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Pardon, Erdogan, parce que nous avons pêché…

Chez certains, TOUT est une question d’honneur, Erdogan, au 1er plan, souriant, Netanyahu, à l’arrière, grimaçant, le Marmara au milieu. La traduction de l’affiche: Israël a présenté ses excuses à la Turquie. Reconnaissante à notre 1er ministre pour l'honneur qu'il nous apporte, la Municipalité reconnaissante d'Ankara. Minnettariz, reconnaissante

 

Pardon, Erdogan, parce que nous avons pêché… (info # 012803/13) [Analyse]

Par Ilan Tsadik © Metula News Agency

 

A la Ména il n’est pas dans nos habitudes de jouer les candides ni les enfants de chœur. Nous savons parfaitement qu’il faut occasionnellement mettre de l’eau dans son vin, et que l’art de gouverner un Etat passe obligatoirement, parfois, par la nécessité de faire des concessions.

Mais dans de telles conditions, quand l’on cède quelque chose à contrecœur à la poursuite d’un gain stratégique, il faut encore que ce bénéfice existe, qu’il soit démontrable, et surtout, qu’il ne génère pas de dégâts plus importants que l’erreur que l’on tente de réparer.

Vendredi dernier, dans l’après-midi, Barack Obama a demandé à Binyamin Netanyahu de présenter ses excuses à Tayyip Erdogan pour les neuf Turcs morts en 2010 lors de l’arraisonnement du Mavi Marmara par les commandos marins.

A Métula, avec notre ouverture d’esprit, nous admettons que faire plaisir à l’homme le plus puissant de la planète, dont nous dépendons à bien des égards, et lui permettre de rentrer à Washington sur un succès d’estime, constitue à lui seul une bonne raison de faire une concession.

Surtout que Bibi, comme l’appelle Obama amicalement, est prêt à faire d’autant plus de gestes de bonne volonté que l’impact de ceux-ci se situe plus loin de Jérusalem. De plus, notre 1er ministre ne nourrit qu’un égard relatif au sujet du verbe et des promesses, à l’instar, il est prudent de le préciser, de la plupart de ses confrères.

Cela n’a strictement rien à voir avec le sujet de cet article, mais votre serviteur pouffe encore en pensant au Sarkozy-show organisé devant la TV israélienne en janvier 2009, pour persuader le peuple hébreu et ses dirigeants de mettre un terme à Plomb durci à Gaza. Pour parvenir à leur fin, Sarkozy et ses amis européens, le ton grave et responsable, étaient allés jusqu’à signer un document en direct à Jérusalem, par lequel leurs pays s’engageaient à faire cesser la contrebande d’armes sous la frontière entre la Bande côtière et l’Egypte.

En quatre ans, ils ont intercepté une sarbacane à bout ventouse en caoutchouc, mais les sources divergent encore sur l’authenticité de l’info.

Alors vous pensez, chers Tarzans, très chères Germaines, glisser deux bafouilles de contrition à l’oreille du chef de gouvernement islamiste turc, si ça peut nous aider à obtenir quelques avions furtifs made in USA et une rallonge de crédit pour le Khetz 3, Netanyahu peut même lui ajouter une ou deux histoires juives !

Dommage que le pensionnaire de la Maison Blanche ne suive pas ses propres conseils d’apaisement et de bonne volonté. Il aurait pu… je ne sais pas, moi… mais puisque la constitution lui en donne le pouvoir, gracier Jonathan Pollard. Le pauvre gars qui purge une peine de prison depuis 26 ans et qui n’a toujours tué personne ni mis la vie de quiconque en danger.

Il avait simplement transmis quelques documents confidentiels au meilleur allié de l’Amérique. Une forme d’espionnage soft inter-amis, du genre que les Etats-Unis exercent chaque jour aux dépens d’Israël et d’autre Etats proches. Cela fait partie du lot ; on surveille ses potes afin d’être sûr qu’ils ne vont pas nous surprendre par des décisions ou des actes inattendus. Ceux qui ont feuilleté Wikileaks saisiront sans difficulté ce à quoi je fais allusion.

26 ans de tôle pour cela… Cela enrobe d’un nuage de doutes la sérénité de la justice américaine. Déjà qu’avec leurs injections létales à des types qui ont douze ans d’âge mental, je ne vois pas vraiment de quoi attribuer un Prix Nobel à son président.

Mais c’est nous qui avons besoin du Khetz, ce sont eux qui ont le blé, et ce sont eux, aussi, qui vont en gagner des tonnes en revendant la technologie que nous avons développée avec leur financement, en gagnant cent fois leur mise de départ et en nous laissant des cacahuètes.

C’est une autre chose que la plupart des mortels ne comprennent pas : quand Obama visite des expos de technologie à Tel-Aviv, quand il dit que nous sommes un excellent partenaire au niveau scientifique, il ne se force pas ni ne bluffe. Israël est devenu la start-up des USA et un gros créateur d’emplois ; à lui seul, le projet Khetz 3 fournit des jobs à cent-cinquante entreprises de Tonton Sam.

Bon, Obama est reparti enchanté. Il n’en fait pas une mais tout le monde l’aime, interprète ses mots d’humour, écoute attentivement ses promesses et guette les prochaines. Après le fameux coup de fil, il a déclaré : "J’ai l’espoir que l’échange d’aujourd’hui entre les deux leaders leur permettra d’entrer dans une coopération plus profonde sur ceci (sic) ainsi que sur une variété d’autres défis et opportunités".

Une voix caverneuse provenant du bureau de Netanyahu a fait écho à ces perspectives merveilleuses, déclarant que "l’ouverture de ce nouveau chapitre avec Ankara pouvait s’avérer très, très importante pour ce qui concerne la Syrie mais pas uniquement pour ce qui arrive en Syrie". Okay, okay.

Quoique !

En préparation de ce papier, j’ai appelé papa, qui passe ses vacances de Pâque avec maman et nos voisins, comme chaque année, sur une île allemande de la mer du Nord – keu je ne sais pas du tout ce qu’ils peuvent bien y trouver, à part la certitude de n’y croiser aucun autre Israélien ? – et Juffa, qui garde le seuil à Métula.

Les deux se montrent à la fois circonspects et péremptoires : il n’y a aucun progrès à espérer lors d’une discussion avec Erdogan sur les sujets iranien, syrien, du gaz avec Chypre et des Palestiniens. Les positions ne sont pas rapprochables.

Le 1er ministre ottoman est un admirateur du Hamas, qu’il considère comme une organisation sœur de son parti de la Justice et du Développement Moyenâgeux ; il va nous demander d’ouvrir des négociations avec Hanya et Mashal, en dépit du fait que ces deux fanatiques affirment cinq fois par jours qu’ils ne feront jamais la paix avec nous et qu’ils visent notre destruction totale.

Erdogan voudrait que ses négociations avec les Kurdes turcs nous inspirent ; que nous nous servions de Marwan Barghouti - un prisonnier qui purge plusieurs peines de prison à perpétuité pour des assassinats et des crimes terroristes -, comme il se sert lui-même d’Abdullah Öcalan, le leader kurde qu’Ankara s’était fait livrer par Hafez al Assad, pieds et poings liés, en 1999 sous la menace d’un conflit généralisé.

Et si cela ne nous plaît pas, on pourrait employer directement ses bons offices à lui, Erdogan, et organiser les pourparlers en Turquie. Le rêve que nous avons toujours caressé sans oser en parler !, la certitude que le conflit centenaire avec les Arabes va, incessamment sous peu, terriblement tout de suite, se trouver résolu.

Après avoir obtenu les excuses des Juifs ainsi qu’un allègement des conditions du blocus de Gaza (Erdogan exigeait la levée de tout contrôle sur la Bande, mais John Kerry, le Secrétaire d’Etat, l’a travaillé au corps pendant qu’Obama en faisait de même avec Bibi, afin qu’il se contente d’un allègement), le 1er ministre turc entrevoit un voyage triomphal – il en raffole - dans l’Autorité Palestinienne et à Gaza-city. Exactement le genre de chose qui manque encore au bonheur des Israéliens.

De plus, d’après Juffa et papa, et malgré les assurances immédiatement envoyées de Jérusalem à Athènes et Nicosie, leur garantissant le contraire, le réchauffement des relations avec le Grand Turc va se faire sur le compte de nos excellentes relations avec les Hellènes.

C’est automatique, les dernières avaient fleuri avec l’accession de Tayyip au pouvoir et ses mesures anti-israéliennes. La fracture entre la Grèce et la Turquie est si profonde, que c’est comme l’eau et le gaz, l’huile et le vin rouge, les frites et le riz, les imams et les clitoris, les islamistes et les droits de l’homme, etc.

Bref, on ne peut pas être ami des deux à la fois. Or, c’est vrai, les achats grecs n’ont pas remplacé les carnets de commandes turcs, les derniers sont riches et les premiers pas. Mais on a réussi à tisser des liens solides, basés sur de vraies convergences d’intérêt. L’entraide et les exercices militaires communs avec les Grecs sont efficaces et cordiaux. L’allié est fiable, et les progrès des forages de gaz dans le bassin oriental de la Méditerranée sont satisfaisants, particulièrement grâce à l’excellente collaboration avec les cypriotes. Notamment contre les actes d’intimidation de la marine et de l’aviation turques.

Et ce n’est pas tout : comme préambule au retour des ambassadeurs respectifs, Erdogan exige maintenant qu’Israël verse aux familles des victimes – c’est ainsi qu’il nomme les neuf voyous du Marmara qui s’étaient rués sur nos soldats non-armés avec l’intention de les tuer, et qui ont précipité un commando depuis le pont supérieur du bateau, le blessant grièvement – des sommes s’élevant à des dizaines de millions d’euros.

Netanyahu a déjà, lors de sa conversation téléphonique, accepté le principe de cette réparation financière. Tsipi Livni, la nouvelle ministre de la Justice – nous n’avons pas de ministre des Affaires Etrangères, il attend son procès pour savoir s’il ira en prison ! – s’est entretenue avec Ahmet Davutoglu, un antisémite notoire, me soit-il permis d’ajouter au passage, sur les modalités de la fixation des montants de la compensation.

Un comité ad hoc va être formé. Côté Bosphore, il sera conduit par le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, Feridun Sinirlioglu, un ex-ambassadeur en Israël. Et les Turcs ont exigé que tous les membres de la délégation israélienne se montrent capables de prononcer Sinirlioglu sans faillir, tout en mangeant un plat de Doner kebab épicé aux piments rouges. Décidément, ils ont décidé de nous faire boire le calice jusqu’à la lie !

A Jérusalem, on va demander, en contrepartie, que les familles des voooy… ctimes abandonnent leurs poursuites contre les soldats et officiers ayant participé à l’abordage, et notamment contre le chef d’état-major de l’époque, le Lieutenant-général Gabi Ashkenazi. Les Ankariotes, retors comme des hélicoptères, ont fait savoir que l’Etat turc pourrait s’engager à abandonner les poursuites, mais qu’il leur semblait impossible d’obtenir la même garantie de la part des familles. On se dirige ainsi, probablement, vers des négociations de maquignons avec chaque famille ; et cela risque d’être gai et très long, vu que chacun des flotilleurs islamistes a en moyenne dix-neuf frères et sœurs.

Depuis notre rocher battu par les vents de Métula, et même depuis Sdérot, dorée par le soleil printanier, on peut admettre sans atermoiement qu’il est bon d’entretenir des relations correctes avec la puissance régionale qu’est la Turquie. Avec une once de bonne volonté de sa part et un camion-citerne d’encouragements la part de Washington, Ankara pourrait effectivement servir de trait d’union avec un gouvernement, lui aussi islamo-moyenâgeux, qui pourrait prendre le pouvoir à Damas.

De plus, les Turcs ont des tas d’avions dépassés en attente d’avionique bleu-blanc, de chars d’assaut désuets à fourbir, de territoires étendus à faire surveiller par nos drones, et de pilotes pas très doués à faire entraîner par nos moniteurs. Est-il absolument nécessaire de préciser qu’ils ont été les premières victimes de leurs mesures d’embargo et qu’ils se sont rendu compte que nous et notre expertise n’étions pas si facilement remplaçables que frère Tayyip l’imaginait. Et que ces détails ont pesé plus qu’une soudaine prise de conscience fulgurante dans leur désir de renouer avec nous.

Voilà, c’est tout pour les circonstances atténuantes à la décharge de notre nouvel exécutif et notre désir de ne pas critiquer sans nuances les actions des gouvernants. Mais tout de même !

Est-ce se montrer "émotionnel" que de se demander s’il est de bon aloi de se confondre en excuses devant un personnage qui, il y a moins d’un mois, avait décrété – au 5ème forum de Vienne sur l’Alliance des Civilisations ! – que le sionisme constituait un crime contre l’humanité ?

Netanyahu, à l’époque (c’est la même que maintenant) avait dénoncé ces termes "obscurs et diffamatoires". Vendredi dernier, il a dit avoir pris connaissance avec satisfaction des éclaircissements que le leader du parti turc de la Justice et du Développement de la Haine gratuite entre les peuples a confiés au quotidien danois Politiken.

Mes très vastes connaissances dans cette langue m’aidant, ma fiancée est d’origine éthiopienne – ça n’a rien à voir et alors ? – m’ont poussé à lire l’interview de l’islamiste-modéré afin de me faire ma propre conviction. Grand bien m’en a pris. Ses propos sont confus, non-déchiffrables, à part un passage clair : "Je confirme mes remarques de Vienne". Ô Bibi, apprends le danois avant de présenter des excuses en notre nom !

Car c’est sur ce point que le bât blesse. Suite à l’interception du Marmara par le commando de la Shayetet 13, le commandement de l’Armée avait pleinement justifié l’attitude de ses soldats, de même que l’échelon politique, par la voix du 1er ministre d’alors… Binyamin Netanyahu.

Il y eut certes des imperfections opérationnelles, la plupart relatées en avant-première par mon père dans son article Premières leçons de l’arraisonnement du Marmara, mais personne n’a remis les fondamentaux de l’opération en doute : au niveau du principe, il convenait de faire respecter le blocus du califat islamiste et hostile de Gaza, décrété par l’exécutif. Sur le plan opératif, il convenait, en cas de refus de l’équipage d’obtempérer aux sommations d’usage, de monter à bord et de prendre le contrôle du navire.

Les soldats ont tout respecté. Ils sont montés à l’abordage sans armes létales – avec des fusils à peinture ! – et n’ont fait usage de fusils mitrailleurs munis de vrais projectiles qu’en légitime défense, pour sauver leur peau.

Il n’y a pas matière à présenter des excuses dans ces conditions. Et si quelque chose nous a échappé, à nous et aux commandos-marine, il est absolument nécessaire – quelqu’un doit rappeler d’urgence à Bibi qu’Israël n’est pas une monarchie de droit absolu mais une démocratie ! – de nous l’expliquer avant de s’agenouiller, en notre nom à tous, devant le Grand Turc.

Parce que l’on ne demande pardon que lorsque l’on a tort.

Et que, si c’est le cas dans cette affaire, les conséquences vont bien au-delà des caprices de M. Obama ; il faudrait, après avoir fait la lumière sur les conclusions de l’enquête qui ne nous auraient pas été présentées, prendre les mesures disciplinaires à l’encontre des responsables militaires et politiques des bévues.

Et changer de politique et de règles d’intervention. Pourquoi ? A-t-on décidé de lever le blocus maritime de Gaza ? Décidé de laisser la prochaine "flottille de la paix" accoster à Gaza ?

Si c’est le cas, l’exécutif à l’obligation de nous le dire. Mais puisque ça ne l’est pas, il avait l’interdiction de présenter des excuses bidon à un demi-tyran, islamiste et antisémite. Car cette procédure affaiblit notre image de marque, notre force de dissuasion, déçoit nos meilleurs combattants et reconnaît notre culpabilité collective pour un crime que nous n’avons pas commis.

Il y a un certain nombre de valeurs auxquelles on ne doit pas toucher. L’honneur d’un pays et de ses habitants constitue l’une d’elles ; il ne se brade pas, même suite à un choix tactique. Ce cabinet commence bien mal sa gouvernance, on se croirait en plein Gatekeepers, avec un exécutif qui ne sait pas ce qu’il fait, quelles sont les limites de ses prérogatives, ni où il va, et qui ne suit ni plan ni stratégie. Pardon Erdogan, ils se sont trompés…

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