants que lui a fournis la Syrie et qui ont été payés par l’Iran d’Ahmadinejad. Pourquoi utiliser du matériel médiocre quand on a mieux sous la main ?

 

On pourrait esquisser un sourire condescendant, en se disant que les hélicoptères Gazelle sont eux-mêmes trop peu efficaces pour être dangereux pour l’armée israélienne, et gager que, si nécessaire, celle-ci les abattrait au sol ou sitôt qu’ils quitteraient celui-ci.

 

On pourrait regarder un dirigeant français dans les yeux et lui demander si ce sont les gerçures dues au froid qui l’empêchent de sourire. La France sait tout ce qui concerne l’armée libanaise et le gouvernement libanais, le Hezbollah et les armes dont celui-ci dispose. Elle possède des agents sur place et des soldats dans les troupes de la FINUL, stationnées au sud Liban et qui font preuve de la remarquable efficacité que l’on sait. 

 

Pourquoi une décision de ce genre a-t-elle été prise ? Pour feindre que la France croit encore à l’indépendance du Liban ? Pour plaire au Hezbollah et à ses commanditaires ? Pour empocher une partie de l’argent que l’administration Obama a donné au Liban voici quelques semaines pour faire quelques emplettes ?

 

On ne saura pas. C’est un geste sans grande portée, sans grand danger, mais minable. Sans courage. Sans droiture. Sans une once résiduelle de grandeur.

 

Un ami français m’a dit qu’il était déçu par ce geste. Je lui ai demandé comment la France pouvait encore le décevoir. Il m’a dit qu’il voterait blanc aux prochaines élections présidentielles. Si je suis encore en France à ce moment, je ne ferai pas comme lui : je ne voterai pas du tout. Ce sera plus simple.

 

Une petite puissance endettée et appauvrie prend des décisions dignes de sa propre indignité. Ces décisions n’ont pas à susciter la déception. Elles n’ont pas à susciter la surprise ou la colère.  Elles n’ont pas à être accueillies avec de gros titres dans la presse. Leur place serait dans les petites annonces.

 

« Pays nécessiteux et sans principes, prêt à vendre matériel de guerre un peu défectueux. Prix soldé. Efficacité du matériel non garantie. Si intéressé, écrire à l’Elysée qui fera suivre ».

 

En rédigeant le texte de l’annonce imaginaire, je ne pouvais m’empêcher de penser au texte d’autres annonces imaginaires, publiées aux Etats-Unis après les discours lyriques de Villepin, à l’automne 2002 : « A vendre : fusils de l’armée française. Jamais utilisés sur le champ de bataille. Jetés au sol une fois, au moment où les soldats qui les portaient se livraient à l’ennemi sans combattre ». Ou encore : « A céder : char d’assaut français, équipé seulement d’un levier de vitesse permettant la marche arrière ».

 

 

Notes (Jean Tsadik) :

 

[1] Le missile HOT peut également être tiré depuis un poste de tir au sol ou un VAB (Véhicule de l’Avant Blindé).

 

La milice du Hezbollah, qui menace de renverser le gouvernement légal libanais, ne disposant d’aucun char d’assaut, force est de déduire de cette livraison de missiles français, qu’ils ne peuvent être employés que contre les Merkava de Tsahal.

 

Soit par les Forces Armées Libanaises, soit par la milice chiite, une fois qu’elle aura officiellement pris le pouvoir à Beyrouth. 

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