NETANYAHOU VIRE À L’EXTRÊME-DROITE
Par Jacques BENILLOUCHE
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe politique tant elle était peu attendue. La fusion des listes électorales du Likoud et d’Israël Beitenou, sans pour l’instant fusionner les partis, pousse Benjamin Netanyahou à l’extrême droite de l’échiquier politique. Le Likoud prend des risques car il n’est pas certain que cette addition ne se transformera pas en soustraction si certains électeurs désappointés par la proximité avec les nationalistes choisissent un autre bord. On imagine la réaction française face à une fusion de l'UMP et du Front national.
Déceptions
Cette décision ne semble pas inquiéter outre mesure le parti de Yaïr Lapid et les travaillistes. Ils pourraient bénéficier des voix du centre qui n’acceptent pas de se porter sur Likoud Beitenou. Le Likoud compte actuellement 28 députés et Israël Beiteinou 15, sur un total de 120 au Parlement. Les deux formations réunies espèrent obtenir plus de 43 mandats au prochain scrutin par effet politique.
On comprend mieux à présent la décision de Moshé Kahlon qui avait été mis dans le secret en tant que numéro 2 du Likoud et qui n’a pas voulu cautionner le virage à droite de son parti alors qu’il prônait des mesures sociales pour les classes défavorisées. Il est vrai que cette alliance pourrait jour un rôle médiatique important pour donner du sel à une campagne qui risquait d’être terne tant les résultats étaient attendus par avance. En effet, Netanyahou se trouvait face à un vide politique que les autres partis avaient du mal à combler. La donne est à présent changée.
Déclarations à l’excès
Les déclarations de la classe politique israélienne ne brillent pas par la modération tandis que les excès dénotent un manque d’arguments politiques. Ainsi le leader du parti Kadima Shaoul Mofaz, en pleine déconfiture dans les sondages, a réagi en déclarant qu'Avigdor Lieberman avait «transformé le Likoud en parti raciste». Les représentants du micro parti d'Ehud Barak, Hatsmaout, qui doivent regretter de ne pas avoir été intégrés à cette nouvelle formation, ont fait part de leur crainte d'une «fanatisation inquiétante de l'électorat de droite».
Les projets de Yaïr Lapid ont été contrariés car il avait toujours annoncé qu’il intègrerait une coalition avec le Likoud sachant que son parti, Yesh Atid, ne pourrait jouer le rôle que de supplétif dans une coalition de droite ou de gauche. Il accepterait difficilement de cohabiter avec une équipe nationaliste. C’est le cas aussi de la présidente des travaillistes, Shelly Yecimovitch, qui n’avait pas exclu de se joindre à un gouvernement d’unité nationale car elle ne se sentait pas en capacité de diriger un gouvernement, par manque d’expérience politique. Il est improbable qu’elle accepte le virage à l’extrême-droite de Netanyahou.
Les réactions ambiguës du parti orthodoxe Shass démontrent son inculture politique. Tandis que ses chefs ont publié un message de félicitations suite à l'annonce de fusion des listes Likoud et Israël Beitenou et que le ministre Attias a déclaré : «nous pouvons faire équipe avec tout gouvernement», un autre dirigeant veut raviver la guerre communautaire d’un autre temps, des années 60-70, en précisant que la nouvelle entité«représentait les ashkénazes» et que le Shass défendait la cause séfarade. Cet argument politique est dangereux pour l’unité du peuple israélien confronté à des défis politiques et économiques importants. Certes, ce parti avait été créé sur une base communautaire mais il serait temps que des arguments politiques moins spécieux soient utilisés dans cette nouvelle campagne électorale.
Au sein du Likoud, les avis sont partagés puisque le ministre Michael Eitan a déclaré que ce rapprochement pourrait mener à la «liquidation de Likoud». L'ancien ministre travailliste Itshak Herzog justifie cette union comme un «signe de panique de la part du premier ministre». En fait, il semble que la stratégie urgente de Netanyahou consiste à bloquer toutes les manœuvres en cours tendant au rapprochement entre Avigdor Lieberman, Ehud Olmert et Tsipi Livni, dans le cadre d’une nouvelle coalition.
Avenir incertain
Il n’est pas certain que cette décision de Netanyahou soit une décision stratégique sans péril car elle pourrait produire des effets inverses inattendus qui renforceraient le centre-gauche en lui donnant des couleurs que les sondages n’avaient pas encore prévues. Cette fusion pourrait au contraire s’avérer un désastre pour le premier ministre qui n’a pas suffisamment retenu les leçons de son ami Nicolas Sarkozy. Le président français a perdu les élections en limitant le choix des électeurs par la création d’un parti unique l’UMP qui réduisait le choix des électeurs.
La campagne électorale, qui s’annonçait terne tant le résultat était attendu face à un Netanyahou superstar, risque de s’animer et même de conduire à des résultats que le plus optimiste dirigeant de l’opposition n’aurait jamais espérés. Le premier ministre donne l’impression d’une certaine inconstance qui risque de lui coûter son poste. Il vient de relancer l'intérêt des élections, à la grande joie des israéliens qui adorent le jeu politique.
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