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NISSIM SAMAMA : Un « Caïd » pour les Juifs de Tunisie

NISSIM SAMAMA : Un « Caïd » pour les Juifs de Tunisie

 

Sais-tu qu’au Moyen Âge, à Narbonne, en Septimanie, à Rouen, en Neustrie et à Mayence en Austrasie, existaient des « Roi des Juifs », chargés de l’organisation et de la gestion des communautés juives locales ? Il y eut aussi, au 7ème siècle, en Afrique du Nord, une reine juive, la Kahéna. À la même époque, du côté de la Volga, on parle d’un « Royaume juif des Khazars ». Les chercheurs racontent aussi qu’il y eut un royaume juif en Afghanistan. Et, bien plus tard, en Tunisie, au 18ème siècle, les beys installeront des « Rois des Juifs » locaux en désignant des « caïds » juifs. Une famille a dominé tout particulièrement la « profession », celle des Samama, constituant une véritable dynastie de « caïds ». Parmi eux Samuel, Elihaou, Moché, Yacob Bichi, Yehouda, Yossef, Nathan, Moïse, Salomon dit Chloumou et, bien sûr, le héros de notre récit, Nessim Bishi.
C’est en 1805, à Tunis, au sein d’une famille juive très modeste, celle du rabbin Salomon Samama et de son épouse, née Aziza Krief, que naît le petit Nessim. On ne connaît pas grand chose de son enfance mais on sait que, très jeune, Nessim Samama se lancera dans le commerce des tissus. Il tient une échoppe dans le quartier juif de la ville, la Hara. Polygame, il aura trois femmes, il a du mal a joindre les deux bouts car il doit entretenir ses épouses, son vieux père et son frère Nathan. Pourtant, un jour, la chance va lui sourire en la personne de l’un de ses clients, un haut dignitaire tunisien, le général Mahmoud Ben Mohammed Benaïad. Ébloui par la faconde et l’entregent du marchand de tissus, Benaïad propose à Nessim Samama d’entrer à son service. Sans hésitation, Nessim Samama saisit l’opportunité qui lui est offerte et, par la plus petite des portes, celle de domestique d’un général, il pénètre dans la cour du souverain, le bey de Tunis. Très vite, son statut s’améliore et, de factotum, il devient caissier, gérant les avoirs de Benaïad et de son associé, le ministre des Finances, Mohammed Khaznadar. Grâce à Nessim Samama, les deux hommes amassent une fortune considérable qui est, pour une bonne partie et par prudence, placée en Europe.
Juin 1852. Nessim a 47 ans. C’est un tournant. Benaïad, qui prend peur de l’ambiance qui règne au palais s’enfuit à Paris avant de s’installer à Istanbul. Nessim ne perd pas au change.
Khaznadar, de son vrai nom Georges Kalkias Stavelakis, un Grec converti à l’islam qui a été ministre sous cinq beys successifs et qui, désormais Premier ministre et Conseiller d’État détient un énorme pouvoir, le prend à son service. Le voilà promu trésorier contrôleur général des finances du royaume.
Grâce à ses relations et à son entregent, Nessim Samama, par le biais des commissions qu’il perçoit dans toutes sortes d’affaires se trouve à la tête d’une immense fortune.
En 1859, grâce à l’entremise du consul de France, Léon Roches, Nessim Samama est nommé « Caïd des Juifs ». Après la réussite financière, c’est la consécration « politique ». Dès lors, il va manifester, à l’égard de sa communauté une libéralité sans failles, mariant les jeunes filles pauvres, secourant les indigents, dispensant sans compter les aides les plus diverses.
Il se découvre une vocation de mécène du livre hébraïque et contribue à la publication de dizaines d’ouvrages en hébreu qui sont édités à Livourne, à Paris et même à Jérusalem.
En 1860, Nessim Samama, nommé directeur des finances tunisiennes est un quasi ministre. Il se fait construire un « palais » dans le quartier juif et une synagogue porte désormais son nom ainsi qu’une riche bibliothèque. Dans le « Palais Samama » qui, plus tard, abritera l’école de l’Alliance Israélite Universelle, de belles réceptions mondaines sont données auxquelles sont conviés les consuls en poste à Tunis. Artisan du rapprochement entre la France et la Tunisie, Nessim Samama accompagne le bey à Alger en septembre 1860 à la rencontre de l’empereur Napoléon III et de son épouse, Eugénie.
En 1864, prudent comme le fut en son temps Benaïad, Nessim Samama choisit de quitter la Tunisie sans esprit de retour.
Il s’installe à Paris, au 47, rue du Faubourg Saint-Honoré à quelques mètres du Palais de l’Élysée actuel. L’ancien « Caïd des Juifs » y mène un train de vie fastueux. En 1870, le conflit franco-allemand l’incite à rejoindre Livourne.
C’est là qu’il meurt le 24 janvier 1873. Confié à Adolphe Crémieux son testament donnera lieu à de nombreux procès.
Plus tard, des rabbins consacreront des élégies et des poèmes à la gloire de Nessim Samama. Ils sont encore dans la mémoire des Juifs originaires de Tunisie.

Jean-Pierre Allali.......

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